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à accepter ce titre de Ministre de la Paix que lui décernait l'un des orateurs éminents de cette mémorable réunion. Nous avons pris acte de cette acceptation.

Puis, à l'instant même, notre sympathique maire du Havre ajoutait à ce premier titre celui de Ministre, du Travail. Ces deux termes ne s'appellent-ils pas l'un l'autre, puisque la plus sûre condition du travail, qui fait la prospérité d'un pays, est précisément la Paix?

Le travail a une importance capitale en notre ville commerciale et industrielle, et je suis heureux que la présence de M. le Ministre du Commerce parmi nous me permette d'attirer son attention bienveillante sur notre situation actuelle. Je suis persuadé qu'il voudra bien faire tous ses efforts pour diminuer les causes du chômage dont nous souffrons actuellement, et qui est en partie créé par les conditions qui nous sont faites par les imperfections de la loi sur la marine marchande.

Il ferait une œuvre particulièrement utile en essayant de modifier cette loi sur les constructions navales et en insistant aussi près de son collègue, M. le Ministre de la Marine, pour lui demander qu'il veuille bien accorder à nos chantiers de construction le plus de travail possible.

Vous voudrez, n'est-il pas vrai, M. le Ministre du Commerce, prendre en main les intérêts de notre grand port de la Manche. Et en vous souvenant aussi de votre qualité de Ministre du Travail, vous donnerez tout en même temps satisfaction à notre population laborieuse et au développement du travail national. Mesdames et Messieurs, je lève mon verre à M. Trouillot, Ministre du Commerce et Ministre de la Paix et du Travail."

Ces paroles ont été couvertes d'applaudissements.

Discours de M. P. ALLÉGRET.

En sa qualité de président du Comité central de la Société des Amis de la Paix", M. P. Allégret a prononcé un discours au nom du parti pacifiste du Havre.

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Adressant tout d'abord à M. le Ministre du Commerce le respectueux témoignage de la gratitude des pacifistes, M. Allégret a ajouté que c'était vraiment le Havre républicain tout entier qui le recevait et lui faisait fête, «<le Havre, qui a voulu ajouter à sa vieille réputation de ville aimable et hospitalière, celle d'une cité ouverte aux idées justes et généreuses; le Havre qui rajeunit aujourd'hui la salamandre et les fleurs de lys de son blason, en faisant passer sur elles le grand souffle de Réalité et de Justice de la Cause Pacifique ».

M. P. Allégret a fait ensuite un chaleureux plaidoyer en faveur de l'arbi trage entre nations et il a adressé à tous les congressistes étrangers l'expression de la gratitude de leurs amis du Havre.

Discours de M. FRÉDÉRIC PASSY.

Après une semaine féconde en travaux profitables à la grande cause de la Paix, après les discours aussi nombreux qu'éloquents entendus jusqu'ici, M. Frédéric Passy ne voulait point aborder les questions qui font la préoccupation

des pacifistes. Mais il a tenu à remercier M. le Ministre du Commerce des paroles si pleines de sympathie et si encourageantes qu'il avait prononcées à la séance finale du Congrès. En buvant ensuite à la ville du Havre, il a pris l'engagement, au nom de tous les congressistes réunis, de travailler avec une ardeur nouvelle pour la propagation des idées de paix et d'humanité.

Il nous est impossible de donner ici une analyse même rapide des autres excellents discours qui ont été prononcés par les congressistes. Citons cependant celui de M. Houzeau de Lehaie, sénateur de Belgique, qui dans une allocution des plus spirituelles s'est fait l'interprète de tous les congressistes et, entre tous, des congressistes allemands; celui de Mme Camille Flammarion, remerciant les organisateurs du Congrès au nom des femmes du peuple, qui sont toujours si cruellement éprouvées par la guerre; -- celui de Mme Pognon, dont le zèle ardent ne fut point autrefois découragé, et qui se félicite aujourd'hui d'avoir trouvé au Havre un si chaleureux accueil pour ce Congrès de la Paix; enfin la délicate et poétique improvisation de Mme Séverine, réunissant dans un même toast les villes de Rouen et du Havre.

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Discours de M. G. TROUILLOT, ministre du Commerce.

Au milieu de l'attention la plus vive, M. Georges Trouillot, ministre du Commerce, s'est levé et a prononcé le discours suivant:

,,Messieurs,

C'est en quelques mots que je tiens à remplir ici un double devoir. Je veux remercier la ville du Havre de l'accueil qu'elle a réservé au membre du Gouvernement qui est son hôte et dire à cette belle cité, joyau du commerce de la France, quel précieux souvenir je remporterai de cette journée.

Mais ce ne sont pas seulement des remercîments que je viens apporter à votre ville, ce sont aussi des félicitations, car elle mérite d'être proposée comme un exemple. J'ai parcouru son histoire commerciale depuis trente années. Or, depuis l'avènement de la troisième République, sur les 150 millions qui ont été dépensés pour son port, elle a contribué pour le quart de cette somme.

Et non seulement elle a consenti ces lourds sacrifices, mais elle est allée au-devant des subsides de l'Etat au lieu de les attendre, donnant ainsi un admirable exemple d'initiative. C'est ainsi qu'elle a acquis à l'heure actuelle un outillage de premier ordre, qui sera bientôt complété par un superbe avant-port si nécessaire à son développement économique.

Vous m'avez demandé, Messieurs, d'être votre auxiliaire près des pouvoirs publics, lorsque viendront en discussion les grands intérêts qui vous préoccupent et qui m'ont été signalés tout à l'heure. Je serai cet auxiliaire.

