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vivants de l'opinion pacifique. Comment donc les Congrès nationaux, dégagés de tout devoir de courtoisie internationale, craindraient-ils de porter sur la politique extérieure nationale un jugement que les Sociétés de la Paix ne craignent pas de porter publiquement pour leur propre compte?1

Il me paraît donc indispensable d'inscrire à l'ordre du jour de tout Congrès national un rapport sur la politique nationale extérieure examinée au point de vue des principes pacifiques. Ce rapport, rédigé à l'avance, serait discuté en Commission avant d'être soumis au Congrès. Si l'unanimité fait défaut, le Congrès pourrait, pour dégager les responsabilités, décider de rendre publique la proportion des voix pour et des voix contre. Il pourrait aussi décider, dans certaines circonstances, d'envoyer une adresse aux pouvoirs publics ou charger une délégation de présenter aux ministres compétents les vœux de l'opinion pacifique. Il pourra ainsi avoir la juste prétention d'être l'organe vivant d'une opinion pacifique à la fois réfléchic et hardie, énergique et prudente.

4° Rapports du Congrès national avec le Congrès

international.

La physionomie du Congrès national ainsi définie, il est aisé de préciser les rapports de ce nouvel organisme avec le Congrès international. En dehors des questions de doctrine ou de politique purement intérieures, pour lesquelles le Congrès national doit demeurer maître de son programme, nous devrons assurer l'étroite et homogène collaboration des deux Congrès. Cette collaboration peut être double.

D'une part, le Congrès national peut réaliser certaines décisions du Congrès international que le Bureau de Berne ne peut exécuter. Telle est, par exemple, la décision du Congrès de Monaco invitant les Sociétés de la Paix des divers pays à s'associer, dans la plus large mesure, les Sociétés coopératives et, d'une façon générale, toutes les organisations ouvrières et industrielles. Il serait utile en outre que le Congrès national s'inspirât des décisions des onze Congrès internationaux, publiées en brochure par le Bureau de Berne, et s'efforçât de faire passer de la théorie à la pratique celles de ces décisions qui relèvent de l'activité locale nationale des Sociétés pacifiques.

Et réciproquement, le Congrès international doit préparer la tâche du Congrès national. A cet effet, le Comité d'organisation du Congrès national devrait, avant de dresser son programme, s'enquérir auprès du Bureau de Berne des questions qui seraient déjà inscrites à l'ordre du jour du prochain Congrès international, ou de celles que le Secrétaire général recommanderait à l'examen des Congrès nationaux. En outre, chaque Congrès national pourrait prendre l'initiative d'un certain nombre de questions dont il demanderait l'inscription au programme du Congrès international et pour lesquelles il proposerait des rapporteurs.

Telle devrait être, à mon avis, l'organisation des Congrès nationaux, si ceux-ci veulent faire une besogne utile et originale. Bien loin, dans ces con1 Pour ne rien dire d'autres Sociétés, telles que les Sociétés pour la protection des Aborigènes.

ditions, de faire double emploi avec le Congrès international, ils rendraient plus efficace l'œuvre des Congrès antérieurs et plus précise et plus rapide la tâche des Congrès à venir. Tandis que les Congrès internationaux sont destinés, par leur constitution même, à arrêter des principes théoriques abstraits et à énoncer des vœux généraux plutôt qu'à déterminer des modes d'action concrets et efficaces, les Congrès nationaux peuvent adapter ces principes aux conditions propres à chaque pays, faire passer ces vœux de la théorie à la pratique, et surtout assurer à l'activité pacifique de chaque pays une unité et une méthode qui lui manquent trop souvent.

Le Congrès

Th. Ruyssen,

Président de l'Association de La Paix par le Droit.

5° Propositions.

1° Emet le vœu qu'en principe et sauf raison majeure, la périodicité des Congrès internationaux soit fixée à deux ans.

2o Engage les Sociétés de la Paix de chaque pays à organiser, dans l'intervalle des Congrès internationaux, des Congrès nationaux.

Le rôle de ces Congrès nationaux serait :

a) D'assurer à l'activité pacifique de chaque pays la plus grande unité possible de doctrine et d'action.

b) D'exercer sur les pouvoirs publics, la presse et l'opinion de chaque pays une action précise, adaptée aux circonstances et au milieu.

c) D'assurer l'exécution, dans chaque pays, des décisions des Congrès internationaux antérieurs.

d) De préparer le programme et d'assurer le succès des Congrès internationaux à venir.

M. Ruyssen, rapporteur de la Commission C:

,,L'heure m'oblige à être bref. Nous devions avoir trois séances de travail. Nous sommes à la cinquième et il reste de quoi en occuper douze tout aussi longues. Or, ce fait se produit dans tous les Congrès.

