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Contre Arnauld eût fait un ouvrage (1).
Il en a fait, j'en sais le temps,

Dit un des plus fameux libraires.
Attendez.... C'est depuis vingt ans.
On en tira cent exemplaires.

C'est beaucoup, dis-je, en m'approchant,
La pièce n'est pas si publique.

Il faut compter, dit le marchand,
Tout est encor dans ma boutique (2).

(1) Le commencement de cette épigramme étoit ainsi :

Hier un certain personnage

Au Palais me voulut nier,

Qu'autrefois Boileau le rentier [a]

Sur Costar eût fait un ouvrage.

Il en a fait, etc.

Gilles Boileau.... ne cessoit, par jalousie, de décrier les poésies de M. Despréaux son frère cadet. C'est pourquoi celui-ci fit cette épigramme, dans laquelle il indiquoit un petit ouvrage que Gilles Boileau avoit publié en 1656 contre Costar, intitulé: Remerciement à M. Costar; mais, après la mort de cet aîné arrivée en 1669, M. Despréanx supprima ces quatre vers, et tourna son épigramme contre M. Desmarets de Saint-Sorlin, etc..... L'action de cette épigramme se passa dans la grand'salle du palais, où il y a beaucoup de libraires, et où s'assembloient tous les soirs plusieurs beaux-esprits, etc. (Brossette.)

(2) Cette épigramme seroit assez plaisante si elle n'étoit pas si délayée. (Le Brun.)

[a] Cette expression n'est pas exacte, si le poëte a, comme il le paroît, voulu désigner l'emploi de payeur des rentes de l'hôtel-de-ville, exercé par son frère. Voyez sur Gilles Boileau le tome Ier, satire Ire, p. 87, note c.

QUATRAIN

Sur un portrait de Rocinante, cheval de Dom Guichot [a].

Tel fut ce roi des bons chevaux,

Rocinante, la fleur des coursiers d'Ibérie,

Qui, trottant jour et nuit, et par monts et par vaux,
Galopa, dit l'histoire, une fois en sa vie (1).

[a] C'est ainsi que se trouvent les mots Rossinante et Don-Quichotte, dans les éditions de 1701 et de 1713. Dans la plupart des éditions postérieures, ils sont écrits suivant l'usage actuel.

(1) C'est la peinture d'un très méchant cheval, dont l'auteur, étant fort jeune, avoit été obligé de se servir, allant voir sa maîtresse au village de Saint-Prit, près Saint-Denis. Voyez l'article suivant [a]. Il fit une relation de son voyage, en vers et en prose; et M. de La Fontaine, à qui il la montra, s'arrêta principalement à ces quatre vers. Le reste a été supprimé. L'auteur avoit pourtant retenu une autre épigramme, qui entroit dans la même relation; mais il ne la récitoit que pour s'en moquer lui-même, et pour en faire voir le ridicule. « Quand je mourrai, disoit-il en riant, je veux la laisser à M. de Benserade; elle lui appartient de droit, j'entends pour le style. »

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La voici:

J'ai beau m'en aller à Saint-Prit,

Ce saint, qui de tous maux guérit,

Ne sauroit me guérir de mon amour extrême.

Philis, il le faut avouer,

Si vous ne prenez soin de me guérir vous-même,
Je ne sais plus du tout à quel saint me vouer.
(Brossette.)

*Voilà des particularités qu'il est difficile de ne pas admettre, malgré l'opinion de Racine le fils que nous avons rapportée, page 510 de ce volume.

[a] Cet article se trouve page 509, note 1, d'après l'ordre que nous avons adopté.

ÉPIGRAMME.

A Climène.

Tout me fait peine,
Et depuis un jour
Je crois, Climène,
Que j'ai de l'amour.

Cette nouvelle

Vous met en courroux.

Tout beau, cruelle;

Ce n'est pas pour vous [a].

[a] Despréaux écrit à Brossette au sujet de ce couplet, fait, au moins depuis quarante ans, sur l'air d'une sarabande qu'on chantoit alors: « A l'égard de l'épigramme à Climène, c'est un ouvrage de « ma première jeunesse, et un caprice imaginé pour dire quelque « chose de nouveau. » (Lettre du 15 juillet 1702, tome IV, p. 440.) La Fontaine exprime à peu près la même idée dans l'un de ses apologues, qui est une véritable idylle.

Amaranthe dit à l'instant :

Oh! oh! c'est là ce mal que vous me prêchez tant!
Il ne m'est pas nouveau; je pense le connoître.

