Que j'ai voulu te faire un injuste refus. Fais, malgré mon erreur, que ton feu persévère; Une pareille erreur me rend toute confuse : Pour permettre à mon sens de s'éloigner du sien. CÉLIDAN. Si vous croyez encor que cette erreur me touche, VAR. Paravant cette offense avoit voulu choisir. 2 VAR. Mais, hélas! mon souci, je n'ose avoir pensé Ici votre mérite est joint à leur puissance, CÉLIDAN. A ces mots enchanteurs mon martyre s'apaise, Ma fille, ton devoir ne le peut refuser. PHILISTE, à Clarice. Leur exemple, mon cœur, t'oblige à la pareille. Mais je n'ai point de mère ici qui me conseille. CHRYSANTE. Oh! que sur mes vieux ans Quand on n'a pu servir, et qu'on n'a fait qu'aimer? DORIS. Réunir les esprits d'une mère et d'un frère, Et d'un cœur généreux me faire l'heureux don, CÉLIDAN. A ces mots enchanteurs tout mon cœur se déploie, Et s'ouvre tout entier à l'excès de ma joie. CHRYSANTE. Que la mienne est extrême! et que sur mes vieux ans CLARICE, à Chrysante. Cependant pour ce soir ne me refusez pas Le pitoyable ciel me fait de doux présents! Ainsi me donne-t-il, pour comble de mes vœux, L'heur de vous voir ici prendre un mauvais repas, Nous éloigner de vous avant ce doux moment, VAR. Afin qu'à ces plaisirs ensemble on se prépare. CHRYSANTE, à Clarice. Vous quitter paravant ce bienheureux moment. FIN. EXAMEN DE LA VEUVE. Cette comédie n'est pas plus régulière que Mélite en ce qui regarde l'unité de lieu, et a le même défaut au cinquième acte, qui se passe en compliments pour venir à la conclusion d'un amour épisodique, avec cette différence toutefois, que le mariage de Célidan avec Doris a plus de justesse dans celle-ci que celui d'Éraste avec Cloris dans l'autre. Elle a quelque chose de mieux ordonné pour le temps en général, qui n'est pas si vague que dans Mélite, et a ses intervalles mieux proportionnés par cinq jours consécutifs. C'étoit un tempérament que je croyois lors fort raisonnable entre la rigueur des vingt et quatre heures et cette étendue libertine qui n'avoit aucunes bornes. Mais elle a ce même défaut dans le particulier de la durée de chaque acte, que souvent celle de l'action y excéde de beaucoup celle de la représentation. Dans le commencement du premier, Philiste quitte Alcidon pour aller faire des visites avec Clarice, et paroît en la dernière scène avec elle au sortir de ces visites, qui doivent avoir consumé toute l'après-dînée, ou du moins la meilleure partie. La même chose se trouve au cinquième Alcidon y fait partie avec Célidan d'aller voir Clarice sur le soir dans son château, où il la croit encore prisonnière, et se résout de faire part de sa joie à la nourrice, qu'il n'oseroit voir de jour, de peur de faire soupçonner l'intelligence secrète et criminelle qu'ils ont ensemble; et environ cent vers après, il vient chercher cette confidente chez Clarice, dont il ignore le retour. Il ne pouvoit être qu'environ midi quand il en a formé le dessein, puisque Célidan venoit de ramener Clarice (ce que vraisemblablement il a fait le plus tôt qu'il a pu, ayant un intérêt d'amour qui le pressoit de lui rendre ce service en faveur de son amant); et, quand il vient pour exécuter cette résolution, la nuit doit avoir déja assez d'obscurité pour cacher cette visite qu'il lui va rendre. L'excuse qu'on pourroit y donner, aussi bien qu'à ce que j'ai remarqué de Tircis dans Mélite, c'est qu'il n'y a point de liaison de scènes, et par conséquent point de continuité d'action. Ainsi, on pourroit dire que ces scènes détachées qui sont placées l'une après l'autre ne s'entre-suivent pas immédiatement, et qu'il se consume un temps notable entre la fin de l'une et le commencement de l'autre; ce qui n'arrive point quand elles sont liées ensemble, cette liaison étant cause que l'une commence nécessairement au même instant que l'autre finit. Cette comédie peut faire connoître l'aversion naturelle que j'ai toujours eue pour les à parte. Elle m'en donnoit de belles occasions, m'étant proposé d'y peindre un amour réciproque qui parût dans les entretiens de deux personnes qui ne parlent point d'amour ensemble, et de mettre des compliments d'amour suivis entre deux gens qui n'en ont point du tout l'un pour l'autre, et qui sont toutefois obligés, par des considérations particulières, de s'en rendre |