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TIRCIS.

Nous tomberons d'accord sans nous mettre en pourpoint.

CLORIS.

Encor, cette beauté, ne la nomme-t-on point?

TIRCIS.

Non pas sitôt. Adieu: ma présence importune
Te laisse à la merci d'amour et de la brune.
Continuez les jeux que vous avez quittés '.

CLORIS.

Ne crois pas éviter mes importunités :
Ou tu diras le nom de cette incomparable,
Ou je vais de tes pas me rendre inséparable.

TIRCIS.

Il n'est pas fort aisé d'arracher cc secret.
Adieu: ne perds point temps.

CLORIS.

O l'amoureux discret!

Eh bien! nous allons voir si tu sauras te taire.

VAR. Continuez, les jeux que j'ai....

CLORIS.

Tout beau, gausseur :

Ne t'imagine point de contraindre une sœur,
N'importe qui l'éclaire en ses chastes caresses;
Et pour te faire voir des preuves plus expresses
Qu'elle ne craint en rien ta langue ni tes yeux,
Philandre, d'un baiser scelle encor tes adieux.

PHILANDRE.

Ainsi vienne bientôt cette heureuse journée
Qui nous donne le reste en faveur d'hyménée.

TIRCIS.

Sa nuit est bien plutôt ce que vous attendez,

Pour vous récompenser du temps que vous perdez.

PHILANDRE.

(Il retient Cloris, qui suit son frère.)

C'est donc ainsi qu'on quitte un amant pour un frère !

CLORIS.

Philandre, avoir un peu de curiosité,

Ce n'est pas envers toi grande infidélité:
Souffre que je dérobe un moment à ma flamme
Pour lire malgré lui jusqu'au fond de son ame.
Nous en rirons après ensemble, si tu veux.

PHILANDRE.

Quoi! c'est là tout l'état que tu fais de mes feux?

CLORIS.

Je ne t'aime pas moins, pour être curieuse,
Et ta flamme à mon cœur n'est pas moins précieuse.
Conserve-moi le tien, et sois sûr de ma foi.

PHILANDRE.

Ah, folle! qu'en t'aimant il faut souffrir de toi!

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

ÉRASTE.

2

Je l'avois bien prévu que ce cœur infidéle '
Ne se défendroit point des yeux de ma cruelle,
Qui traite mille amants avec mille mépris,
Et n'a point de faveurs que pour le dernier pris.
Sitôt qu'il l'aborda, je lus sur son visage
De sa déloyauté l'infaillible présage;
Un inconnu frisson dans mon corps épandu
Me donna les avis de ce que j'ai perdu 3.
Depuis, cette volage évite ma rencontre,
Ou, si malgré ses soins le hasard me la montre,
Si je puis l'aborder, son discours se confond,

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VAR. Je l'avois bien prévu que cette ame infidèle.

VAR. Même, dès leur abord, je lus sur son visage.

3 Vers supprimés:

Mais, hélas! qui pourroit gauchir sa destinée ?

Son immuable loi, dans le ciel burinée,
Nous fait si bien courir après notre malheur,
Que j'ai donné moi-même accès à ce voleur.
Le perfide qu'il est me doit sa connoissance;
C'est moi qui l'ai conduit et mis en sa puissance;
C'est moi qui, l'engageant à ce froid compliment,
Ai jeté de mes maux le premier fondement.

Son esprit en désordre à peine me répond;

Une réflexion vers le traître qu'elle aime

Presque à tous les moments le ramène en lui-même';
Et, tout rêveur qu'il est, il n'a point de soucis
Qu'un soupir ne trahisse au seul nom de Tircis.
Lors, par le prompt effet d'un changement étrange,
Son silence rompu se déborde en louange.
Elle remarque en lui tant de perfections,
Que les moins éclairés verroient ses passions2;
Sa bouche ne se plaît qu'en cette flatterie,
Et tout autre propos lui rend sa rêverie.
Cependant, chaque jour au discours attachés3,
Ils ne retiennent plus leurs sentiments cachés;
Ils ont des rendez-vous où l'amour les assemble;
Encor hier sur le soir je les surpris ensemble;
Encor tout de nouveau je la vois qui l'attend.
Que cet œil assuré marque un esprit content!
Perds tout respect, Éraste, et tout soin de lui plaire;
Rends, sans plus différer, ta vengeance exemplaire:
Mais il vaut mieux t'en rire, et pour dernier effort
Lui montrer en raillant combien elle a de tort.

VAR. Presques à tous moments le ramène en lui-même.

2. VAR. Que les moins avisés verroient ses passions.

3 VAR. Cependant, chaque jour an babil attachés.

4 VAR. Sus donc, perds tout respect et tout soin de lui plaire,
Et rends dessus le champ ta vengeance exemplaire :
Non, il vaut mieux s'en rire, et pour dernier effort.

SCÈNE II.

ÉRASTE, MÉLITE.

ÉRASTE.

Quoi, seule et sans Tircis! vraiment c'est un prodige;
Et ce nouvel amant déja trop vous néglige,

Laissant ainsi couler la belle occasion
De vous conter l'excès de son affection.

MÉLITE.

Vous savez que son ame en est fort dépourvue.

ÉRASTE.

Toutefois, ce dit-on, depuis qu'il vous a vue,
Il en porte dans l'ame un si doux souvenir',
Qu'il n'a plus de plaisir qu'à vous entretenir.

MÉLITE.

Il a lieu de s'y plaire avec quelque justice.
L'amour ainsi qu'à lui me paroît un supplice;
Et sa froideur, qu'augmente un si lourd entretien,
Le résout d'autant mieux à n'aimer jamais rien.

ÉRASTE.

Dites : à n'aimer rien que la belle Mélite.

MÉLITE.

Pour tant de vanité j'ai trop peu de mérite.

VAR. Ses chemins par ici s'adressent tous les jours,
Et ses plus grands plaisirs ne sont que vos discours.
MÉLITE.

Et ce n'est pas aussi sans cause qu'il les prise,
Puisque, outre que l'amour comme lui je méprise,
Sa froideur, que redouble un si lourd entretien.

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