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D'un ami de la vérité

Qui peut reconnoître l'image [a]?

ÉPIGRAMME [b]

Sur le buste de marbre qu'a fait de moi M. Girardon, premier sculpteur du roi.

Grace au Phidias de notre âge,

Me voilà sûr de vivre autant que l'univers;
Et ne connût-on plus ni mon nom ni mes vers,
Dans ce marbre fameux, taillé sur mon visage,
De Girardon toujours on vantera l'ouvrage (1).

[a] Dans une lettre de Despréaux à Brossette, du 13 décembre 1704, tome IV, page 529, on trouve la première manière de ce remerciement. Le premier vers est le seul auquel il n'y ait rien de changé.

[b] C'est la dernière des petites pièces de l'édition de 1713. Le nom d'épigramme que lui donne l'auteur annonce qu'il prend ici ce mot dans son acception la plus étendue.

(1) Ce buste est dans le cabinet de M. Girardon, et l'on en a tiré plusieurs copies en marbre et en plâtre. ( Brossette.) * Voyez sur Girardon la page 493 de ce volume, note a.

POÉSIES DIVERSES[@].

ÉPIGRAMME.

A une demoiselle que l'auteur avoit eu dessein d'épouser.

Pensant à notre mariage

Nous nous trompions très lourdement :

Vous me croyiez fort opulent,

Et je vous croyois sage[b].

[a] Ces poésies ne se trouvent point dans les éditions avouées par Despréaux.

[b] Saint-Marc est le premier qui ait inséré cette épigramme dans son édition. Il l'a tirée d'une lettre de Desforges-Maillard au président Bouhier, imprimée en 1741 dans le XI tome des Amusements du cœur et de l'esprit, pages 550-565. Il résulte de cette lettre que Desforges tient les particularités qu'il publie d'un M. Roger, qui les tenoit du marquis de la Caunelaye, à qui le poëte même les avoit racontées. Les voici : « M. Despréaux avoit pour maîtresse et recher«<choit en mariage mademoiselle C. Il fut informé qu'elle voyoit fré« quemment un mousquetaire. Le poëte, piqué jusqu'au vif, parcequ'il s'en croyoit aimé, résolut sur-le-champ de ne se marier de « sa vie, jugeant par son aventure que toutes les femmes étoient infidèles. C'est dans cet esprit qu'il avance, dans sa dixième satire,

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04 que Paris ne possédoit dans son sein que trois honnêtes femmes.

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Quoi qu'il en soit, il renonça à mademoiselle C., et lui envoya seulement pour adieu les quatre vers » (qui font l'épigramme ci-des

AUTRE

Sur une personne fort connue.

De six amants contents et non jaloux,
Qui tour-à-tour servoient madame Claude,
Le moins volage étoit Jean, son époux.

Un jour pourtant, d'humeur un peu trop chaude,
Serroit de près sa servante aux yeux doux,
Lorsqu'un des six lui dit : Que faites-vous?
Le jeu n'est sûr avec cette ribaude.

Ah! voulez-vous, Jean-Jean, nous gâter tous [a]?

sus.) « Mademoiselle C. lui fit cette réponse, ou le mousquetaire la << fit sous le nom de sa maîtresse :

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Cette anecdote a tous les caractères de la certitude aux yeux de Desforges-Maillard; mais Louis Racine n'y ajoute pas la moindre foi. « Dans la dernière édition de ses œuvres (de Despréaux) achevée « à Paris depuis deux mois, on lui attribue, dit-il, trois épigrammes « qu'il n'a jamais faites, quoiqu'il ne soit pas nécessaire de lui en « chercher : il en a assez donné lui-même. J'ai été sur-tout surpris <«< d'en trouver une qui a pour titre: A une demoiselle que l'auteur « avoit dessein d'épouser. Tous ceux qui l'ont connu un peu fami« lièrement savent qu'il n'a jamais songé au mariage, et n'en ignorent « pas la raison. » ( Mémoires sur la vie de Jean Racine, 1808, p. 72.) On desireroit que L. Racine eût fait connoître positivement les deux autres épigrammes qu'il regarde comme n'étant pas du satirique.

