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Quand tu les auras lus, de n'en parler jamais;
Autrement, ne crois pas...

PHILANDRE, reconnoissant les lettres.

Cela s'en va sans dire;

Donne, donne-les-moi, tu ne les saurois lire;
Et nous aurions ainsi besoin de trop de temps.
CLORIS, les resserrant.

Philandre, tu n'es pas encore où tu prétends;
Quelques hautes faveurs que ton mérite obtienne,
Elles sont aussi bien en ma main qu'en la tienne;
Je les garderai mieux, tu peux en assurer

Mais j'ose présumer que, l'aimant chèrement,
Le plus qu'il peut de temps il le passe chez elle.

PHILANDRE.

Je m'en vais, de ce pas, le trouver chez la belle.
Adieu, jusqu'au revoir. Je meurs de déplaisir.

CLORIS.

Un mot, Philandre, un mot; n'aurois-tu point loisir
De voir quelques papiers que je viens de surprendre?

PHILANDRE.

Qu'est-ce qu'au bout du compte ils me pourroient apprendre?

CLORIS.

Peut-être leurs secrets: regarde si tu veux

Perdre un demi-quart d'heure à les lire nous deux.

PHILANDRE.

Hasard, voyons que c'est, mais vite et sans demeure.

Ma curiosité pour un demi-quart d'heure

Se pourra dispenser.

CLORIS.

Mais aussi garde bien

Qu'en discourant ensemble il n'en découvre rien.

Promets-le-moi, sinon....

PHILANDRE.

(Il reconnoît les lettres, et tâche de s'en saisir; mais Cloris les resserre.)

Cela s'en va sans dire.

Donne, donne-les-moi; tu ne les saurois lire,

La belle qui pour toi daigne se parjurer.

PHILANDRE.

Un homme doit souffrir d'une fille en colère;

Mais je sais comme il faut les ravoir de ton frère;
Tout exprès je le cherche ; et son sang, ou le mien...

CLORIS.

Quoi! Philandre est vaillant, et je n'en savois rien !
Tes coups sont dangereux quand tu ne veux pas feindre,
Mais ils ont le bonheur de se faire peu craindre;
Et mon frère, qui sait comme il s'en faut guérir,

Quand tu l'aurois tué, pourroit n'en pas mourir.

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Philandre, tu n'es pas encore où tu prétends.

Assure, assure-toi que Cloris te dépite

De les ravoir jamais que des mains de Mélite,
A qui je veux montrer, avant qu'il soit huit jours,
La façon dont tu tiens secrètes ses amours.
(Elle lui ferme la porte au nez.)

SCÈNE VIII.

(SUPPRIMÉE.)

PHILANDRE.

Confus, désespéré, que faut-il que je fasse?
J'ai malheur sur malheur, disgrace sur disgrace.
On diroit que le ciel, ami de l'équité,
Prend le soin de punir mon infidélité.

Si faut-il néanmoins, en dépit de sa haine,

Que Tircis retrouvé me tire hors de peine:
Il faut qu'il me les rende, il le faut, et je veux
Qu'un duel accepté les mette entre nous deux;
Et si je suis alors encore ce Philandre,

Adieu. J'en perds le temps à parler' davantage.

Tremble.

CLORIS.

J'en ai grand lieu, connoissant ta vertu; Pourvu qu'il y consente, il sera bien battu.

Par un détour subtil qu'il ne pourra comprendre,
Elles demeureront, le laissant abusé,

Sinon au plus vaillant, du moins au plus rusé.

'Pour Je perds le temps à en parler. La langue, encore irrégulière en quelques unes de ses constructions, se permettoit celle-ci, que la gêne du vers même n'excuseroit pas aujourd'hui.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

MÉLITE, LA NOURRICE.

LA NOURRICE.

Cette obstination à faire la secréte

M'accuse injustement d'être trop peu

MÉLITE.

discrète.

Ton importunité n'est pas à supporter '.
Ce que je ne sais point, te le puis-je conter?

VAR. Vraiment, tu me poursuis avec trop de rigueur;
Que te puis-je conter, n'ayant rien sur le cœur?

LA NOURRICE.

Un chacun fait à l'œil des remarques aisées
Qu'Éraste, abandonnant ses premières brisées,
Pour te mieux témoigner son refroidissement,
Cherche sa guérison dans un bannissement.
Tu m'en veux cependant ôter la connoissance;
Mais si jamais sur toi j'eus aucune puissance,
Par ce que tous les jours, en tes affections,
Tu reçois de profit de mes instructions,
Apprends-moi ce que c'est.

MÉLITE.

Et que sais-je, nourrice,

Des fantasques ressorts qui meuvent son caprice?

Ennuyé d'un esprit si grossier que le mien.

LA NOURRICE.

Les visites d'Éraste un peu moins assidues

Témoignent quelque ennui de ses peines perdues;
Et ce qu'on voit par-là de refroidissement
Ne fait que trop juger son mécontentement.
Tu m'en veux cependant cacher tout le mystère.
Mais je pourrois enfin en croire ma colère,
Et pour punition te priver des avis

Qu'a jusqu'ici ton cœur si doucement suivis.

MÉLITE.

C'est à moi de trembler après cette menace,
Et toute autre du moins trembleroit à ma place.

LA NOURRICE.

Ne raillons point. Le fruit qui t'en est demeuré (Je parle sans reproche, et tout considéré)

Vaut bien... Mais revenons à notre humeur chagrine; Apprends-moi ce que c'est.

MÉLITE.

Veux-tu que je devine?

Dégoûté d'un esprit si grossier que le mien,

Il cherche ailleurs peut-être un meilleur entretien.

LA NOURRICE.

Ce n'est pas bien ainsi qu'un amant perd l'envie
D'une chose deux ans ardemment poursuivie ;
D'assurance un mépris l'oblige à se piquer,
Mais ce n'est pas un trait qu'il faille pratiquer.
Une fille qui voit, et que voit la jeunesse,
Ne s'y doit gouverner qu'avec beaucoup d'adresse ;
Le dédain lui messied, ou, quand elle s'en sert,
Que ce soit pour reprendre un amant qu'elle perd.

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