Il est donc temps de réduire la besogne de nos Congrès internationaux et de trouver une organisation qui puisse les alléger: ce sont les Congrès nationaux. En raison de l'heure avancée, je me contente de présenter ici un certain nombre de suggestions, afin de montrer ce que peut et doit être un Congrès national de la Paix. Les voici:

Le rôle des Congrès nationaux serait:

a) D'assurer à l'activité pacifique de chaque pays la plus grande unité possible de doctrine et d'action;

b) D'exercer sur les pouvoirs publics, la presse et l'opinion de chaque pays une action précise, adaptée aux circonstances et au milieu;

c) D'assurer l'execution, dans chaque pays, des décisions des Congrès internationaux antérieurs;

d) De préparer le programme et d'assurer le succès des Congrès internationaux à venir.

Quelques exemples feront mieux ressortir le sens et la raison d'être de ces propositions. Tout à l'heure, on a parlé, non sans quelque confusion, de la légitime défense. Ne croyez-vous pas qu'il eût mieux valu que cette question fût discutée au préalable entre les pacifiques de chaque pays? Peut-être ainsi aurait-on évité l'ajournement de la question de M. Moch.

Mais l'unité de doctrine n'est rien sans l'efficacité de l'action.

Or, nos Congrès internationaux ne peuvent agir que par des appels platoniques aux Gouvernements, aux nations et la presse. Il n'en est pas de même des Congrès nationaux, qui peuvent agir directement sur le Gouvernement de leur pays. Mais cette action même suppose une organisation nationale des forces pacifiques. C'est ainsi qu'il y a eu un certain désarroi, à un moment donné, dans le parti pacifique, lorsque le Gouvernement français a envoyé une flotte pour contraindre la Turquie à payer les créances Tubini et Lorando. Les uns estimaient que la question devait être portée devant le Tribunal de La Haye, auquel les mandataires du Sultan avaient adhéré, d'autres jugeaient le Sultan indigne de cette haute juridiction. Ce sont là des questions qui doivent être élucidées par une entente commune des pacifistes de chaque pays, et les Congrès nationaux assureraient dans chaque nation cette cohésion de doctrine et d'action.

D'autre part, le Congrès national pourrait avoir un rôle préparateur et complémentaire à l'égard des Congrès internationaux. Il peut exécuter les décisions des Congrès internationaux antérieurs et élaborer le programme des Congrès à venir.

C'est ainsi qu'on a émis le vœu que les procédés d'enseignement fussent transformés et qu'au lieu d'inculquer à la jeunesse l'admiration exclusive de l'héroïsme guerrier on orientât l'enseignement dans le sens de la Paix et que les manuels d'histoire fussent animés de l'esprit pacifique. Or, le Bureau international de la Paix ne peut évidemment envoyer des recommandations en ce sens aux Ministres de France, d'Italie etc. Un Congrès national, au contraire, a toute autorité pour faire connaître au Ministre compétent le vœu des Sociétés nationales de la Paix.

Le Congrès international peut bien affirmer par un texte ses tendances économiques et sociales, mais il est évident que l'opinion pacifique nationale est en position d'agir d'une façon plus efficace auprès des coopératives, des syndicats, des Congrès ouvriers nationaux. C'est sur ce terrain que nous pouvons efficacement associer à la propagande pacifique les syndicats, coopératives et mutualités.

Mais, pour que les Congrès nationaux aient une raison d'être, il importe qu'ils se distinguent par leur constitution des Congrès internationaux. Ceux-ci exigent de très grands déplacements et ne peuvent guère se composer que des professionnels de la Paix. Ici même nous sommes nombreux, il est vrai, mais chacun de nos pays est représenté par une faible fraction de mandataires. Il en pourrait être tout autrement des Congrès nationaux; car dans chaque pays il existe, en dehors des Sociétés pacifiques, quantité d'organismes qui n'ont pas été associés à notre propagande, mais qu'il suffit de solliciter pour les entraîner. Nos Congrès universels ne peuvent s'ouvrir aussi largement à tous. Ils reçoivent bien un certain nombre d'adresses de sympathie de sociétés autres

que les groupes pacifistes proprement dits, mais ces manifestations sont nécessairement isolées et peu efficaces.

Les Congrès nationaux feront donc appel à toutes les forces réellement pacifiques de chaque pays.

Dans notre idée ils se composeraient:

a) De délégués des Sociétés nationales de la Paix;

b) De délégués d'Institutions publiques;

c) De délégués des Sociétés qui n'ont pas la Paix pour but essentiel, tels que les Bourses de travail, les Syndicats, les Coopératives etc., des délégués du Corps enseignant etc.

