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Il serait d'autant plus rigoureux de condamner ces exemples, qu'on en trouve en grand nombre dans la plupart de nos meilleurs écrivains.

Nous croyons même avec Boniface que je vous défends d'ouvrir la porte Ni la fenêtre, a un tout autre sens que je vous défends d'ouvrir la porte ET la fenêtre.

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«Lorsque plusieurs verbes se succèdent, dit Boinvilliers, l'adverbe négatif ne tient lieu ordinairement de ni avant le premier verbe: Il NE boit ni ne mange; je NE veux, ni ne dois, ni ne puis vous obéir. Quoique Bossuet ait dit: Son grand cœur NI NE s'aigrit, ni ne s'emporte contre elle, nous aimons cependant mieux dire, avec tous les autres écrivains. Son grand cœur NE s'aigrit ni ne s'emporte contre elle. »

Boiste pousse le rigorisme beaucoup plus loin.

« Quoique l'usage et les grammairiens, dit-il, permettent de placer immédiatement après le ni un ne pour lier deux propositions négatives, comme dans cette phrase de Bossuet: jamais pécheur ne demanda un pardon plus humble, NI NE s'en crut plus indigne, l'harmonie réclame contre cette permission, qui produit des consonnances désagréables, comme le ni ne s'en crut plus, échappé à la plume éloquente de ce grand orateur, qui préférait à l'harmonie la force de l'expression. Ce son désagréable et bizarre, ni ne s'en, le serait plus encore si le ne se trouvait suivi du verbe avoir, et que l'on eût dit: ni n'a cru en être plus. Celui qui sait mouvoir sa langue et sa plume trouvera des tournures de phrases moins choquantes. »

Boiste voudrait donc qu'on remplaçât ni ne par et ne, comme Massillon l'a fait dans cette phrase: La religion n'abat ET N'amollit point le cœur; elle l'ennoblit et l'élève. C'est une affaire de goût et d'harmonie.

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La plupart des grammairiens regardent comme une faute le ni des phrases qui précè
dent; suivant eux, les écrivains, pour parler purement, auraient dû employer et.

Nous nous permettrons de leur objecter que les écrivains font usage de ni au lieu de

et, lorsque la phrase, en apparence affirmative, renferme une idée négative; alors il y a

syllepse, et condamner ces exemples, c'est tomber dans le purisme, c'est vouloir appau-

vrir notre langue.

Si nous analysons les vers de Voltaire, nous trouvons plus craint que Dunois NE L'A

ÉTÉ, que Gaston NE L'A ÉTÉ. Qui empêchait l'écrivain de mettre et? Rien; son goût seul
a donc décidé, car on ne peut l'accuser d'ignorance.

Le passage de J.-B. Rousseau est un abrégé de : plus damné que ne le sont Hérode NI
Caïphe: on a condamné ce passage, parce qu'on n'a pas songé à rétablir l'ellipse.
Dans la phrase suivante, Marmontel s'est servi de et: Rien de plus naturel ET de plus
doux que de participer aux malheurs de ses amis; il aurait tout aussi bien pu mettre ni,
s'il l'eût voulu.

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Ou sert à lier des noms, des adjectifs ou des propositions.

Il faut éviter avec soin de joindre par la conjonction ou deux membres de phrase
dont l'un exige la négative et l'autre ne l'exige pas. C'est donc à tort que Barthélemy a
dit: Des pays qui ont été ou point ou mal décrits, il devait dire: des pays qui n'ont point
été décrits, ou qui l'ont été fort mal. La phrase suivante : On y trouve peu ou point d'eau
douce est également fautive; il faut dire: on n'y trouve point d'eau douce ou du moins on
y en trouve fort peu.

Ne dites pas non plus : Je pardonne les taches qui proviennent ou de négligence, or
échappent à notre faible nature. Pour être exact et correct, vous devez choisir une des
trois phrases suivantes : Je pardonne les taches qui proviennent ou de négligence ou de
la faiblesse de notre nature. Je pardonne les taches qui ou proviennent de négligence, ov

échappent à notre faible nature. Je pardonne les taches ou qui proviennent de négligence, Ou que laisse échapper notre faible nature.

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Ou RÉPÉTÉ.

Que l'amour soit ou non ou penchant ou vengeance, La faiblesse des cœurs fait toute sa puissance. (CRÉBILLON.)

Plus de raison: il faut ou le perdre ou mourir. (RACINE.)

Ou mon amour se trompe, ou Zaire aujourd'hui, Pour l'élever à soi, descendrait jusqu'à lui. (VOLTAIRE.)

Selon qu'il vous menace ou bien qu'il vous caresse, La cour autour de vous ou s'éloigne ou s'empresse. (RACINE.)

Messieurs, ou la maladie vous tuera, ou le médecin, ou bien ce sera la médecine. (MOLIÈRE.) Ou n'écrivez rien de bon, ou les sots s'élèveront contre vous, ou bien contre vous les sots s'élèveront, ou les méchants vous dénigreront. (Id.)

La conjonction ou peut, comme on voit, se répéter ou non se répéter. Cette répétition dépend uniquement du goût ou de l'énergie que l'on veut donner à la phrase.

Le cheval ou l'âne.

Je veux vaincre ou mourir.

EXERCICE PHRASEOLOGIQue.

Ou le cheval on l'âne.

Je veux ou viaincre ou mourir.

-**** N° DCCXCVIII. *********

Ou AVEC OU SANS de, LORSQU'IL EST PRÉCÉDÉ DE qui, quel, lequel.

