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der tantôt un ouvrage, tantôt un autre, ce qui doit se faire individuellement ou par des groupes restreints.

M. Moch retire son projet de résolution et il est pris simplement acte de la présentation du livre de M. Hervé et des opinions favorables qu'il a déjà réunies.

Mme Maria Pognon demande que le Congrès universel de la Paix félicite les femmes de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et des Etats de Wyoming, Colorado et autres, d'avoir obtenu le droit de vote, et exprime l'espoir qu'elles ne donneront leurs voix qu'aux candidats ayant dans leur programme la Paix par l'Arbitrage entre nations.

Cette proposition, appuyée par la Commission C, est adoptée à l'unanimité.

Dans le cours de la séance, Mme la baronne de Suttner ayant été appelée à prendre place à la table de la présidence, M. Félix Moscheles propose au Congrès de remercier cette vaillante collègue de ce qu'elle a fait pour la propagande pacifique et du courage dont elle fait preuve en partageant nos travaux. Puisse la réussite être la récompense de nos efforts collectifs! (Applaudissements.) Mme B. de Suttner:

,,Les paroles que vient de prononcer mon ami M. Moscheles et les applaudissements qui les ont suivies me font un devoir de vous remercier. Vous entendez, à l'émotion de ma voix, combien j'ai été douloureusement frappée. En rappelant ce deuil récent, je veux vous dire qu'il n'a pas diminué l'ardeur de mon travail. Ayant vu la mort enlever ce que j'avais de plus cher au monde, j'ai senti qu'on doit combattre ce qui peut accélérer cruellement cette fin de l'existence. Je joins à ce mot mes remerciements pour la cordialité avec laquelle nous avons été reçus ici et je vous prie de croire que je continuerai à travailler selon mes faibles forces."

9. Siège et date du XIII Congrès.

M. W. Monod, rapporteur, déclare que la Commission Ca favorablement accueilli une invitation formulée par plusieurs délégués américains de réunir le XIIIe Congrès universel de la Paix

l'an prochain aux Etats-Unis; mais sans désigner dès maintenant la ville où il se tiendrait.

M. le Dr B. Trueblood, de Boston:

,,Je viens renouveler notre invitation cordiale pour que le Congrès veuille bien se réunir l'année prochaine aux Etats-Unis. Tout spécialement nous invitons notre ami, M. Moch, à venir, et nous l'assurons que s'il vient nous ne lui donnerons aucune occasion de se défendre contre nous. Nous avons déjà formé un Comité provisoire qui comprend les personnages les plus éminents de notre pays à Boston, à Chicago etc., qui s'associent à nous pour vous inviter à venir. Je veux m'expliquer sur un point. Vous avez peut-être eu l'idée que nous sommes très-riches et que nous allons trouver des fonds pour faire venir toute l'Europe. Je n'ai pas dit cela.

Je voudrais que nous pussions avoir les fonds nécessaires pour défrayer tous nos invités. Nous en aurons peut-être assez pour une vingtaine de personnes comme notre vénérable ami F. Passy, et d'autres éminents pacifistes. Il sera nécessaire de choisir, et si vous n'êtes pas élus, ce n'est pas parce que nous ne vous considèrerons pas comme nos amis. (Rires.)

Nous ne pouvons pas, cela va sans dire, indiquer dès maintenant la date et le siège du Congrès. Il aura lieu probablement à la fin de septembre ou au commencement d'octobre, époque à laquelle il fait beau temps en Amérique.

Nous aurons à St. Louis une grande exposition pour commémorer l'achat à la France d'un territoire appelé la Louisiane, et la France se joindra certainement à nous pour célébrer ce fait pacifique. Au nom de mes collègues, de notre Président, de notre grande Société américaine de la Paix et de bien des centaines de milliers de dames américaines, j'invite Mme Pognon, Mme la Baronne de Suttner, toutes les dames de France, d'Italie etc. Il est bien entendu que nous n'irons pas au delà de nos ressources quant aux frais de voyage; mais venez nous voir l'année prochaine: il y en a beaucoup parmi vous qui n'ont jamais vu notre pays. Nous serons heureux de vous recevoir, sinon à Boston, du moins à 3000 km plus loin, à St. Louis!"

M. Matthew Anderson:

M. Anderson est enchanté de l'hospitalité reçue à Rouen et du succès obtenu par ce Congrès. C'est pour cette raison qu'il appuie la proposition de M. Trueblood.

Dans n'importe quelle ville d'Amérique, le Congrès serait bien reçu, mais, personnellement, l'orateur désirerait voir le Congrès se tenir à St. Louis, non pas seulement à cause de l'Exposition universelle, mais parce qu'un Congrès international de la Paix réuni dans cette ville exercerait une grande influence sur le cœur des Américains qui s'y trouveront rassemblés. A St. Louis, les efforts des Congressistes en faveur de la Paix pourront avoir aussi une influence plus directe sur les questions intéressant la race noire, qui, en Amérique, est encore très méprisée.

Au nom donc de sa race et du peuple américain, M. Anderson prie les amis de la Paix d'aller tenir leur treizième Congrès en Amérique et si possible à St. Louis.