[a] Nous ne donnerions point cette épigramme, si elle ne se trouvoit dans toutes les éditions, à l'exception de celle de 1740. Elle «est, dit Le Brun, un peu leste pour le sévère Boileau; mais ce n'est

pas la plus mal tournée du recueil.» Brossette l'a mise en note sous ce vers de l'Art Poétique :

Imitons de Marot l'élégant badinage, etc.

(Chant I, page 177 de ce volume.)

Despréaux, étant jeune, la « fit, dit ce commentateur, sur une per« sonne fort connue, qu'il ne nommera point. » Ce dernier mande à J.-B. Rousseau, le 28 août 1715: « Je vous envoie une épigramme « de votre style et du style de Marot; car c'est tout un. Elle est de « M. Despréaux, qui me l'a dictée autrefois [a]. » Le 15 octobre suivant, Rousseau lui répond: « Je connoissois et je savois même par « cœur la petite épigramme de M. Despréaux, que vous avez eu la « bonté de m'envoyer. On prétend que c'est un bon mot de M. Ra«< cine au comédien Champmeslé, dans le temps qu'il fréquentoit la « maison de celui-ci. M. Despréaux n'a point donné cette épigramme « au public, pour ne point donner prise aux censeurs trop scrupu« leux, Parceque, me disoit-il, un ouvrage sévère peut bien plaire aux libertins; mais un ouvrage trop libre ne plaira jamais aux personnes « sévères. C'est une maxime excellente qu'il m'a apprise trop tard, et « que je me repens fort de n'avoir pas toujours pratiquée [b]. »

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L'austère Louis Racine passe pour avoir présidé à l'édition de la correspondance de J.-B. Rousseau, et pour être l'auteur des remarques dont elle est accompagnée. En voici une où l'on reconnoît sa vénération pour la mémoire de l'ami de son père: « Cette épi«gramme fut faite dans une société de jeunes gens dont étoient « Boileau et Racine, et fut l'ouvrage de la société. Boileau n'eut ja« mais ce style; et il ne l'eût pas apprise à Brossette, s'il eut soupçonné qu'elle se trouveroit un jour dans le commentaire de son « Art Poétique. » D'après un langage aussi formel, on doit penser que cette épigramme est l'une des trois qu'il assure n'avoir pas été «< composées par le satirique. Voyez la note de la pièce précédente.

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[a] Lettres de Rousseau sur différents sujets de littérature, t. II, p. 32. [b] Ibidem, page 37.

AUTRE

Sur un frère aîné que j'avois, et avec qui j'étois brouillé.

De mon frère, il est vrai, les écrits sont vantés [a].
Il a cent belles qualités;

Mais il n'a point pour moi d'affection sincère.
En lui je trouve un excellent auteur[b],
Un poëte agréable, un très bon orateur [c];
Mais je n'y trouve point de frère [d].

[a] Gilles Boileau avoit publié plusieurs ouvrages, dont voici les principaux: 1o le Tableau de Cébès; 1653; 2° la Vie d'Épictète et l'Enchiridion, ou l'Abrégé de sa philosophie; 1655; 3o Diogène Laërce, de la vie des philosophes, 1668. Despréaux fut en 1670 l'éditeur de ses œuvres posthumes. Voyez, sur ce dernier volume, le tome III, page 109.

[b] Lorsque ce frère existoit, Despréaux ne tenoit pas toujours le même langage sur ses talents. Voyez le tome Io, satire IX, page 235, note a, et ce tome-ci, page 514, note 1.

[c] Ce vers indique qu'il avoit exercé la profession d'avocat. Il fut payeur des rentes de l'Hôtel-de-Ville, ensuite contrôleur de l'argenterie du roi.

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[d] «Ils avoient à déméler entre eux des intérêts d'auteurs, et qui plus est de poëtes: doit-on s'étonner que la tendresse frater<< nelle en souffrit [a]?» Linière a fait l'épigramme suivante sur la l'aîné ressentoit contre son cadet :

jalousie que

Veut-on savoir pour quelle affaire

Boileau le rentier aujourd'hui

En veut à Despréaux son frère?

Qu'est-ce que Despréaux à fait pour lui déplaire?

Il a fait des vers mieux que lui.

Despréaux, dans sa première satire, reprochoit d'abord à ce frère

[a] Histoire de l'académie françoise, par d'Olivet, 1743, t. II, p. 121.

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