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Paroîtra toute nue à la postérité;
Et je tiens d'un tel heur l'attente si certaine,
Qu'elle adoucit déja la rigueur de ma peine;
Mon ame s'en chatouille, et ce plaisir secret
La prépare à sortir avec moins de regret.

SCÈNE VIII.

FLORIDAN, PYMANTE, CLÉON; DORISE,

en habit de femme; TROIS VENEURS.

FLORIDAN, à Dorise et à Cléon.

Vous m'avez dit tous deux d'étranges aventures. Ah, Clitandre! ainsi donc de fausses conjectures T'accablent, malheureux, sous le courroux du roi! Ce funeste récit me met tout hors de moi.

CLÉON.

Hàtant un peu le pas, quelque espoir me demeure Que vous arriverez auparavant qu'il meure.

FLORIDAN.

Si je n'y viens à temps, ce perfide en ce cas

A son ombre immolé ne me suffira

pas.

C'est trop peu de l'auteur de tant d'énormes crimes; Innocent, il aura d'innocentes victimes.

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que soit Rosidor, il le suivra de près; Et je saurai changer ses myrtes en cyprès '.

DORISE.

Souiller ainsi vos mains du sang de l'innocence!

VAR. Ses myrtes prétendus tourneront en cyprès.

FLORIDAN.

Mon déplaisir m'en donne une entière licence.
J'en veux, comme le roi, faire autant à mon tour;
Et puisqu'en sa faveur on prévient mon retour,
Il est trop criminel. Mais que viens-je d'entendre?
Je me tiens presque sûr de sauver mon Clitandre;
La chasse n'est pas loin, où, prenant un cheval,
Je préviendrai le coup de son malheur fatal;
Il suffit de Cléon pour ramener Dorise.

(montrant Pymante.)

Vous autres, gardez bien de lâcher votre prise;
Un supplice l'attend, qui doit faire trembler
Quiconque désormais voudroit lui ressembler.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE I.

FLORIDAN, CLITANDRE, UN PREVÔT,
CLÉON.

FLORIDAN, parlant au prevôt.

Dites vous-même au roi qu'une telle innocence'
Légitime en ce point ma désobéissance,
Et qu'un homme sans crime avoit bien mérité
Que j'usasse pour lui de quelque autorité.

Je vous suis. Cependant, que mon heur est extrême,
Ami, que je chéris à l'égal de moi-même 2,
D'avoir su justement venir à ton secours

Lorsqu'un infame glaive alloit trancher tes jours,
Et qu'un injuste sort, ne trouvant point d'obstacle,
Apprêtoit de ta tête un indigne spectacle!

CLITANDRE.

Ainsi qu'un autre Alcide, en m'arrachant des fers, Vous m'avez aujourd'hui retiré des enfers 3;

Et moi dorénavant j'arrête mon envie

VAR. Allez toujours au roi dire qu'une innocence.

2 VAR. Cher ami, que je tiens comme un autre moi-même.
3 VAR. Vous m'avez, autant vaut, retiré des enfers.

A ne servir qu'un prince à qui je dois la vie.

FLORIDAN.

Réserve pour Caliste une part de tes soins.

CLITANDRE.

C'est à quoi désormais je veux penser le moins.

FLORIDAN.

Le moins! Quoi! désormais, Caliste en ta pensée N'auroit plus que le rang d'une image effacée?

CLITANDRE.

J'ai honte que mon cœur auprès d'elle attaché
De son ardeur pour vous ait souvent relâché',
Ait souvent pour le sien quitté votre service:
C'est par-là que j'avois mérité mon supplice;
Et, pour m'en faire naître un juste repentir,
Il semble que les dieux y vouloient consentir:
Mais votre heureux retour a calmé cet orage.

FLORIDAN.

Tu me fais assez lire au fond de ton courage2; La crainte de la mort en chasse des

appas Qui t'ont mis au péril d'un si honteux trépas, Puisque, sans cet amour, la fourbe mal conçue Eût manqué contre toi de prétexte et d'issue; Ou peut-être à présent tes desirs amoureux

VAR. Ait son ardeur vers vous si souvent relâché,
Si souvent pour le sien quitté votre service.

2 VAR. Je devine à-peu-près le fond de ton courage.
3 VAR. Vu que, sans cet amour, la fourbe mal conçue

3

Se cherchent des objets un peu moins rigoureux.

Tournent vers des objets un peu moins rigoureux,

CLITANDRE.

Doux, ou cruels, aucun désormais ne me touche.

FLORIDAN.

L'amour dompte aisément l'esprit le plus farouche;
C'est à ceux de notre âge un puissant ennemi:
Tu ne connois encor ses forces qu'à demi;
Ta résolution, un peu trop violente,
N'a pas bien consulté ta jeunesse bouillante.
Mais que veux-tu, Cléon, et qu'est-il arrivé?
Pymante de vos mains se seroit-il sauvé?

CLÉON.

Non, seigneur; acquittés de la charge commise', Nos veneurs ont conduit Pymante, et moi, Dorise; Et je viens seulement prendre un ordre nouveau.

FLORIDAN.

Qu'on m'attende avec eux aux portes du château.
Allons, allons au roi montrer ton innocence;
Les auteurs des forfaits sont en notre puissance;
Et l'un d'eux, convaincu dès le premier aspect,
Ne te laissera plus aucunement suspect.

SCÈNE II.

ROSIDOR, sur son lit.

Amants les mieux payés de votre longue peine,
Vous de qui l'espérance est la moins incertaine,

VAR. Grace aux dieux! acquittés de la charge commise,

Et je viens, monseigneur, prendre un ordre nouveau.

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