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Qu'il ne m'est plus permis de douter de sa foi:
Mes soupirs et les siens font un secret langage
Par où son cœur au mien à tous moments s'engage;
Des coups d'œil languissants, des souris ajustés,
Des penchements de tête à demi concertés,

Et mille autres douceurs, aux seuls amants connues,
Nous font voir chaque jour nos ames toutes nues
Nous sont de bons garants d'un feu qui chaque jour...

ALCIDON.

Tout cela, cependant, sans lui parler d'amour?

PHILISTE.

Sans lui parler d'amour.

ALCIDON.

J'estime ta science;

Mais j'aurois à l'épreuve un peu d'impatience.

PHILISTE.

Le ciel, qui nous choisit lui-même des partis',
A tes feux et les miens prudemment assortis;

Et quand quelques baisers sont dus par compliment....

ALCIDON.

Je m'imagine alors qu'elle ne t'en dénie.

PHILISTE.

Mais ils tiennent bien peu de la cérémonie.

Parmi la bienséance, il m'est aisé de voir

Que l'amour me les donne autant que le devoir.

En cette occasion; c'est un plaisir extrême

Lorsque de part et d'autre un couple qui s'entr'aime

Abuse dextrement de cette liberté

Que permettent les lois de la civilité,

Et

que le peu souvent que ce bonheur arrive, Piquant notre appétit, rend sa pointe plus vive: Notre flamme irritée en croît de jour en jour.

VAR. Le ciel, qui bien souvent nous choisit des partis.

Et comme, à ces longueurs t'ayant fait indocile,
Il te donne en ma sœur un naturel facile,

Ainsi
pour cette veuve il a su m'enflammer',
Après m'avoir donné par où m'en faire aimer.

ALCIDON.

Mais il lui faut enfin découvrir ton courage.

PHILISTE.

C'est ce qu'en ma faveur sa nourrice ménage :
Cette vieille subtile a mille inventions

Pour m'avancer au but de mes intentions;
Elle m'avertira du temps que je dois prendre;
Le reste une autre fois se pourra mieux apprendre :
Adieu.

ALCIDON.

La confidence avec un bon ami

Jamais, sans l'offenser, ne s'exerce à demi.

PHILISTE.

Un intérêt d'amour me prescrit ces limites.
Ma maîtresse m'attend pour faire des visites,
Où je lui promis hier de lui prêter la main.

ALCIDON.

Adieu donc, cher Philiste.

PHILISTE.

Adieu, jusqu'à demain.

1 VAR. Ainsi pour cette veuve il voulut m'enflammer.

SCÈNE II.

ALCIDON, LA NOURRICE.

ALCIDON, seul.

Vit-on jamais amant de pareille imprudence
Faire avec son rival entière confidence'?

Simple, apprends que ta sœur n'aura jamais de quoi
Asservir sous ses lois des gens faits comme moi;
Qu'Alcidon feint pour elle, et brûle pour Clarice.
Ton agente est à moi. N'est-il pas vrai, nourrice?

LA NOURRICE.

Tu le peux bien jurer 2.

ALCIDON.

Et notre ami rival?

LA NOURRICE.

Si jamais on m'en croit, son affaire ira mal.

I VAR. Avecque son rival traiter de confidence.

2 VAR. La belle question! quoi?

ALCIDON.

Que Philiste....

LA NOURRICE.

Eh bien?

ALCIDON.

C'est en toi qu'il espère.

LA NOURRICE.

Oui, mais il ne tient rien.

Tant que tes bons succès lui découvrent ma ruse.

ALCIDON.

Je le viens de quitter.

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Que tu veux employer pour lui tout ton crédit,
Et que, rendant toujours quelque petit service,
Il s'est fait une entrée en l'ame de Clarice.

LA NOURRICE.

Moindre qu'il ne présume. Et toi?

ALCIDON.

Je l'ai poussé

A s'enhardir un peu plus que par le passé,
Et découvrir son mal à celle qui le cause.

Pourquoi ?

LA NOURRICE.

ALCIDON.

Pour deux raisons: l'une, qu'il me propose Ce qu'il a dans le cœur beaucoup plus librement'; L'autre, que ta maîtresse, après ce compliment, Le chassera peut-être ainsi qu'un téméraire.

Ne l'enhardis

LA NOURRICE.

pas tant ; j'aurois peur, au contraire 2,

■ VAR. Ce qu'il a sur le cœur beaucoup plus librement.
* VAR. Ne l'enhardis pas tant; j'aurois peur du contraire,

Que, malgré tes raisons, quelque mal ne t'en prît : Car enfin ce rival est bien dans son esprit,

Mais non pas tellement qu'avant que le mois passe Notre adresse sous main ne le mette en disgrace.

Et lors?

ALCIDON.

LA NOURRICE.

Je te réponds de ce que tu chéris.
Cependant continue à caresser Doris;

Que son frère, ébloui par cette accorte feinte,
De nos prétentions n'ait ni soupçon ni crainte '.

ALCIDON.

A m'en ouïr conter, l'amour de Céladon
N'eut jamais rien d'égal à celui d'Alcidon
Tu rirois trop de voir comme je la cajole.

LA NOURRICE.

Et la dupe qu'elle est croit tout sur ta parole?

ALCIDON.

Cette jeune étourdie est si folle de moi,
Qu'elle prend chaque mot pour article de foi ;
Et son frère, pipé du fard de mon langage,
Qui croit que je soupire après son mariage,
Pensant bien m'obliger, m'en parle tous les jours:
Mais quand il en vient là, je sais bien mes détours;
Tantôt, vu l'amitié qui tous deux nous assemble,

Ce rival, d'assurance, est bien dans son esprit,

Nous ne le sachions mettre en sa mauvaise grace.
VAR. De ce que nous brassons n'ait ni soupçon ni crainte.

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