Ainsi constitué, un Congrès national ne serait pas seulement l'organe exécutif ou préparateur du Congrès international, il serait encore l'organe d'une conscience nationale."

M. Moscheles:

,,Je vous demande la permission d'ajouter quelques paroles à ce qui vient d'être dit. Le traducteur a dit tout à l'heure: «< dans chaque pays ». Je ne vois pas ces mots dans la résolution. C'est pourtant là le but qu'on poursuit. J'ai suivi avec admiration ce qui a été fait en France avec d'autant plus d'intérêt qu'on n'a pas réussi dans d'autres pays. J'ai toujours cru que l'union étroite des Sociétés dans chaque nation serait de la plus grande importance pour la cause. Le dernier Congrès a émis à ce sujet un vœu qui est exprimé d'une façon très correcte et qui ne prête pas à des malentendus. Je vais vous en donner simplement lecture, et il est à désirer que, dans chaque pays, on forme un Congrès national à l'instar de ce qu'a fait la France.

Ce vœu était de la teneur suivante:

« Le Congrès est d'avis qu'il est urgent d'établir une plus étroite unité d'action de toutes les Sociétés de la Paix.

<< Dans ce but, il recommande la formation, dans chaque Société, d'un Sous-Comité qui établira des relations plus suivies avec les divers groupes.

<< Ce Sous-Comité se chargera de porter à la connaissance des autres Sociétés de la Paix les démarches pratiques qu'il se proposerait de faire pour mettre à exécution l'une ou l'autre des résolutions prises par les Congrès de la Paix ou par les Conférences Interparlementaires.

<< Ces Sous-Comités se chargeront aussi d'étudier les ,,propositions pour l'union plus étroite des Sociétés de la Paix", soumises au XIe Congrès par M. Moscheles, ainsi que celles qui leur seront présentées, et ils feront rapport à leurs Sociétés respectives. >>

M. le Président donne lecture des conclusions de la Commission, conformes en général à celles du rapport de M. Th. Ruyssen et ainsi conçues:

<< Après avoir pris connaissance de l'intéressant rapport de M. Ruyssen et en avoir approuvé les pensées directrices:

<< La Commission émet le vœu que, le Congrès international devant continuer à se réunir annuellement, le Congrès national puisse se réunir au moins six mois à l'avance pour organiser et préparer le fonctionnement du Congrès international.

<< Les Congrès nationaux se composeraient:

« a) des délégués des Sociétés nationales de la Paix;

<< b) des délégués d'institutions publiques;

« c) des délégués des Sociétés qui n'ont pas la Paix pour but essentiel, tels que les Bourses du Travail, les Syndicats, les Coopératives, etc., des délégués du corps enseignant, etc.

« Le rôle des Congrès nationaux serait:

<< a) d'assurer à l'activité pacifique de chaque pays la plus grande unité possible de doctrine et d'action;

« b) d'exercer sur les pouvoirs publics, la presse et l'opinion de chaque pays une action précise, adaptée aux circonstances et au milieu;

<< c) d'assurer l'exécution dans chaque pays des décisions des Congrès internationaux antérieurs;

« d) de préparer le programme et d'assurer le succès des Congrès internationaux à venir. »

Ces conclusions, mises aux voix, sont adoptées sans opposition.

5. Rapport du Bureau international de la Paix sur l'exécution des résolutions des Congrès universels de la Paix touchant la propagande pacifique.

Ce rapport, de 36 pages 8o, accompagnait la circulaire de convocation du présent Congrès. Il est reproduit à la fin du présent Bulletin.

Le Rapport du Bureau international sur les relations avec les associations ouvrières pour généraliser le mouvement pacifique s'y trouve compris.

Mme Pognon:

,,Je tiens à combler une lacune du Rapport relativement à ce que les femmes ont fait pour la Paix. Mme Griess-Traut a laissé 1000 frs. de rente viagère au Bureau de Berne. Elle a travaillé toute sa vie pour la Paix. Elle avait fondé la Ligue universelle des femmes. Plusieurs centaines de femmes en faisaient partie."

M. Le Foyer:

,,A la page 35 du Rapport du Bureau on lit: «.... aux autorités maçonniques », puis une réponse est donnée au sujet de ce qui a été fait par le Cardinal Rampolla.

Je désire simplement rappeler une initiative qui a eu son application. Dans l'année 1900, à Paris, des Francs-Maçons sont venus de tous les points du globe, et dans une grande séance tenue le 28 septembre, le Frère Selenka a montré que la Franc-Maçonnerie devait affirmer ses idées d'internationalisme et de fraternité humaine. Cette pensée a survécu à son auteur: dans une imposante

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