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Sociétés pacifi. ques.

Adresses aux

collectivités religieuses.

cette pétition en Europe et de la présenter aux gouvernements européens. M. Darby ne pouvant exécuter à lui tout seul cette mission importante et difficile, s'est assuré le concours des Eglises protestantes de son pays en fondant l'Arbitration Alliance". Il s'est acquitté de sa délicate mission avec toute l'énergie et la persévérance voulues et a présenté son rapport au Congrès de Hambourg en 1897.

Au nombre des Sociétés pacifiques qui s'occupent de la question principalement au point de vue religieux, nous citons les Sociétés anglaises et américaines (la Society of Friends, la Peace Society et ses auxiliaires, etc.), en France la Société chrétienne des Amis de la Paix fondée en 1899 par M. le pasteur Allégret et qui a pour organe l'Universel" et en Suisse la Société chrétienne pour la propagande de la Paix, fondée par M. le pasteur Gétaz à Bienne.

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Une décision du 7° Congrès (Budapest 1896) était ainsi conçue:

„Des adresses spéciales seront envoyées à S. S. le pape, ainsi qu'aux chefs des autres Collectivités religieuses et aux autorités franc-maçonniques, pour les prier instamment d'user officiellement de leur haute influence en faveur des idées de paix et de concorde entre les peuples."

Cette décision a reçu son exécution et nous croyons devoir reproduire ici, comme ayant en ce moment un certain caractère d'actualité, la réponse faite par le cardinal Rampolla au Bureau du Congrès, sous la date du 15 décembre 1896.

En voici le texte:

M. le Général Etienne Türr,

Président du VII Congrès universel de la Paix.

Très-honoré Monsieur,

L'hommage rendu au St. Père par le VII Congrès universel de la Paix tenu récemment à Budapest et dont vous vous êtes fait l'interprête, Lui a été extrêmement agréable, parce que dans cet acte de déférence Il a pu aisément reconnaître un témoignage public de respect rendu au haut ministère de la paix dont est revêtu le Chef de l'Eglise. Et en effet, le travail le plus noble du Souverain Pontife, qui a voué en tout temps son autorité et son influence à la civilisation et à la concorde entre les peuples, a été de faire régner dans le monde la justice et la paix et d'unir toutes les nations comme en une seule famille par les liens de la fraternité chrétienne. Le Pontife qui gouverne aujourd'hui l'Eglise a, lui aussi, dirigé son esprit et son cœur vers cette œuvre éminemment chrétienne et bienfaisante, et il ne cessera pas d'y consacrer à l'avenir sa sollicitude et ses veilles. Il sera confirmé dans cette intention par la conviction, qui pénètre de plus en plus la conscience des hommes, que l'accomplissement de tous les devoirs et le respect de tous les droits sont les bases sur lesquelles reposent les relations civiles, qu'à la loi de la force succèdera celle de la raison et qu'une ère nouvelle de véritable civilisation rendra plus facile à la famille humaine l'accomplissement de ses destinées suprêmes.

Veuillez agréer, très-honoré Monsieur, les remerciements du Souverain Pontife pour votre lettre si courtoise, et l'expression de ma considération distinguée.

Rome, 15 décembre 1896.

Sig. Card. Rampolla.

Quelques réponses d'autorités religieuses sont aussi parvenues d'autre part au Bureau du Congrès.

Quant à l'attitude des Francs-Maçons à l'égard de la Paix universelle, elle est caractérisée par le fait suivant:

En 1900, à Paris, des Francs-Maçons sont venus de tous les points du globe et, dans une grande séance tenue le 28 septembre, le Frère Selenka, professeur à Munich, a montré que la Franc-Maçonnerie devait affirmer ses idées d'internationalisme et de fraternité humaine. Cette pensée a survécu à son auteur: dans une imposante réunion maçonnique qui a eu lieu à Genève il a été décidé qu'on ferait passer dans les fêtes l'idée du Frère Selenka. Dans un grand nombre de villes, les Francs-Maçons réunis ont commémoré le 18 mai.

Nous sommes arrivés au bout de ce long rapport, que nous recommandons à l'attention et à l'indulgence de nos amis.

Nous souhaitons qu'il les encourage tous à diriger leur propagande dans un sens de plus en plus pratique par la connaissance de ce qui se fait ailleurs et par le sentiment de tout ce qu'il reste encore à faire.

Berne, le 30 août 1903.

Pour le Bureau international de la Paix :

Elie Ducommun.

ANNEXE II.

