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CHRYSANTE.

Ma fille, te voilà telle que je souhaite.

Pour ne te rien celer, c'est chose qui vaut faite.
Géron, qui depuis peu fait ici tant de tours,
Au déçu d'un chacun a traité ces amours;
Et puisqu'à mes desirs je te vois résolue,

Je veux qu'avant deux jours l'affaire soit conclue.
Au regard d'Alcidon tu dois continuer,

Et de ton beau semblant ne rien diminuer.

Il faut jouer au fin contre un esprit si double '.

DORIS.

Mon frère en sa faveur vous donnera du trouble.

CHRYSANTE.

Il n'est pas si mauvais que l'on n'en vienne à bout.

DORIS.

Madame, avisez-y; je vous remets le tout.

CHRYSANTE.

Rentre; voici Géron, de qui la conférence
Doit rompre, ou nous donner une entière assurance.

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GÉRON.

Je l'avois déja su,

Madame; et les effets ne m'en ont point déçu',

Du moins quant à Florange.

CHRYSANTE.

Que dit-il de ma fille?

Eh bien, mais qu'est-ce encore?

GÉRON.

Ah! madame, il l'adore.

Il n'a point encor vu de miracles pareils:
Ses yeux à son avis sont autant de soleils,
L'enflure de son sein un double petit monde;
C'est le seul ornement de la machine ronde.
L'amour à ses regards allume son flambeau,
Et souvent, pour la voir, il ôte son bandeau ;
Diane n'eut jamais une si belle taille;
Auprès d'elle Vénus ne seroit rien qui vaille;
Ce ne sont rien que lis et roses que son teint;
Enfin de ses beautés il est si fort atteint....

CHRYSANTE.

Atteint! Ah! mon ami, tant de badinerie2
Ne témoigne que trop qu'il en fait raillerie.

GÉRON.

Madame, je vous jure, il péche innocemment,
Et, s'il savoit mieux dire, il diroit autrement.
C'est un homme tout neuf: que voulez-vous qu'il fasse?

1 VAR. Madame, et les effets ne m'en ont pas déçu,

Au moins quant à Florange.

VAR. Atteint! Ah! mon ami, ce sont des rêveries;
Il s'en moque en disant de telles niaiseries.

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Il dit ce qu'il a lu. Daignez juger, de grace',

Plus favorablement de son intention;

Et, pour mieux vous montrer où va sa passion,

Vous savez les deux points; (mais aussi, je vous prie,
Vous ne lui direz pas cette supercherie).

Non, non.

CHRYSANTE.

GÉRON.

Vous savez donc les deux difficultés

Qui jusqu'à maintenant vous tiennent arrêtés ??

CHRYSANTE.

Il veut son avantage, et nous cherchons le nôtre.

GÉRON.

.«Va, Géron, m'a-t-il dit; et pour l'une et pour l'autre, « Si par dextérité tu n'en peux rien tirer,

« Accorde tout plutôt que de plus différer.

« Doris est à mes yeux de tant d'attraits pourvue,

« Qu'il faut bien qu'il m'en coûte un peu pour l'avoir vue. » Mais qu'en dit votre fille?

CHRYSANTE.

Elle suivra mon choix3,

Et montre une ame prête à recevoir mes lois;

Non qu'elle en fasse état plus que de bonne sorte,
Il suffit qu'elle voit ce que le bien apporte,
Et qu'elle s'accommode aux solides raisons

VAR. Il dit ce qu'il a lu. Jugez, pour dieu, de

grace.

2 VAR. Qui jusqu'à maintenant nous tiennent arrêtés?

3 VAR.

Ainsi que je voulois,
Elle se montre préte à recevoir mes lois.

Qui forment à présent les meilleures maisons.

GÉRON.

A ce compte, c'est fait. Quand vous plaît-il qu'il vienne' Dégager ma parole, et vous donner la sienne?

CHRYSANTE.

Deux jours me suffiront, ménagés dextrement,
Pour disposer mon fils à son contentement.
Durant ce peu de temps, si son ardeur le presse,
Il peut hors du logis rencontrer sa maîtresse.
Assez d'occasions s'offrent aux amoureux.
GÉRON.

Madame, que d'un mot je vais le rendre heureux!

SCÈNE V.

PHILISTE, CLARICE.

PHILISTE.

Le bonheur aujourd'hui conduisoit vos visites 2,
Et sembloit rendre hommage à vos rares mérites.
Vous avez rencontré tout ce que vous cherchiez.

CLARICE.

Oui; mais n'estimez pas qu'ainsi vous m'empêchiez
De vous dire, à présent que nous faisons retraite,
Combien de chez Daphnis je sors mal satisfaite.

PHILISTE.

Madame, toutefois elle a fait son pouvoir,

VAR. A ce compte, c'est fait. Quand voulez-vous qu'il vienne.

2 VAR. Le bonheur conduisoit aujourd'hui nos visites.

Du moins en apparence, à vous bien recevoir '.

CLARICE.

Ne pensez pas aussi que je me plaigne d'elle.

PHILISTE.

Sa compagnie étoit, ce me semble, assez belle.

CLARICE.

Que trop belle à mon goût, et, que je pense, au tien!
Deux filles possédoient seules ton entretien;
Et leur orgueil, enflé par cette préférence2,
De ce qu'elles valoient tiroit pleine assurance.

PHILISTE.

Ce reproche obligeant me laisse tout surpris:
Avec tant de beautés, et tant de bons esprits,
Je ne valus jamais qu'on me trouvât à dire.

CLARICE.

Avec ces bons esprits je n'étois qu'en martyre;
Leur discours m'assassine, et n'a qu'un certain jeu,
Qui m'étourdit beaucoup, et qui me plaît fort peu.

PHILISTE.

Celui que nous tenions me plaisoit à merveilles.

CLARICE.

Tes yeux s'y plaisoient bien autant que tes oreilles?

VAR. Au moins en apparence, à vous bien recevoir.

CLARICE.

Aussi ne pensez pas que je me plaigne d'elle.

2 VAR. Et ce que nous étions de femmes méprisées,
Nous servons cependant d'objet à vos risées.

PHILISTE.

C'est maintenant, madame, aux vôtres que j'en sers
Avec tant de beautés et tant d'esprits divers.

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