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CÉLIDAN.

En quoi que mon service oblige votre amour,
Vos seuls remerciements me mettent à retour.

SCÈNE II.

CÉLIDAN.

Qu'Alcidon maintenant soit de feu pour Clarice,
Qu'il ait de son parti sa traîtresse nourrice,
Que d'un ami trop simple il fasse un ravisseur,
Qu'il querelle Philiste et néglige sa sœur,
Enfin qu'il aime, dupe, enlève, feigne, abuse,
Je trouve mieux que lui mon compte dans sa ruse:
Son artifice m'aide, et succède si bien,

Qu'il me donne Doris, et ne lui laisse rien.

Et

Il semble n'enlever qu'à dessein que je rende,
que Philiste, après une faveur si grande,
N'ose me refuser celle dont ses transports
Et ses faux mouvements font rompre les accords.
Ne m'offre plus Doris, elle m'est toute acquise;
Je ne la veux devoir, traître, qu'à ma franchise;
Il suffit que ta ruse ait dégagé sa foi:

Cesse tes compliments, je l'aurai bien sans toi.
Mais, pour voir ces effets, allons trouver le frère:
Notre heur s'accorde mal avecque sa misère',
Et ne peut s'avancer qu'en lui disant le sien.

VAR. Notre heur, incompatible avecque sa misère,

Ne se peut avancer qu'en lui disant le sien.

SCÈNE III.

ALCIDON, CÉLIDAN.

CÉLIDAN.

Ah! je cherchois une heure avec toi d'entretien; Ta rencontre jamais ne fut plus opportune.

ALCIDON.

En quel point as-tu mis l'état de ma fortune?

CÉLIDAN

Tout va le mieux du monde. Il ne se pouvoit pas
Avec plus de succès supposer un trépas;
Clarice au désespoir croit Philiste sans vie.

ALCIDON.

Et l'auteur de ce coup?

CÉLIDAN.

Celui qui l'a ravie,

Un amant inconnu dont je lui fais parler.

ALCIDON.

Elle a donc bien jeté des injures en l'air?

CÉLIDAN.

Cela s'en va sans dire'.

ALCIDON.

Ainsi rien ne l'apaise?

CÉLIDAN.

Si je te disois tout, tu mourrois de trop d'aise.

VAR. Mais dedans sa fureur, quoique rien ne l'apaise,
Si je t'avois tout dit, c'est pour en mourir d'aise.

ALCIDON.

Je n'en veux point qui porte une si dure loi.

CÉLIDAN.

Dans ce grand désespoir elle parle de toi'.

Elle parle de moi!

ALCIDON.

CÉLIDAN.

« J'ai perdu ce que j'aime,

« Dit-elle, mais du moins si cet autre lui-même, « Son fidéle Alcidon m'en consoloit ici! >>

Tout de bon?

ALCIDON2.

CÉLIDAN.

Son esprit en paroît adouci.

ALCIDON.

Je ne me pensois pas si fort dans sa mémoire3. Mais non, cela n'est point, tu m'en donnes à croire.

Tu peux,

CÉLIDAN.

dans ce jour même, en voir la vérité 4.

ALCIDON.

J'accepte le parti par curiosité.

VAR. Dedans son désespoir, elle a parlé de toi.
VAR. « Qu'en le voyant, mon mal deviendroit adouci. »
3 VAR. Je ne me pensois pas si fort en sa mémoire.

4 VAR. Il ne tiendra qu'à toi d'en voir la vérité.

ALCIDON.

Quand ?

CÉLIDAN.

Même avant demain.

ALCIDON.

Ma curiosité

Accepte ce parti; ce soir, si hon te semble,

Dérobons-nous ce soir pour lui rendre visite.

CÉLIDAN.

Tu verras à quel point elle met ton mérite.

ALCIDON.

Si l'occasion s'offre, on peut la disposer,
Mais comme sans dessein....

CÉLIDAN.

J'entends, à t'épouser.

ALCIDON.

Nous pourrons feindre alors que par ma diligence
Le concierge rendu de mon intelligence

Me donne un accès libre aux lieux de sa prison,
Que déja quelque argent m'en a fait la raison,
s'il en faut croire une juste espérance,
Les pistoles dans peu feront sa délivrance,

Et

que,

Pourvu qu'un prompt hymen succède à mes desirs.

GELIDAN.

Que cette invention t'assure de plaisirs!

Une subtilité si dextrement tissue

Ne peut jamais avoir qu'une admirable issue.

ALCIDON.

Mais l'exécution ne s'en doit

pas surseoir.

CÉLIDAN.

Ne diffère donc point. Je t'attends vers le soir;
N'y manque pas. Adieu. J'ai quelque affaire en ville'.

Nous nous déroberons pour l'aller voir ensemble,

Et comme, sans dessein, de loin la disposer,

Puisque Philiste est mort....

CÉLIDAN.

J'entends, à t'épouser.

VAR. Adieu; pour le présent, j'ai quelque affaire en ville.

ALCIDON, seul.

O l'excellent ami! qu'il a l'esprit docile!

Pouvois-je faire un choix plus commode pour moi?
Je trompe tout le monde avec sa bonne foi;
Et, quant à sa Doris, si sa poursuite est vaine,
C'est de quoi maintenant je ne suis guère en peine :
Puisque j'aurai mon compte, il m'importe fort peu
Si la coquette agrée ou néglige son feu.

Mais je ne songe pas que ma joie imprudente '
Laisse en perplexité ma chère confidente;.
Avant que de partir, il faudra sur le tard
De nos heureux succès lui faire quelque part2.

SCÈNE IV.

I

CHRYSANTE, PHILISTE, DORIS.

CHRYSANTE.

Je ne le puis celer, bien que j'y compatisse,
Je trouve en ton malheur quelque peu de justice:
Le ciel venge ta sœur; ton fol emportement
A rompu sa fortune, et chassé son amant3;

VAR. Mais je ne songe pas que mon aise imprudente.
VAR. De mes contentements lui faire quelque part.

3 VAR. Le ciel venge ta sœur ; ton brusque aveuglement

Ta maîtresse ravie, et peut-être forcée.
Cependant Alcidon te querelle toujours,
Au lieu de renouer ses premières amours.

PHILISTE.

Madame, c'est sur vous qu'en tombe le reproche.

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