Les Aberrations des peuples civilisés dans la conquête violente des marchés coloniaux.

Rapport du Comité désigné par le Congrès universel de la Paix de 1902 en vue de l'étude des causes économiques de la guerre, présenté au Congrès de 1903.

(Traduction libre et résumé d'un travail de M. Fox-Bourne, membre du Comité d'étude.)

Le Congrès international de la Paix de Glasgow, en 1901, a décidé la nomination d'un Comité qui étudierait les causes économiques de la guerre moderne et rapporterait chaque année sur l'un des côtés de cette question. Ce Comité, nommé par le Congrès de Monaco en 1902, a décidé que le premier sujet mis à l'étude serait celui des conquêtes de nouveaux marchés coloniaux, cette question étant actuellement le mobile principal de la politique coloniale des nations.

I.

Avant Napoléon, les conflits internationaux provenaient en majeure partie de préjugés de race, de dissentiments religieux, d'ambitions dynastiques et d'autres facteurs tout à fait indépendants de l'économie sociale. Aujourd'hui, toutes ces causes de conflits ont perdu de leur importance primitive. Elles ont dû céder le pas aux rivalités commerciales, et c'est surtout en vue de développer et de protéger leurs intérêts économiques que les nations européennes maintiennent et augmentent leurs armements, les armements maritimes plus encore que l'armée. Sans doute les raisons sentimentales n'ont pas disparu complètement. Nous voulons bien croire, par exemple, que les Puissances étaient inspirées par une sincère sympathie et des sentiments chevaleresques quand, il y a quelques années, le Concert Européen" proclama qu'il allait mettre un terme aux atrocités commises en Arménie. Mais les chances de profit étaient si problématiques et les risques financiers les domina:ent à tel point qu'on renonça à l'intervention. Pour que le Concert Européen" agisse, il faut que l'intérêt commercial soit en jeu, comme lors du bombardement des ports chinois et, plus récemment encore, lors du blocus du Vénézuéla. Il en est de même quand une Puissance agit seule. Le motif déclaré de la guerre du Transvaal a été „la libération des indigènes maltraités par les Bors", mais personne ne s'est mépris sur la véritable cause du conflit.

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Les intérêts commerciaux et financiers qui remplacent aujourd'hui les prétextes de guerre d'une nature idéale sont autant de préservatifs contre la guerre. Il en est de même de l'énormité de nos armements et de la difficulté de faire mouvoir cette machinerie formidable. Du reste, il n'y a pas eu de guerre proprement dite entre nations civilisées depuis plus de vingt-cinq ans, car le conflit

gréco-turc de 1897, la guerre hispano-américaine de 1898 et les expéditions contre les Chinois, les Bors, les Vénézuéliens, etc. appartiennent à une autre catégorie.

Malgré tout, la Paix armée devient de plus en plus intolérable et un changement à cet état de choses ne peut se produire que par un réveil de la conscience publique, ou disons plutôt du sens commun du monde civilisé, tel qu'il s'est manifesté lors du rescrit du Tzar en 1898 et de la Conférence de La Haye qui en a été la conséquence. En attendant, on continue à détruire les races plus faibles ou des peuples qui ont un vaste territoire comme les Chinois, mais sont mal outillés pour la défense. De formidables armements fournissent le matériel nécessaire à ces expéditions, et même, à ce que disent les chefs, les rendent presque inévitables, parce qu'elles sont une école pratique pour les jeunes officiers et pour les troupes, appelés à apprendre l'art et la pratique de la guerre".

Il en est ainsi, notamment, pour l'armée française. Une grande partie de ses officiers ont complété leur instruction militaire au Tonkin, en Algérie, à Tunis, au Sénégal ou dans d'autres parties de l'Afrique. L'armée britannique doit une grande partie de sa pratique militaire aux expéditions contre les habitants de l'Inde, expéditions qui durent depuis plusieurs siècles. De nos jours elle pratique l'art militaire sous la forme de nombreuses campagnes entreprises pour infliger un châtiment à des tribus africaines. Grâce à son organisation spéciale, l'armée allemande se prête moins à ces expéditions sur terre; mais plus encore que l'Angleterre et la France, l'Allemagne cherche des champs d'exercice pour sa marine, souvent même sans que les circonstances s'y prêtent.