M. Bracq, professeur au Vassar College et Français d'origine, dit tout le bien qu'il pense des Etats-Unis, sa nouvelle patrie, où la religion n'a pas asservi l'intelligence des hommes et n'a fait que l'élever et la grandir. Il ajoute que le militarisme n'est pas en honneur là-bas dans le peuple et il recommande aux amis de la Paix de tenir leur Congrès de 1904 dans une des villes d'Amérique, où ils seront les bienvenus.

Il est chaudement appuyé par M. Guérard.

M. Masson, de Lausanne (Suisse), était chargé de proposer Lausanne comme siège du prochain Congrès, mais il s'incline devant la proposition des Sociétés américaines et réserve sa proposition pour le Congrès de 1905.

A l'unanimité moins une voix l'assemblée décide que le XIIIe Congrès universel de la Paix aura lieu aux Etats-Unis dans une ville qui sera désignée d'un commun accord entre les Societés pacifistes américaines et le Bureau international de la Paix à Berne.

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M. Moneta annonce qu'en 1905 la grande œuvre internationale du percement du Simplon sera terminée et que cet évènement sera fêté par une exposition à Milan. Il demande pour Milan le XIVe Congrès universel de la Paix à l'occasion de cette fête.

M. le Président. Le Congrès prend note de ces invitations, qui sont renvoyées à l'examen du Bureau de Berne.

10. Appel aux nations.

M. Elie Ducommun donne lecture d'un projet d'appel aux nations, sur lequel le Congrès est appelé à se prononcer. Ce projet, conçu dans les termes suivants, est approuvé par acclamations:

Appel aux nations.

<< Grâce à l'extension de notre œuvre, le mouvement pacifique embrassera désormais l'ensemble des nations de la terre. Il nous paraît possible, de nos jours, d'établir un ordre légal sur tout le globe. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la sécurité a été garantie sur toute la surface des océans. La piraterie a été supprimée et les navires peuvent circuler librement sur les mers les plus lointaines.

Nos ancêtres ne connaissaient pas le globe dans toute son étendue. Ils pouvaient toujours craindre que des sauvages et des barbares ne sortissent des régions mystérieuses de la terre pour semer la mort dans les pays civilisés. L'anarchie internationale et les profondes misères qui en sont la conséquence se présentaient donc à l'esprit comme une fatalité aussi inéluctable que les ouragans. N'entrevoyant pas la possibilité de mettre un terme aux maux qui les accablaient, nos aïeux proclamèrent que la terre est une vallée de larmes et que le bonheur de l'ensemble des masses populaires est une utopie.

Etant en mesure de nous placer maintenant à un point de vue diamétralement opposé, nous pouvons hardiment affirmer que le bonheur est possible et même facilement réalisable.

La sauvagerie est réduite presque à néant, la barbarie est domptée et l'anarchie internationale ne subsiste plus que par la volonté des nations civilisées. Leur désunion seule crée la misère. Que cette désunion disparaisse, l'ordre légal s'établira partout, et la richesse des nations, prodigieusement accrue, deviendra suffisante pour assurer à tous une somme de bien-être satisfaisante.

Il était vain d'espérer l'établissement de l'ordre international aussi longtemps que dominaient la sauvagerie et la barbarie; mais il n'est plus vain, il est même légitime de l'espérer, maintenant que la domination du globe appartient en fait à huit ou neuf grandes nations civilisées. Le bonheur est donc possible et nos misères peuvent avoir un terme immédiat. Il nous suffit de le vouloir et cela sera fait demain!

Sous l'empire de ces impressions, le XIIe Congrès universel de la Paix, réuni à Rouen du 22 au 25 septembre 1903, a pris un certain nombre de résolutions sur les questions internationales qui se rattachent directement à la sécurité du lendemain pour les populations.

A la suite de mûres délibérations entre Délégués de Sociétés de la Paix appartenant à un grand nombre de pays d'Europe et d'Amérique, il a formulé des appréciations et a pris des résolutions de principe sur les évènements les plus importants de la politique actuelle au point de vue du respect des règles de la justice et de l'humanité.

Il s'est occupé, avec le sentiment d'un suprême devoir à remplir, des évènements qui se sont accomplis ou s'accomplissent dans le Sud-Africain, dans l'Arménie, dans la Macédoine, et ailleurs.

Il a démontré la possibilité de créer des relations amicales entre des nations jusqu'ici divisées. Enfin, il a posé des bases pratiques pour l'établissement définitif d'institutions juridiques assurant, pour un prochain avenir, la Paix sur la terre et le bien-être des familles.

Il espère être entendu de tous ceux qui ont à cœur le salut des nations par la Paix, germe des temps meilleurs! »

Le Secrétaire général:

Elie DUCOMMUN.

Le Président :
Emile ARNAUD.

Avant la clôture de la séance, le prince Albert de Monaco tient à exprimer son admiration pour les congressistes, tous es

prits convaincus, et pour leur Président, auquel s'adresse l'expression de notre reconnaissance". (Vifs applaudissements.)

M. Arnaud. Je remercie le Président d'honneur de ce Congrès des paroles qu'il vient de prononcer à l'adresse du Congrès et de son Président. L'heure tardive ne me permettant plus de prononcer un discours de clôture de nos travaux, je me borne à remercier la Ligue rouennaise de la Paix de l'admirable organisation de ce Congrès et je prie celle-ci de transmettre à la Municipalité rouennaise, ainsi qu'à la population, pour leur parfait accueil, l'expression de notre gratitude. (Vifs applaudissements.)

La séance est levée à 62 heures.

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