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«portance à sa narration, l'auteur n'affecte point d'étaler un récit « ambitieux; toutes les circonstances de l'action s'expliquent par l'organe des acteurs mêmes. C'est par le discours de la Discorde « au prélat, et par celui du prélat à ses partisans que l'on apprend « la cause des haines du prélat et du chantre. C'est par la réponse « de Sidrac au prélat que l'on voit de quelle manière celui-ci doit « se venger de son ennemi, en relevant le lutrin. Toute la suite du

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poëme est racontée dans le même goût; et le même art préside « à la partie du merveilleux.» (Septième lettre à M. de Voltaire, page 137.)

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CHANT II.

Cependant cet oiseau qui prône les merveilles (1),
Ce monstre composé de bouches et d'oreilles,
Qui, sans cesse volant de climats en climats,
Dit par-tout ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas;
La Renommée enfin, cette prompte courrière [a],
Va d'un mortel effroi glacer la perruquière;

(1) Énéide, liv. IV, vers 113. (Despréaux, édit. de 1713. ) * La description de la Renommée est admirable dans Virgile. Plusieurs poëtes l'ont faite après lui. La première, dit Delille, est celle d'Ovide, dans le deuxième livre des Métamorphoses, très bien rendue << par M. de Saint-Ange. Le palais de la déesse y est décrit d'une

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« manière brillante; mais la prolixité et la monotonie empêchent d'en distinguer les traits les plus remarquables.

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« La description de Boileau, dans le second chant du Lutrin, est

beaucoup moins étendue; mais aucun des traits que comportoit « son sujet n'y est oublié.

Voltaire a fait aussi, en décrivant la Renommée dans le huitième chant de la Henriade, une heureuse imitation de Virgile; mais celle de Jean-Baptiste Rousseau, dans sa belle ode au prince Eugène, nous paroît supérieure à toutes les autres par la rapidité et << le mouvement. » (Remarques sur le quatrième livre de l'Énéide.) [a] La Renommée enfin, d'une course légère,

Va porter la terreur au sein de l'horlogère.
(Edit. ant. à 1701.)

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AUSSI-TOT de longs clous il prend une poignée :

Sur son épaule il charge une lourde coignée:

Chant II. Vers 85-86.

J.J. Blaise Libraire, Quai des Augustins.

Lui dit que son époux, d'un faux zéle conduit,
Pour placer un lutrin doit veiller cette nuit [a].

A ce triste récit, tremblante, désolée [b],
Elle accourt, l'oeil en feu, la tête échevelée,
Et trop sûre d'un mal qu'on pense lui celer:
Oses-tu bien encor, traître, dissimuler (1)?
Dit-elle : et ni la foi que ta main m'a donnée,
Ni nos embrassements qu'a suivis [c] l'hyménée,

[a] Dans les éditions de 1674 et de 1675, on lit, après ce vers, les quatre suivants, retranchés par l'auteur en 1683:

Que, sous ce piège adroit, cet amant infidéle Trame le noir complot d'une flamme nouvelle, Las des baisers permis qu'en ses bras il reçoit, Et porte en d'autres lieux le tribut qu'il lui doit. [b] A ce triste récit, tremblante et désolée, etc. (Édit. de 1674 et de 1675.)

Cette leçon n'a pas été recueillie. C'est un de ces changements imperceptibles auxquels tient la perfection du style.

(1) Énéide, liv. IV, vers 305. (Despréaux, édit. de 1713.)*
Dissimulare etiam sperasti, perfide, tantum

Posse nefas? tacitusque meâ decedere terrâ?
Nec te noster amor, nec te data dextera quondam,
Nec moritura tenet crudeli funere Dido?

(Vers 305-308.)

Perfide! as-tu bien cru pouvoir tromper mes yeux?

As-tu cru me cacher ton départ odieux?

Quoi! notre amour... la foi que tu m'avois donnée..

Quoi! la triste Didon, à mourir condamnée...

Rien ne t'arrête! etc.

(Delille.)

[c] Dans toutes les éditions avouées par Despréaux, on lit:

Ni nos embrassements qu'a suivi l'hyménée, etc.

Le participe suivis n'étoit point alors déclinable dans la place qu'il occupe.

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