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Qu'ils charment de Senlis le poëte idiot (2),
Ou le sec traducteur du françois d'Amyot [a]:
Pourvu qu'avec éclat leurs rimes débitées
Soient du peuple, des grands, des provinces goûtées [b];

Mendier la faveur d'un public dédaigneux;

Et je laisse à Psaphon, ce poëte des belles,
L'honneur de soupirer ses vers dans les ruelles.
(Daru.)

(1) Il a traduit l'Énéide, et a fait le premier opéra qui ait paru en France. (Despréaux, édit. de 1713.) * Voyez la satire VII, t. 1o, page 172, note 2.

Brossette nous apprend que Despréaux ayant su que M. D...., conseiller au parlement, disoit que ses poésies sentoient le travail, pour s'en venger, fit imprimer en 1701 ce vers, auquel il préféra définitivement l'ancien, en corrigeant les épreuves:

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Pour ne laisser aucun doute, il avoit mis à côté cette note: « Conseiller au parlement qui fait peu de cas de mes ouvrages. »

(2) Linière. (Despréaux, édit. de 1713.)* Le poëte de Senlis, tel étoit le nom qu'il se donnoit. Il avoit, suivant Brossette, l'air d'un idiot; c'est néanmoins de ses yeux que madame Deshoulières a dit :

Ils sont fins, ils sont doux ; voilà leur agrément.

Le portrait d'où ce vers est extrait fut tracé en 1658, avant que Despréaux fût connu. Il est fort long, et ne se trouve point dans l'édition que madame Deshoulières publia de ses poésies, en 1688, où elle admit ce qu'elle avoit fait de meilleur. Voyez le tome Ier, satire IX, page 253, note 1.

[a] François Tallemant, né à La Rochelle en 1620, mort à Paris en 1693. On a prétendu que, pour mettre en françois les vies de Plutarque, il avoit seulement changé le langage du célèbre Amyot, né en 1513, mort en 1593. Voyez la lettre de Paul Tallemant, son cousin, à Despréaux, tome IV, page 402.

[b] Ce vers et les trois précédents furent imprimés, pour la pre

Pourvu qu'ils puissent [a] plaire au plus puissant des rois;

mière fois, dans l'édition de 1701. Brossette se trompe, en disant qu'ils le furent de la manière suivante, dans les premières éditions: Pourvu qu'avec honneur leurs rimes débitées

Du public dédaigneux ne soient point rebutées.

Il a voulu parler de la première manière avant l'impression.

Voilà sans doute ce qui a fait avancer par M. Daunou que cette première leçon se lit dans les éditions antérieures à 1713; elle n'existe pourtant dans aucune de celles que Despréaux a surveillées et Brossette est le seul qui l'ait fait connoître.

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[a] Pourvu qu'ils sachent plaire.

(Édit. ant. à celle de 1713.)

« J'avoue, dit Voltaire, que j'aime mieux le Mæcenas Virgiliusque, « dans Horace, que le plus puissant des rois, dans Boileau, parcequ'il « est plus beau, ce me semble, et plus honnête de mettre Virgile et

le premier ministre de l'empire sur la même ligne, quand il s'agit « du goût, que de préférer le suffrage de Louis XIV et du grand « Condé à celui des Coras et des Perrin; ce qui n'était pas un grand « effort [a]."

Cette observation, faite par un génie dont le coup d'œil pergant et rapide est quelquefois superficiel, a moins de justesse que de subtilité; car elle échappe même aux lecteurs attentifs. Racine étoit dans un découragement total; pour le rassurer, Despréaux oppose les plus augustes suffrages aux menées du duc de Nevers et de la duchesse de Bouillon, qu'il n'ose toutefois nommer. Les personnages dont il s'appuie n'étoient pas considérables seulement par un rang élevé ; ils étoient connus en général par un goût sain et par l'amour de l'étude. Le nom de La Rochefoucauld vivra autant que ses Maximes, dont le tour et la concision n'ont pas été sans influence sur les progrès de la langue françoise, à l'époque où elle s'est fixée. Les clameurs des Perrin, des Coras n'auroient pas été enten

[a] OEuvres complètes de Voltaire, 1819, tome VII, page So; Don Pèdre, tragédie; Epitre dédicatoire à M. d'Alembert,

Qu'à Chantilli Condé [a] les souffre quelquefois;
Qu'Enguien en soit touché [b]; que Colbert [c] et Vivonne [d],
Que la Rochefoucauld [e], Marsillac [f] et Pomponne[g],
Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer,

dues sans le crédit d'une cabale puissante, que Despréaux intimidoit par l'éclat des noms les plus imposants. On aimeroit sans doute à le voir invoquer nos plus grands poëtes en faveur de son ami; mais Molière, qui n'existoit plus, s'étoit brouillé avec Racine presque à l'entrée de celui-ci dans la carrière dramatique; mais le sublime Corneille avoit la foiblesse de s'affliger de la gloire de son jeune rival. Quant à La Fontaine, son caractère insouciant devoit l'éloigner des combats littéraires, et l'on ne s'étonne pas qu'il n'en soit fait aucune mention dans la VII® épître.