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On ne savait, dans l'Europe, qui on devait plain-
dre davantage, ou un jeune prince accusé par son
père et condamné à la mort par ceux qui devaient
être un jour ses sujets, ou un père qui se croyait
obligé de sacrifier son propre fils au salut de son
empire.
(VOLTAIRE.)

Allez. On apprendra qui doit donner la loi ;
Qui de nous est César, ou le pontife ou moi.
(VOLTAIRE.)

Je demande qui a le plus de religion, ou le ca-
lomniateur qui persécute, ou le calomnié qui par-
donne?
(Id.)

Qui est plus criminel, à votre avis, ou celui qui achète un argent dont il a besoin, ou bien celui qui vole un argent dont il n'a que faire? (MOLIÈRE.) Que loûrai-je le plus, ou la cadence juste, Ou de ses vers aisés le tour harmonieux ? (CHAULIEU.)

Lequel des deux a tort, ou celui qui cesse d'aimer, ou celui qui cesse de plaire? (MARMONTEL.) On ne savait ce qu'il fallait le plus admirer dans l'auteur (Champfort), ou son génie, ou son âme. (LA HARPE.)

Qui des deux est plus fou, le prodigue ou l'avare? (REGNARD.)

Qui est le plus coupable, ou celui qui prêche toujours la vérité, ou celui qui résiste toujours à la vérité? (RACINE.)

Quand les mots qui, quel, lequel, etc., accompagnent la conjonction ou, doit-on exprimer ou supprimer la préposition de devant les noms ou pronoms unis par cette conjonction? L'usage, comme on peut s'en convaincre par nos citations, est encore partagé, et permet de dire également: Lequel des deux fut le plus intrépide, DE César ou D'Alexandre, ou bien: lequel des deux fut le plus intrépide, CÉSAR ou ALEXANDRE?

Dans le premier cas, dit Lemare, lequel des deux fut le plus intrépide, de César ou d'Alexandre, peut facilement s'expliquer; de est le complément de lequel, lequel de César, lequel d'Alexandre.

Lemare se trompe; de, dans la phrase qu'il cite, n'est pas le complément de lequel, puisque ce dernier a déjà pour complément des deux, mots dont Lemare ne parle pas dans son analyse, tant il est habitué à supprimer les mots qui pourraient l'embarrasser.

Domergue et Boinvilliers pensent que dans cette phrase il y a trois propositions: 1° Lequel des deux fut le plus intrépide? 2o César fut-il plus intrépide qu'Alexandre? 3° Alexandre fut-il plus intrépide que César? et que par conséquent les mots César et Alexandre, remplissant chacun la fonction de sujets, ne sauraient être précédés d'une préposition.

Où ces messieurs ont-ils donc vu que des mots employés comme sujets ne pouvaient pas être précédés d'une préposition? Ne dit-on pas à chaque instant: DES hommes m'ont dit, DES voyageurs m'ont raconté telle chose? Mais, objecteront-ils, dans ces expressions, des est employé d'une manière elliptique. Eh! qui leur dit qu'il n'en est pas de même dans lequel des deux... DE César ou d'Alexandre? En effet, si, au lieu de vouloir à toute force et contre toute raison transformer en sujets ces deux derniers mots, César et Alexandre, ils les eussent envisagés tels qu'ils sont, c'est-à-dire comme complément de la préposition de, ils auraient vu que cette phrase est un abrégé de la suivante: (Vous donnant à choisir entre la personne) DE CÉSAR OU (celle) D'ALEXANDRE, (je vous demande) LEQUEL DES DEUX fut le plus inTREPIDE; ou bien je demande, en

parlant) DE CÉSAR OU D'ALEXANDRE, LEQUEL DES DEUX FUT LE PLUS INTRÉPIDE. Parmi les nombreux exemples que nous avons cités, on a dû remarquer les deux suivants :

Dites-moi, de grâce, lequel vous aimez-mieux, ou de la loi Roscia, ou de cette chansonnette?

(BINET.)

Lequel vaut mieux, ou une ville superbe, ou une campagne cultivée et fertile? (FENELON.)

Observez qu'il s'agit de deux objets féminins, et que néanmoins lequel est au masculin.

Lorsqu'il y a comparaison entre des objets similaires, lequel, laquelle, lesquels, lesquelles prennent le genre et le nombre de l'un ou de plusieurs de ces objets qu'ils modifient. Laquelle aimez-vous des trois cousines? Laquelle voulez-vous de ces deux poires? De tous ces fruits, lesquels préférez-vous? mais si les objets sont dissemblables, ils se trouvent nécessairement séparés dans la pensée. L'adjectif déterminatif n'en modifie aucun, car ce ne sont plus les substantifs que l'on compare entre eux, mais la chose que l'on dit, et qui, n'ayant aucun genre déterminé, prend le neutre en latin, et en français le masculin qui en tient licu. Ainsi on ne peut établir de terme de comparaison entre une loi et une chansonnette, il n'y a point là d'analogie. Le traducteur a donc eu raison d'écrire: dites lequel vous aimez le mieux; lequel objet, de la loi ou de la chansonnette, et non laquelle.

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Mais encore, mais enfin, que dites-vous de cela?

(ACADÉMIE.)

Mais qu'avez-vous fait, qu'avez-vous dit?

(LA MEME.)

Du marbre, de l'airain, qu'un vain luxe prodigue,
Des ornements de l'art, l'œil bientôt se fatigue:
Mais les bois, mais les eaux, mais les ombrages
Tout ce luxe innocent ne fatigue jamais. [frais,
(DELILLE.)

Mais peut ou non se répéter, la répétition ajoute beaucoup d'énergie à la phrase.

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