Toutes ces expéditions sur terre et sur mer, avec ou sans excuse d'intentions philanthropiques, ont un seul et même but: la conquête de marchés noureaux ou l'adaptation des anciens à des besoins et des intérêts nouveaux. Quand, sur des territoires étendus tels que la Chine, plusieurs groupes de marchands et d'exploiteurs ont pris pied, et que chacun d'eux désire supplanter l'autre, on a recours à un concert" international. Il se peut que cette concurrence de forces rivales réprime jusqu'à un certain point l'avidité excessive de l'un ou de l'autre des membres de l'entreprise, et peut-être les dommages subis par le pays assailli s'en trouvent-ils diminués. Cependant l'association a ses dangers spéciaux par les occasions qui se présentent pour l'un ou l'autre des concurrents de surpasser et de duper les autres, ce qui occasionnerait un surcroît de préjudices pour la victime.

Les risques encourus par les exploités comme par les exploiteurs sont, sinon identiques, du moins similaires et tout aussi considérables quand le domaine à exploiter est partagé d'un commun accord entre diverses nations, chacune agissant indépendamment. Nous en avons la preuve dans les expéditions africaines de ces dernières années et cela ressort des quelques explications qui vont suivre.

„En réunissant dans une certaine mesure les contrées du monde les plus distantes, disait Adam Smith, en les mettant à même de pourvoir à leurs besoins réciproques et en encourageant leur activité, les tendances générales de la colonisation sembleraient devoir être bienfaisantes". Et le célèbre économiste a ajouté que cependant pour les indigènes les bénéfices commerciaux qui auraient

pu résulter de la découverte de l'Amérique et d'une route maritime conduisant de l'Europe aux Indes orientales ont été engloutis et perdus.

Un verdict identique sera-t-il prononcé sur les résultats des guerres de notre époque faites par des nations dites civilisées pour des possessions coloniales et pour de nouveaux débouchés tant pour elles-mêmes que pour des races non civilisées exploitées par elles? Tel n'est pas le cas si les nations civilisées savent se conformer aux saines lois' économiques.

A l'appui des remarques générales ci-dessus, nous allons examiner ce sujet de plus près.

II.

Que la propriété soit le vol, c'est là une assertion extrême que seules quelques écoles socialistes soutiendront. Il est néanmoins évident que s'il n'y avait pas de propriété il n'y aurait pas de vol, et l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour les économistes, s'il peut être résolu, se rapporte aux limites posées au droit d'un individu ou d'un groupe d'acquérir et de détenir une propriété sur laquelle la communauté aurait des droits supérieurs. L'œuvre la plus difficile et peut-être la plus importante qu'ait accomplie la civilisation a été l'élaboration de lois destinées à pourvoir à une division équitable de la propriété commune entre ceux qui veulent se la partager, qu'ils soient des individus ou des groupes d'individus, des Etats isolés ou des groupements d'Etats.

Par degrés et avec beaucoup d'erreurs dans les procédés, chaque nation soi-disant civilisée a rédigé pour elle-même ou par voie d'adaptation un code de lois qui tend à assurer le régime de la justice aux citoyens dans leurs relations entre eux, de manière à maintenir la communauté. Les essais d'un système de jurisprudence internationale sont de date beauconp plus récente et d'une élaboration bien plus vague que ceux qui se rapportent à la jurisprudence nationale. Mais dans ce domaine aussi, des progrès considérables ont été réalisés et l'on peut en espérer de plus grands encore. Il existe déjà en théorie, et en grande partie en pratique, quelque chose comme une convention générale entre nations civilisées dans leurs rapports réciproques et dans le traitement des citoyens d'un pays par les habitants d'un autre, les droits de chacun et de tous devant être autant que possible sauvegardés par les institutions judiciaires et civiles.

Malheureusement la loi internationale est encore basée sur un amas confus de traités qui peuvent facilement être éludés ou violés. La guerre continue à être la sanction favorite sinon la seule à laquelle on puisse avoir recours. La Cour d'arbitrage de la Conférence de la Haye se rapproche plus que toute autre chose d'un tribunal international uniquement soutenu par la force morale. Le dernier appel d'un peuple lésé ou exaspéré est encore actuellement l'arbitrage de l'épée. Il est d'autant plus nécessaire que les griefs et les causes de conflits soient aussi rares que possible et qu'on évite toute provocation à la guerre.

Pour atteindre ce but une démarche très importante, peut-être la plus importante, serait une convention entre les différentes nations rivalisant pour de nouveaux débouchés commerciaux. Cette convention interdirait tout tarif protecteur ou prohibitif dans les divers territoires. Si chaque nation productrice avait un libre débouché pour tous ses produits partout où l'on en aurait besoin, et pouvait les échanger à des prix raisonnables contre tout ce dont elle aurait

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