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ALCIDON.

C'est à faire à du temps.

LA NOURRICE.

Quitte cette espérance:

Ils ont pris l'un de l'autre une entière assurance, Jusqu'à s'entre-donner la parole et la foi.

ALCIDON.

Que tu demeures froide en te moquant de moi!

LA NOURRICE.

Il n'est rien de si vrai; ce n'est point raillerie.

ALCIDON.

C'est donc fait d'Alcidon! Nourrice, je te prie....

LA NOURRICE.

Rien ne sert de prier; mon esprit épuisé '
Pour divertir ce coup n'est point assez rusé.
Je n'en sais qu'un moyen, mais je ne l'ose dire.

ALCIDON.

Dépêche, ta longueur m'est un second martyre.

LA NOURRICE.

Clarice, tous les soirs, rêvant à ses amours, Seule dans son jardin fait trois ou quatre tours.

ALCIDON.

Et qu'a cela de propre à reculer ma perte?

LA NOURRICE.

Je te puis en tenir la fausse porte ouverte 2:
Aurois-tu du courage assez pour l'enlever?

▲ VAR. Tu m'as beau supplier; mon esprit épuisé

Je ne sais qu'un moyen, mais je ne l'ose dire.

2 VAR. Je te peux en tenir la fausse porte ouverte.

ALCIDON.

Oui, mais il faut retraite après où me sauver ';
Et je n'ai point d'ami si peu jaloux de gloire
Que d'être partisan d'une action si noire.
Si j'avois un prétexte, alors je ne dis pas
Que quelqu'un abusé n'accompagnât mes pas.

LA NOURRICE.

On te vole Doris, et ta feinte colère 2

Manqueroit de prétexte à quereller son frère!
Fais-en sonner par-tout un faux ressentiment:
Tu verras trop d'amis s'offrir aveuglément,

Se prendre à ces dehors, et, sans voir dans ton ame,
Vouloir venger l'affront qu'aura reçu ta flamme.
Sers-toi de leur erreur, et dupe-les si bien....

ALCIDON.

Ce prétexte est si beau que je ne crains plus rien.

LA NOURRICE.

Pour ôter tout soupçon de notre intelligence,
Ne faisons plus ensemble aucune conférence,

VAR. Que trop, mais je ne sache après où me sauver.

1 VAR. Tn n'en saurois manquer. Aveugle, considère
Qu'on t'enlève Doris; va quereller son frère,
Fais éclater par-tout un faux ressentiment :
Trop d'amis s'offriront à venger promptement
L'affront qu'en apparence aura reçu ta flamme;
Et lors, mais sans ouvrir les secrets de ton ame,
Tâche à te servir d'eux.

ALCIDON.

Ainsi tout ira bien.

Ce prétexte est si beau, que je ne crains plus rien.

Et viens quand tu pourras; je t'attends des demain.

ALCIDON.

Adieu. Je tiens le coup, autant vaut, dans ma main.

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ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

CÉLIDAN, ALCIDON.

CÉLIDAN.

Ce n'est pas que j'excuse ou la sœur, ou le frère,
Dont l'infidélité fait naître ta colère;

Mais, à ne point mentir, ton dessein à l'abord
N'a gagné mon esprit qu'avec un peu d'effort.
Lorsque tu m'as parlé d'enlever sa maîtresse,
L'honneur a quelque temps combattu ma promesse :
Ce mot d'enlèvement me faisoit de l'horreur;
Mes sens, embarrassés dans cette vaine erreur,
N'avoient plus la raison de leur intelligence;
En plaignant ton malheur je blâmois ta vengeance;
Et l'ombre d'un forfait, amusant ma pitié,
Retardoit les effets dus à notre amitié.
Pardonne un vain scrupule à mon ame inquiéte';

› Vers supprimés:

ALCIDON.

Voilà grossièrement chercher à te dédire;
Avec leurs trahisons ta lâcheté conspire,

Puisque tu sais leur crime et consens leur bonheur.
Mais c'est trop désormais survivre à mon honneur;
C'est trop porter en vain, par leur perfide trame,

Prends mon bras pour second, mon château pour retrait

Le déloyal Philiste, en te volant ton bien,
N'a que trop mérité qu'on le prive du sien:
Après son action la tienne est légitime;

Et l'on

venge sans honte un crime par un crime.

ALCIDON.

Tu vois comme il me trompe, et me promet sa sœur,
Pour en faire sous main Florange possesseur'.
Ah ciel! fut-il jamais un si noir artifice?

Il lui fait recevoir mes offres de service;
Cette belle m'accepte, et, fier de son aveu2,
Je me vante par-tout du bonheur de mon feu :
Cependant il me l'ôte, et, par cette pratique,
Plus mon amour est su, plus ma honte est publique.
CÉLIDAN.

Après sa trahison vois ma fidélité;

Il t'enlève un objet que je t'avois quitté.

VAR.

La rougeur sur le front, et la fureur en l'ame.
Va, va, n'empêche plus mon désespoir d'agir;
Souffre qu'après mon front ce flanc puisse en rougir,
Et qu'un bras, impuissant à venger cet outrage,
Reporte dans mon cœur les effets de ma rage.
CÉLIDAN.

Bien loin de révoquer ce que je t'ai promis,

Je t'offre avec mon bras celui de cent amis.

Prends, puisque tu le veux, ma maison pour retraite ;
Dispose absolument d'une amitié parfaite.

Je vois trop que Philiste, en te volant ton bien,

On venge honnêtement un crime par un crime. • VAR. Dont il fait sourdement Florange possesseur. VAR. Cette belle m'accepte, et dessous cet aveu.

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