Les impératifs va, allons, allez, sont évidemment détournés de leur signification propre; ils servent à encourager, à persuader, et quelquefois sont purement explétifs. Allons gai! est une interjection, selon les lexicographes, elle excite à la gaîté.

Gare, impératif du verbe garer, est une caie interjection pour avertir de prendre garde

à soi.

Tiens et tenez ne servent ici qu'à éveiller l'attention sur ce qu'on va dire.

La religion défend de jurer en vain par le nom de Dieu, et même par celui d'aucun? créature. On sait que des lois très-sévères ont été portées et exécutées autrefois contre les blasphémateurs. Mais comment concilier ce commandement avec les mouvements impe tueux de la colère, avec le désir de persuader ce qu'on a besoin de faire croire! Les Français ont pris un biais, et avec le mot bleu ils ont formé une foule de jurons et d'impréca tions qui n'ont aucun sens par elles-mêmes, et qui tirent toute leur valeur du ton plus ou moins véhément, du sentiment plus ou moins vif de celui qui les prononce.

Parbleu, morbleu, corbleu (1) sont en usage parmi les gens du bon ton; rentrelleu, vertubleu, tétebleu, tubleu, moins usités, sentent le gros homme; palsembleu est villages. Dans le style campagnard il existe une foule d'expressions de cette nature, telles que pardi, pardié, pardienne, mordié, morgué, mɔrdienne, morguenne, testidié, tatigué, etc. On les trouvera en lisant les comiques.

Dans les articles précédents nous avons examiné les différentes sortes d'expressions qui composent le style interjectif; les unes, interjections pures, ne sont que des signes de sensations; les autres, noms, adjectifs, verbes a adverbes, sont à la fois des signes de sensations et d'idées. Il existe une autre classe d'expressions que les grammairiens ont ranges, mais avec bien peu de discernement, au nombre des interjections, ce sont songmat pées non passées à l'état de mot, les mimologismes ou imitations du langage de quelqu'un, enfin certains cris ou effets vocaux. Il sufất de réfléchir un instant pour reconnaît e combien ces expressions diffèrent des interjections; ce ne sont pas des signes de sen-2tions.

Ha, ha, est plus éclatant que hi, hi; mais on trouve aussi hé hé... pour signe graphi pre

du rire.

1 Il ne faut que consulter nos anciennes chroniques pour se convaincre que parbleu, corbleu, morb'eu, sont des altérations et des contractions de par Dieu, par le corps de Di par la mort de Dieu.

Natez de moi, par le cors Dé,
Fors cote et sercot de corde.

(ROMAN DE LA ROSE.)

Par ma foy, Domine, si vous voulez soupper avecques moy, par le corps Dieu; cor Dieu, dit le maistre d'hostel. (KABELAIS.)

Il en est de même de tubleu, vertubleu, tétebleu, maugrebleu, palsambleu, etc., qui se sont formes de par la vertu de Dieu, par la tête de Dieu, par le maŭtais gre de Dieu, par le sang de Dieu, etc.

Ce qui prouve que c'est bien la l'origine de tous ces jurements, c'est qu'on lit dans le glossaire de la las, romane par Roquefort qu corbi u, curdieu sont une syncope de par le corps de ihtu.

Ta, ta, ta, ta est un mimologisme ou une imitation de la vitesse déplacée de l'avocat dont on parle ici.

Zest peint la légèreté de la course, crac le bruit de quelque chose qui cède avec effort, qui craque enfin. Ce monosyllabe est pris au figuré dans les vers suivants :

Le brusque philosophe en ses sombres humeurs
Vainement contre nous élève ses clameurs.

Une belle paraît, lui sourit et l'agace,

Crac! au premier assaut elle emporte la place.

(DESTOUCHES.)

Ah, ah, aah! sont articulés par une personne qui bâille.

Et chi, et cha, peinture graphique de l'éternuement.

Tra, tra, tra, imitation du bruit de la course.

Pouf représente le bruit que fait la chute d'un corps mou. Dans les vers de Regnard, ce monosyllabe fait entendre que celui à qui l'on s'adresse a fait une balourdise, une chute morale.

Enfin, ouan, ouan, est, comme le dit Buffon, le cri imitatif du mâle de la caille, et cri, cri celui de la femelle.

Nous bornerons là ces citations; nous terminerons en disant que dans nos meilleurs chansonniers, Béranger, Désaugiers, de Piis, etc., on trouvera une foule d'imitations de certains bruits: les flon flon des violons, les pan pan des bouchons, le tic toc des brocs et le dreiin-din--din des verres, etc. etc., etc.

FIN.