[a] Voyez l'avertissement de l'épitre Ire, page 3, note d.

[b] Le fils du grand Condé. Voyez le tome IV, page 173.

[c] Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances, etc., né le 31 août 1619, mort le 6 septembre 1683.

[d] Voyez l'épitre Ire, page 19, note b, et le tome IV, depuis la neuvième jusqu'à la vingt-septième page inclusivement.

[e] Le célèbre auteur des Maximes morales, né en 1613, mort en 1680. Voyez la fin de la dernière note de la satire V, tome 1er, page 155.

[f] François VII, duc de La Rochefoucauld, grand-maître de la garde-robe du roi, s'appeloit le prince de Marsillac. Il étoit fils du précédent, et Louis XIV avoit pour lui une affection particulière. Après la disgrace du duc de Lausun, le gouvernement de Berri lui fut donné en 1671. Il ne l'accepta qu'avec beaucoup de résistance, représentant au roi que n'étant point l'ami de M. de Lausun, il se faisoit une peine de profiter de sa dépouille. « Belle parole, dit le « président Hénault, et de grande instruction!» Voyez, sur le duc de La Roche-Guyon, fils du prince de Marsillac, le tome IV, p. 209,

note a.

[9] Voyez, sur le marquis de Pomponne, fils d'Arnauld-d'Andilly, le tone IV, page 259, note b.

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A leurs traits délicats se laissent pénétrer?

Et plût au ciel encor, pour couronner l'ouvrage,
Que Montausier voulût leur donner son suffrage [a]!
C'est à de tels lecteurs que j'offre mes écrits;
Mais pour un tas grossier [b] de frivoles esprits,
Admirateurs zélés de toute œuvre insipide,
Que, non loin de la place où Brioché [c] préside,
Sans chercher dans les vers ni cadence ni son,
Il s'en aille admirer le savoir de Pradon [d]!

[a] La misanthropie du duc de Montausier ne résista point à une louange aussi flatteuse. Quelque temps après il aborda le poëte dans la grande galerie de Versailles, et lui fit un compliment de condoléance sur la mort de Boileau de Puimorin, son frère, en lui disant qu'il l'aimoit beaucoup. « Je sais, répondit Despréaux, qu'il faisoit grand cas de l'amitié dont vous l'avez honoré; mais il en faisoit << encore plus de votre vertu ; il m'a dit plusieurs fois qu'il étoit très « fâché que je n'eusse pas pour ami le plus honnête homme de la « cour.» Les préventions du duc contre le satirique se changèrent dès-lors en une amitié véritable; « et sur-le-champ, dit Brossette, il « l'emmena dîner avec lui. »

[b] C'est probablement pour éviter la répétition du mot tas, que Despréaux l'a supprimé dans l'endroit où nous avons vu que SaintMarc le regrette.

[c] Fameux joueur de marionnettes, logé proche des comédiens. (Despréaux, édit. de 1701.) * L'édition de 1713 porte seulement, fameux joueur de marionnettes.

[d] Dans les éditions de 1683 et de 1685, il y a P***. La réponse si connue de Pradon au prince de Conti l'aîné, qui lui faisoit observer qu'il avoit mis en Europe une ville d'Asie, prouve, même en la supposant inventée par la malignité, combien il passoit pour être ignorant. « Je prie votre altesse de m'excuser, dit-il, car je ne sais pas trop bien la-chronologie, »

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ÉPITRE VIII.

AU ROI [a].

Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d'écrire [b].
Tu sais bien que mon style est né pour la satire;
Mais mon esprit, contraint de la désavouer,
Sous ton régue étonnant ne veut plus que louer.
Tantôt, dans les ardeurs de ce zèle incommode,
Je songe à mesurer les syllabes d'une ode;

[a] L'auteur appeloit cette épître son remerciement : c'est de tous ses ouvrages celui où il témoigne plus particulièrement au roi sa reconnoissance. Il la composa en 1675, et la lut à ce prince.

[b] Les heureux commencements de la campagne de 1675 inspirèrent ce début, que la mort de Turenne et la défaite du maréchal de Créqui firent changer ainsi, peu de temps après :

Grand roi, sois moins louable, ou je cesse d'écrire.

Ce changement ne pouvoit satisfaire le poëte : aussi aima-t-il mieux attendre que la campagne suivante lui permît de conserver l'un de ses meilleurs traits; et sa pièce ne parut qu'en 1676. Cette particularité, affirmée par Brossette, est très vraisemblable. Elle ne se concilie pas néanmoins avec la date de l'impression, indiquée par M. Daunou, dans le catalogue des principales éditions des œuvres de Boileau, laquelle est conçue de la manière suivante: 1675, Les épîtres V, VIII et IX. Paris, in-4o. Ce que dit Brossette ne nous paroît pas détruit par une indication aussi formellement énoncée, parceque le catalogue où elle se trouve contient des inexactitudes, que nous avons eu occasion de faire remarquer. Voyez, par exemple, la préface des trois dernières épitres, note première.

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