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DORISE.

Ah, brigand!

PYMANTE.

Ah! que

DORISE.

viens-tu de faire?

De punir l'attentat d'un infame corsaire.

PYMANTE, prenant son épée dans la caverne
où il l'avoit jetée au second acte.

Ton sang m'en répondra; tu m'auras beau prier,

DORISE, se cacbant.

Fuyons, il va sortir.

Qu'à propos ce buisson s'offre à me garantir!

PYMANTE, sorti.

Ne crois pas m'échapper, quoi que ta ruse fasse ;
J'ai ta mort en ma main.

DORISE, cachée.

Dieux! le voilà qui passe.

PYMANTE passe de l'autre côté du théâtre.

Tigresse!

DORISE, revenant sur le théâtre.

Il est passé : je suis hors de danger.
Ainsi, dorénavant, mon sort puisse changer!
Ainsi, dorénavant, le ciel plus favorable
Me prête en ces malheurs une main secourable!
Cependant, pour loyer de sa lubricité,
Son œil m'a répondu de ma pudicité;
Et dedans son cristal mon aiguille enfoncée,
Attirant ses deux mains, m'a désembarrassée.
Aussi le falloit-il que ce même poinçon,
Qui premier de mon sexe engendra ce soupçon,
Fût l'auteur de ma prise et de ma délivrance,
Et qu'après mon péril il fit mon assurance.
Va donc, monstre bouffi de luxure et d'orgueil,
Venge sur ces rameaux la perte de ton œil;
Fais servir, si tu veux, dans ta forcenerie,
Les feuilles et le vent d'objets à ta furie :
Dorise, qui s'en moque, et fuit d'autre côté,
En s'éloignant de toi, se met en sûreté.

Tu mourras.

DORISE, à part.

Fuis, Dorise, et laisse-le crier.

SCÈNE II.

PYMANTE.

Où s'est-elle cachée? où l'emporte sa fuite1?
Où faut-il que ma rage adresse ma poursuite?
La tigresse m'échappe, et, telle qu'un éclair,
En me frappant les yeux, elle se perd en l'air :
Ou plutôt, l'un perdu, l'autre m'est inutile;
L'un s'offusque du sang qui de l'autre distille.
Coule, coule, mon sang; en de si grands malheurs,
Tu dois avec raison me tenir lieu de pleurs :
Ne verser désormais que des larmes communes,
C'est pleurer lâchement de telles infortunes.
Je vois de tous côtés mon supplice approcher;
N'osant me découvrir, je ne me puis cacher.
Mon forfait avorté se lit dans ma disgrace2,
Et ces gouttes de sang me font suivre à la trace.
Miraculeux effet! Pour traître que je sois,
Mon sang l'est encor plus, et sert tout à-la-fois
De pleurs à ma douleur, d'indices à ma prise,
De peine à mon forfait, de vengeance à Dorise.

VAR. Qu'est-elle devenue? Ainsi donc l'inhumaine,
Après un tel affront, rend ma poursuite vaine !
Ainsi donc la cruelle, à guise d'un éclair,
En me frappant les yeux, est disparue en l'air!

2 VAR. Mon forfait évident se lit dans ma disgrace.

O toi qui, secondant son courage inhumain ', Loin d'orner ses cheveux, déshonores sa main, Exécrable instrument de sa brutale rage,

Tu devois pour le moins respecter son image;
Ce portrait accompli d'un chef-d'œuvre des cieux,
Imprimé dans mon cœur, exprimé dans mes yeux,
Quoi que te commandât une ame si cruelle2,
Devoit être adoré de ta pointe rebelle.

I VAR.

Bourreau, qui, secondant son courage inhumain,
Au lieu d'orner son poil, déshonores sa main.
2 VAR. Quoi que te commandât son ame courroucée,
Devoit être adoré de ta pointe émoussée.
Vers supprim. Quelque secret instinct te devoit figurer
Que se prendre à mon œil, c'étoit le déchirer.

