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N'espère qu'à demi, quand je parle à demi.

ROSIDOR.

Tu parles à demi, mais un secret langage
Qui va jusques au cœur m'en dit bien davantage,
Et tes yeux sont du tien de mauvais truchements,
Ou rien plus ne s'oppose à nos contentements.

CALISTE.

Je l'avois bien prévu que ton impatience
Porteroit ton espoir à trop de confiance,

Que, pour craindre trop peu, tu devinerois mal.

ROSIDOR.

Quoi ! la reine ose encor soutenir mon rival?
Et sans avoir d'horreur d'une action si noire...

Et saurai désormais si bien te refuser,

Que tu verras le goût que je prends à baiser:
Aussi bien, ton orgueil en devient trop extrême.

ROSIDOR.

Simple, pour le punir, tu te punis toi-même;
Ce dessein, mal conçu, te venge à tes dépens.
Déja, n'est-il pas vrai, mon heur, tu t'en repens?
Et déja la rigueur d'une telle contrainte
Dans tes yeux languissants met une douce plainte.
L'amour, par tes regards murmure de ce tort,
Et semble m'avouer d'un agréable effort.

CALISTE.

Quoi qu'il en soit, Caliste au moins t'en désavoue.

ROSIDOR.

Ce vermillon nouveau qui colore ta joue
M'invite expressément à me licencier.

CALISTE.

Voilà le vrai chemin de te disgracier.

ROSIDOR.

Ces refus attrayants ne sont que des remises.

CALISTE.

Lorsque tu te verras ces privautés permises,

CALISTE.

Elle a l'ame trop haute et chérit trop la gloire
Pour ne pas s'accorder aux volontés du roi,
Qui d'un heureux hymen récompense ta foi...

ROSIDOR.

Si notre heureux malheur a produit ce miracle,
Qui peut à nos desirs mettre encor quelque obstacle?

Tes blessures.

CALISTE.

ROSIDOR.

Allons, je suis déja guéri.

Tu pourras t'assurer que nos contentements
Ne redouteront plus aucuns empêchements.

ROSIDOR.

Vienne cet heureux jour! Mais jusque-là, mauvaise,
N'avoir point de baiser à rafraîchir ma braise!
Dussé-je être impudent autant comme importun,
A tel prix que ce soit, sache qu'il m'en faut un.
(Il la baise sans résistance.)

Dégoûtée, ainsi donc ta menace s'exerce!

CALISTE.

Aussi n'est-il plus rien, mon cœur, qui nous traverse;
Aussi n'est-il plus rien qui s'oppose à nos vœux.

La reine, qui toujours fut contraire à nos feux,
Soit du piteux récit de nos hasards touchée,
Soit de trop de faveur vers un traître fâchée,
A la fin s'accommode aux volontés du roi,

ROSIDOR.

Qu'un hymen doive unir nos ardeurs mutuelles !
Ah, mon heur! pour le port de si bonnes nouvelles,
C'est trop peu d'un baiser.

CALISTE.

Et pour moi, c'est

assez.

ROSIDOR.

Ils n'en sont que plus doux, étant un peu forcés.

CALISTE.

Ce n'est pas pour un jour que je veux un mari,
Et je ne puis souffrir que ton ardeur hasarde
Un bien que de ton roi la prudence retarde.
Prends soin de te guérir, mais guérir tout-à-fait,
Et crois que tes desirs...

ROSIDOR.

N'auront aucun effet.

CALISTE.

N'auront aucun effet! qui te le persuade?

ROSIDOR.

Un corps peut-il guérir, dont le cœur est malade?

Je ne m'étonne plus de te voir si privée,
Te mettre sur mon lit aussitôt qu'arrivée.
Tu prends possession déja de la moitié

Comme étant tout acquise à ta chaste amitié.

Mais à quand ce beau jour qui nous doit tout permettre?

CALISTE.

Jusqu'à ta guérison on l'a voulu remettre.

ROSIDOR.

Allons; allons, mon cœur, je suis déja guéri.

CALISTE.

Tout beau, j'aurois regret, ta santé hasardée,
Si tu m'allois quitter sitôt que possédée.
Retiens un peu la bride à tes bouillants desirs,
Et pour les mieux goûter, assure nos plaisirs.

ROSIDOR.

Que le sort a pour moi de subtiles malices!

Ce lit doit être un jour le champ de mes délices,

Et recule lui seul ce qu'il doit terminer;

Lui seul il m'interdit ce qu'il me doit donner.

CALISTE.

L'attente n'est pas longue, et son peu de durée....

ROSIDOR.

N'augmente que la soif de mon ame altérée.

CALISTE.

Tu m'as rendu mon change, et m'as fait quelque peur;
Mais je sais le remède aux blessures du cœur.

Les tiennes, attendant le jour que tu souhaites,
Auront pour médecins mes yeux qui les ont faites.
Je me rends désormais assidue à te voir.

ROSIDOR.

Cependant, ma chère ame, il est de mon devoir
Que sans perdre de temps j'aille rendre en personne
D'humbles graces au roi du bonheur qu'il nous donne.

CALISTE.

Je me charge pour toi de ce remerciement.

CALISTE.

Cette soif s'éteindra; ta prompte guérison,
Paravant qu'il soit peu, t'en fera la raison.

ROSIDOR.

A ce compte, tu veux que je me persuade
Qu'un corps puisse guérir dont le cœur est malade.

CALISTE.

N'use point avec moi de ce discours moqueur;
On sait bien ce que c'est des blessures du cœur.
Les tiennes, attendant l'heure que tu souhaites,

ROSIDOR.

Que, sans plus différer, je m'en aille en personne
Remercier le roi du bonheur qu'il nous donne.

CALISTE.

Une heure hors du lit ne peut beaucoup te nuire.

Que tes humbles devoirs manquassent vers ton roi.

ROSIDOR.

Mes blessures n'ont pas, en leurs foibles atteintes,

Toutefois, qui sauroit que pour ce compliment
Une heure hors d'ici ne pût beaucoup te nuire,
Je voudrois en ce cas moi-même t'y conduire;
Et j'aimerois mieux être un peu plus tard à toi
Que tes justes devoirs manquassent vers ton roi.

ROSIDOR.

Mes blessures n'ont point dans leurs foibles atteintes Sur quoi ton amitié puisse fonder ses craintes.

CALISTE.

Viens donc ; et puisqu'enfin nous faisons mêmes vœux, En le remerciant parle au nom de tous deux.

SCÈNE IV.

ALCANDRE, FLORIDAN, CLITANDRE,
PYMANTE, DORISE, CLÉON; PREVÔT,

TROIS VENEURS.

ALCANDRE.

Que souvent notre esprit, trompé par l'apparence',
Régle ses mouvements avec peu d'assurance!

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1 VAR. Que souvent notre esprit, trompé de l'apparence.

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