Encore une fois, je vous remercie de votre accueil, je vous félicite des efforts que vous n'avez cessé d'accomplir et qui, je le répète, doivent être un exemple, et je bois à l'avenir de votre cité commerciale.

Je veux boire aussi aux représentants étrangers venus à ce Congrès pacifique. Il y aurait vraiment une surprise pour l'esprit et pour la raison si la politique du poing fermé, aujourd'hui disparue, venait à renaître.

Au moment de la guerre de Chine, je voyais un dessin représentant un soldat français et un soldat allemand, couchés l'un près de l'autre, et tenant leurs fusils braqués sur des êtres humains cependant, sur les Chinois. Et le petit soldat français disait à son compagnon: « Dis-donc, sais-tu pourquoi qu'on s'est battu en 1870? ».

Ainsi, trente années sont à peine écoulées depuis cette terrible guerre, et en contemplant les ruines accumulées par elle, les causes plus ou moins futiles qui l'ont déchaînée échappent même au souvenir.

Interrogez nos jeunes enfants sur les motifs de la guerre, et voyez combien pourront vous répondre!

L'anecdote des deux soldats, des deux frères d'armes pendant la campagne de Chine, contient sans doute l'accusation la plus grave contre le régime impérial; elle comporte aussi une leçon.

Il faut que les guerres sanglantes disparaissent pour faire place à d'autres sentiments et à d'autres désirs. Il y a quelque temps, j'assistais au centenaire de la Chambre de commerce de Paris, qui fut fondée en 1802, et, dans mon esprit, je ne pouvais pas ne point comparer la situation de la France actuelle avec la situation qui lui était faite il y a un siècle. Au bruit du canon et de la fusillade ont succédé le bruit des métiers en mouvement et celui des hélices en marche. Il faut que désormais rien ne vienne troubler cette Paix et il importe de faire en sorte que les armements encore nécessaires ne soient plus autre chose qu'une plus grande garantie de la Paix.

On disait tout à l'heure que le Ministre du Commerce était aussi le Ministre du Travail et de la Paix. Je songe que désormais toute son activité doit tendre vers un but plus louable encore, et j'oserai dire ici, dans cette assemblée pacifique, une chose audacieuse mais qui ne saurait porter ombrage à mon collègue M. le général André il faut que le Ministre du Commerce devienne Ministre de la Guerre de cette guerre pacifique, féconde et généreuse, faite de l'émulation et de la concurrence de tous les peuples unis dans une même aspiration vers le progrès de l'humanité.

Messieurs, je bois à cet avenir!"

--

Ce discours, dont nous ne pouvons reproduire qu'imparfaitement les termes si remplis de haute éloquence, ont soulevé des acclamations unanimes et prolongées.

Et c'est encore sous l'impression de ces paroles que l'assistance s'est séparée.

Le concert public.

La journée, qui avait débuté sous les éclairs fulgurants et par des éclats de tonnerre accompagnant une pluie diluvienne, s'est heureusement montrée plus séduisante par la suite.

Peu à peu, le ciel s'est rasséréné, et le grand concert public, digne couronnement d'une fête de pacifistes la musique, dit-on, adoucit les mœurs a pu être donné sous une voûte étoilée.

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Dans le square Saint-Roch, que décoraient de nombreuses lanternes vénétiennes et des verres de couleurs semés sur les pelouses, le public était venu nombreux pour applaudir les sociétés locales. La Musique du bataillon des Douanes, que son chef, M. Cappe, maintient à un niveau artistique des plus enviables, a pris tout d'abord possession de l'estrade et a exécuté cinq morceaux. Les auditeurs ont souligné de leurs applaudissements toutes ces pages et particulièrement une fantaisie où M. Frère, baryton, a fait valoir ses grandes qualités de soliste dans Lackme, et la Nuit folichonne, de M. Sévénéry.

C'est avec un grand plaisir qu'on a ensuite entendu à nouveau la Saint-Hubert, nouvelle société de cors de chasse, dirigée par M. Deschamps.

Le public a paru spécialement goûter l'interprétation de la Messe de Saint-Hubert, et notamment son carillon, dont l'harmonie imitiative produit une profonde impression.

Ce feuillet a valu à M. Hemsen, soliste, de chaleureux applaudissements.

A l'Harmonie Maritime, directeur M. Laisney, revenait la charge de clôturer la série des auditions en plein air de cette année. Elle s'en est acquittée à la satisfaction de tous et les assistants, après avoir acclamé les chanteurs habituels de la société, MM. Lemanchec et Lefrançois, a salué de bravos chaleureux l'interprétation par les instrumentistes de plusieurs morceaux d'Ambroise Thomas. A la fin du concert, le président du Congrès, M. Emile Arnaud, étant venu remercier les chefs de musique et leurs exécutants, les cris de Vive la Paix", „Vive le Congrès" retentirent de toutes parts. Ainsi s'est clôturée, dans le calme et la sérénité d'une belle soirée d'automne, cette série de réunions où furent discutés les plus sûrs moyens d'amener l'universelle harmonie entre les nations.

"

ANNEXES.

Annexe I. Rapport du Bureau international de la Paix sur l'exécution des résolutions des Congrès de la Paix relatives à la propagande.

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II. Rapport de M. Fox-Bourne sur la conquête violente des marchés coloniaux.

III. The law of nations: Declarations before Hostilities obligatory, by Martin Wood.

IV. Proposition d'une Convention d'arbitrage et de désarmement, par W. H. Blymyer.

V. Résolutions du XIIe Congrès:

Texte français.
anglais.

allemand.

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