Et toi, belle, reviens, reviens, cruelle ingrate;
Vois comme encor l'amour en ta faveur me flatte.
Ce poinçon qu'à mon heur j'éprouve si fatal,
Ce n'est qu'à ton sujet que je lui veux du mal:
Vois dans ces vains propos, par où mon cœur se venge,

Moins de blâme pour lui que pour toi de louange.

Tu n'as, dans ta colère, usé que de tes droits;

Et ma vie et ma mort dépendant de tes lois,

Il t'étoit libre encor de m'être plus funeste,
Et c'est de ta pitié que j'en tiens ce qui reste.
Reviens, belle, reviens, que j'offre, tout blessé,
A tes ressentiments, ce que tu m'as laissé.

Lâche et honteux retour de ma flamme insensée!
Il semble que déja ma fureur soit passée.
VAR. Et tous mes sens brouillés d'un désordre nouveau,
Au lieu de ma maîtresse, adorent mon bourreau.

Seule je te permets d'occuper mon courage;

L'amour vient d'expirer, et ses flammes dernières
S'éteignant ont jeté leurs plus vives lumières.

Honteux restes d'amour qui brouillez mon cerveau!
Quoi! puis-je en ma maîtresse adorer mon bourreau?
Remettez-vous, mes sens; rassure-toi, ma rage;
Reviens, mais reviens seule animer mon courage;
Tu n'as plus à débattre avec mes passions
L'empire souverain dessus mes actions;
L'amour vient d'expirer, et ses flammes éteintes
Ne t'imposeront plus leurs infames contraintes.
Dorise ne tient plus dedans mon souvenir
Que ce qu'il faut de place à l'ardeur de punir.
Je n'ai plus rien en moi qui n'en veuille à sa vie.
Sus donc, qui me la rend? Destins, si votre envie,
Si votre haine encor s'obstine à mes tourments,
Jusqu'à me réserver à d'autres châtiments,
Faites que je mérite, en trouvant l'inhumaine,
Par un nouveau forfait, une nouvelle peine;
Et ne me traitez pas avec tant de rigueur

Que mon feu ni mon fer ne touchent point son cœur.
Mais ma fureur se joue, et, demi-languissante,
S'amuse au vain éclat d'une voix impuissante.
Recourons aux effets; cherchons de toutes parts:
Prenons dorénavant pour guides les hasards.
Quiconque ne pourra me montrer la cruelle ',
Que son sang aussitôt me réponde pour elle;

Que ce qu'il faut de place au soin de la punir.
Je n'ai plus de penser qui n'en veuille à sa vie.

Implacable pour moi, s'obstine à mes tourments;
Si vous me réservez à d'autres châtiments.

VAR. Quiconque rencontré n'en saura de nouvelle.

Et, ne suivant ainsi qu'une incertaine erreur, Remplissons tous ces lieux de carnage et d'horreur.

(Une tempête survient.)

Mes menaces déja font trembler tout le monde;
Le vent fuit d'épouvante, et le tonnerre en gronde;
L'œil du ciel s'en retire, et par un voile noir,
N'y pouvant résister, se défend d'en rien voir;
Cent nuages épais se distillants en larmes,
A force de pitié, veulent m'ôter les armes.
La nature étonnée embrasse mon courroux',
Et veut m'offrir Dorise, ou devancer mes coups.
Tout est de mon parti; le ciel même n'envoie
Tant d'éclairs redoublés qu'afin que je la voie.
Quelques lieux où l'effroi porte ses pas errants?,
Ils sont entrecoupés de mille gros torrents.
Que je serois heureux, si cet éclat de foudre,

VAR. L'univers, n'ayant pas de force à m'opposer,
Me vient offrir Dorise, afin de m'apaiser.

2 VAR. Quelque part où la peur porte ses pas errants,

O suprême faveur! ce grand éclat de foudre,
Décoché sur son chef, le vient de mettre en poudre !
Ce fer, s'il est ainsi, me va tomber des mains;
Ce coup aura sauvé le reste des humains.
Satisfait par sa mort, mon esprit se modère,
Et va sur sa charogne achever sa colère.

SCÈNE III.

LE PRINCE.

Que d'heur en ce péril! sans me faire aucun mal,

Et, consommant sur lui toute sa violence,

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