Tircis à son but croyoit être,

Quand la belle ajouta : Voilà tout justement

Ce que je sens pour Clidamant.

(Liv. VIII, fable XIII.)

VERS

Pour mettre au bas du portrait de Tavernier, le célèbre voyageur.

De Paris à Delli (1), du couchant à l'aurore,
Ce fameux voyageur courut plus d'une fois;
De l'Inde et de l'Hydaspe (2) il fréquenta les rois,
Et sur les bords du Gange on le révère encore.
En tous lieux sa vertu fut son plus sûr appui;
Et, bien qu'en nos climats de retour aujourd'hui
En foule à nos yeux il présente

Les plus rares trésors que le soleil enfante (3),
Il n'a rien rapporté de si rare que lui (4).

(1) Ville et royaume des Indes. ( Despréaux, édition de 1713.) (2) Fleuves du même pays. (Despréaux, édition de 1713.)

(3) Il étoit revenu des Indes avec près de trois millions en pierreries. (Despréaux, édition de 1701.)

(4) Rare, ce mot a deux sens. Tavernier, quoique homme de mérite, étoit grossier et même un peu original. (Brossette.) * Il n'est pas à présumer que Despréaux, malgré son penchant pour la raillerie, ait voulu terminer par une équivoque épigrammatique des vers consacrés à la louange du célèbre voyageur. Voici la note de Saint-Marc:

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Jean-Baptiste Tavernier, fils d'un géographe estimé, qui, d'An« vers sa patrie, étoit venu s'établir à Paris, y naquit en 1605. Il fut « élevé dans la religion calviniste, qu'il professa toute sa vie. A l'âge de 22 ans il avoit parcouru la France, l'Angleterre, les Pays-Bas, la « Suisse, l'Allemagne, la Pologne, la Hongrie et l'Italie. Il fit, pendant « l'espace de quarante ans, six voyages aux Indes par les différentes « routes qui peuvent y conduire. De retour de son sixième voyage « en 1668, il acheta la baronnie d'Aubonne en Suisse, qu'il vendit neuf ans après. Il entreprit en 1688 un septième voyage aux Indes par la Moscovie, qu'il n'avoit jamais vue. Il traversa l'Allemagne

ODE(1)

Sur un bruit qui courut en 1656, que Cromwel et les Anglois alloient faire la guerre à la France [a].

Quoi? ce peuple aveugle en son crime,
Qui prenant son roi pour victime,

Fit du trône un théâtre affreux [b],

<< et la Pologne, et se rendit à Moscou ; mais il y tomba malade, et « mourut au mois de juillet 1689, âgé de 84 ans, et non de 89, «< comme M. Brossette l'avoit dit. Le roi l'avoit anobli. Comme il « n'avoit point ou très peu de lettres, et qu'il écrivoit fort mal en françois, il emprunta différentes plumes pour rédiger les relations de ses « voyages. "

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Les vers de Despréaux pour Tavernier furent insérés dans l'édition de 1701, et composés, selon toute apparence, au retour de celui-ci en 1668, c'est-à-dire après son sixième voyage.

(1) Je n'avois que dix-huit ans quand je fis cette ode; mais je l'ai raccommodée. (Despréaux, édition de 1701.) *L'auteur étoit alors dans sa vingtième année; mais il étoit dans l'usage de se rajeunir. Voyez à cet égard le tome Ier, page 22, note a.

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[a] Cette ode fut insérée par l'auteur dans l'édition de 1701; mais elle « avoit paru dès 1671, dit Saint-Marc, telle qu'il l'avoit faite d'a«< bord, dans le tome III, page 28 du Recueil de poésies chrétiennes et diverses, imprimé chez Lepetit, en 3 volumes in-12, et que M. du « Monteil attribue, selon l'opinion commune, à MM. de Port-Royal. « Ce recueil porte le nom de M. de La Fontaine, qui fit l'épître dédica« toire à M. le prince de Conti; mais il est de Henri-Louis de Lomé<< nie, comte de Brienne, etc. » Voyez le tome IV, page ITM, note a. [b] « Pour soutenir la métaphore de victime et de sacrifice, dit « Saint-Marc, il falloit autel et non théâtre. » La métaphore est juste, parcequ'ici l'échafaud est considéré comme l'autel où la victime est immolée. Charles Ier eut la tête tranchée à White-hall, le 9 février 1649.

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