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Voudroient un successeur de plus haute noblesse.

CLARICE.

S'il précéda Philiste en vaines dignités',
Philiste le devance en rares qualités;

Il est né gentilhomme, et sa vertu répare
Tout ce dont la fortune envers lui fut avare:
Nous avons, elle et moi, trop de quoi l'agrandir".

LA NOURRICE.

Si vous pouviez, madame, un peu vous refroidir
Pour le considérer avec indifférence,

Sans prendre pour mérite une fausse apparence,
La raison feroit voir à vos yeux insensés

Que Philiste n'est pas tout ce que vous pensez.
Croyez-m'en plus que vous; j'ai vieilli dans le monde3,
J'ai de l'expérience, et c'est où je me fonde;
Éloignez quelque temps ce dangereux charmeur 4,
Faites en son absence essai d'une autre humeur;
Pratiquez-en quelque autre, et, désintéressée,
Comparez-lui l'objet dont vous êtes blessée;
Comparez-en l'esprit, la façon, l'entretien,
Et lors vous trouverez qu'un autre le vaut bien.

CLARICE.

Exercer contre moi de si noirs artifices!
Donner à mon amour de si cruels supplices!

1 VAR. Il précéda Philiste en vaines dignités,
Et Philiste le passe en rares qualités.

2 VAR. Elle et moi nous avons trop de quoi l'agrandir.

LA NOURRICE.

Hélas! si vous pouviez un peu vous refroidir.

3 VAR. Madame, croyez-moi; j'ai vieilli dans le monde.
4 VAR. Éloignez, s'il vous plaît, quelque temps ce charmeur.

Trahir tous mes desirs! éteindre un feu si beau '!
Qu'on m'enferme plutôt toute vive au tombeau.
Fais venir cet amant: dussé-je la première
Lui faire de mon cœur une ouverture entière,
Je ne permettrai point qu'il sorte d'avec moi
Sans avoir l'un à l'autre engagé notre foi.

LA NOURRICE.

Ne précipitez point ce que le temps ménage;
Vous pourrez à loisir éprouver son courage.

CLARICE.

Ne m'importune plus de tes conseils maudits,
Et, sans me répliquer, fais ce que je te dis.

SCÈNE III.

PHILISTE, LA NOURRICE.

PHILISTE.

Je te ferai cracher cette langue traîtresse.
Est-ce ainsi qu'on me sert auprès de ma maîtresse,
Détestable sorcière?

LA NOURRICE.

Hé bien! quoi? qu'ai-je fait?

PHILISTE.

Et tu doutes encor si j'ai vu ton forfait2 !

1 VAR. Trahir ainsi mon aise! éteindre un feu si beau!

Va querir mon amant : dussé-je la première

Je ne permettrai pas qu'il sorte d'avec moi.
VAR. Monstre.de trahison, horreur de la nature,

LA NOURRICE.

Quel forfait?

PHILISTE.

Peut-on voir lâcheté plus hardie! Joindre encor l'impudence à tant de perfidie!

LA NOURRICE.

Tenir ce qu'on promet, est-ce une trahison1?

PHILISTE.

Est-ce ainsi qu'on le tient?

LA NOURRICE.

Que t'avois-je promis?

Parlons avec raison;

PHILISTE.

Que de tout ton possible

Tu rendrois ta maîtresse à mes desirs sensible,
Et la disposerois à recevoir mes vœux.

LA NOURRICE.

Et ne la vois-tu pas au point où tu la veux2?

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Et je serai content! Qui te fait si hardie

D'ajouter l'impudence à tant de perfidie?

⚫ Cette nourrice se défend très adroitement, et une pareille scène

plairoit encore. (P.)

VAR. Eh quoi! n'est-elle pas au point où tu la veux?

PHILISTE.

Malgré toi mon bonheur à ce point l'a réduite.

LA NOURRICE.

Mais tu dois ce bonheur à ma sage conduite,
Jeune et simple novice en matière d'amour,
Qui ne saurois comprendre encore un si bon tour.
Flatter de nos discours les passions des dames,
C'est aider lâchement à leurs naissantes flammes;
C'est traiter lourdement un délicat effet;
C'est n'y savoir enfin que ce que chacun sait :
Moi, qui de ce métier ai la haute science,
Et qui, pour te servir, brûle d'impatience,
Par un chemin plus court qu'un propos complaisant,
J'ai su croître sa flamme en la contredisant;
J'ai su faire éclater, mais avec violence',
Un amour étouffé sous un honteux silence;
Et n'ai pas tant choqué que piqué ses desirs,
Dont la soif irritée avance tes plaisirs.

PHILISTE.

A croire ton babil, la ruse est merveilleuse2;
Mais l'épreuve, à mon goût, en est fort périlleuse.

LA NOURRICE.

Jamais il ne s'est vu de tours plus assurés.
La raison et l'amour sont ennemis jurés;
Et lorsque ce dernier dans un esprit commande,
Il ne peut endurer que l'autre le gourmande:
Plus la raison l'attaque, et plus il se roidit;

VAR. J'ai su faire éclater avecque violence.

VAR. Qui croira ton babil, la ruse est périlleuse.

Plus elle l'intimide, et plus il s'enhardit.

Je le dis sans besoin, vos yeux et vos oreilles '
Sont de trop bons témoins de toutes ces merveilles ;
Vous-même avez tout vu, que voulez-vous de plus?
Entrez, on vous attend; ces discours superflus
Reculent votre bien, et font languir Clarice.
Allez, allez cueillir les fruits de mon service.
Usez bien de votre heur et de l'occasion.

PHILISTE.

Soit une vérité, soit une illusion

Que ton esprit adroit emploie à ta défense2,
Le mien de tes discours plus outre ne s'offense;
Et j'en estimerai mon bonheur plus parfait,
Si d'un mauvais dessein je tire un bon effet.

LA NOURRICE.

Que de propos perdus! Voyez l'impatiente
Qui ne peut plus souffrir une si longue attente.

SCÈNE IV.

CLARICE, PHILISTE, LA NOURRICE.

CLARICE.

Paresseux, qui tardez si long-temps à venir,
Devinez la façon dont je veux vous punir.

PHILISTE.

M'interdiriez-vous bien l'honneur de votre vue!

VAR. Mais je vous parle en vain, vos yeux et vos oreilles

Vous sont de bons témoins de toutes ces merveilles.

VAR. Que ton subtil esprit emploie à ta défense.

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