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Que je veux bien moi-même avec vous Y courir.

DORISE.

Traître ! ne me suis point.

PYMANTE.

Prendre seule la fuite!

Vous vous égareriez à marcher sans conduite;
Et d'ailleurs votre habit, où je ne comprends rien,
Peut avoir du mystère aussi bien que le mien.

Quatre heures qu'il lui donne à songer à la mort.
C'est dont je vais porter la nouvelle à mon maître.
CLÉON.

S'il n'est content, au moins il a sujet de l'être ;
Mais dis-moi si ses coups le mettent en danger.

LYSARQUE.

Il ne s'en trouve aucun qui ne soit fort léger.
Un seul du genouil droit offense la jointure,
Dont il faut que le lit facilite la cure;

Le reste ne l'oblige à garder la maison,
Et quelque écharpe au bras en feroit la raison.
Adieu; fais, je te prie, état de mon service,
Et crois qu'il n'est pour toi chose que je ne fisse.
CLÉON.

Et moi pareillement je suis ton serviteur.

(seul.)

Me voilà de sa mort le véritable auteur.

Sur mes premiers soupçons le roi, mis en cervelle,
Devint préoccupé d'une haine mortelle;

Et depuis, sous l'appât d'un mandement caché,
Je l'ai d'entre les bras de son prince arraché.
Que sera-ce de moi, s'il en a connoissance?
Rien ne me garantit qu'une éternelle absence.
Après qu'il l'aura su, me montrer à la cour,
C'est m'offrir librement à la perte du jour.
Faisons mieux toutefois, avant que l'heure passe:
Allons, encore un coup, le trouver à la chasse;
Et, s'il ne peut venir à temps pour le sauver,
Par une prompte fuite il faudra s'esquiver.

L'asile dont tantôt vous faisiez la demande
Montre quelque besoin d'un bras qui vous défende,
Et mon devoir vers vous seroit mal acquitté,
S'il ne vous avoit mise en lieu de sûreté.

Vous pensez m'échapper quand je vous le témoigne ;
Mais vous n'irez pas loin que je ne vous rejoigne.
L'amour que j'ai pour vous, malgré vos dures lois,
Sait trop ce qu'il vous doit, et ce que je me dois.

FIN DU TROISIÈME АСТЕ.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

PYMANTE, DORISE.

DORISE.

Je te le dis encor, tu perds temps à me suivre ;
Souffre que de tes yeux ta pitié me délivre.
Tu redoubles mes maux par de tels entretiens.

PYMANTE.

Prenez à votre tour quelque pitié des miens,
Madame, et tarissez ce déluge de larmes ' :
Pour rappeler un mort, ce sont de foibles armes ;
Et, quoi que vous conseille un inutile ennui,
Vos cris et vos sanglots ne vont point jusqu'à lui.

DORISE.

Si mes sanglots ne vont où mon cœur les envoie,
Du moins par eux mon ame y trouvera la voie :
S'il lui faut un passage afin de s'envoler,

Ils le lui vont ouvrir en le fermant à l'air.

Sus donc, sus, mes sanglots, redoublez vos secousses:
Pour un tel désespoir vous les avez trop douces;

■ VAR. Tarissez désormais ce déluge de larmes.

C'est ici que commence le quatrième acte, dans l'édition de 1632.

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Faites pour m'étouffer de plus puissants efforts.

PYMANTE.

Ne songez plus, madame, à rejoindre les morts';
Pensez plutôt à ceux qui n'ont point d'autre envie
Que d'employer pour vous le reste de leur vie;
Pensez plutôt à ceux dont le service offert
Accepté vous conserve, et refusé vous perd.

DORISE.

Crois-tu donc, assassin, m'acquérir par ton crime?
Qu'innocent méprisé, coupable je t'estime?
A ce compte, tes feux n'ayant pu m'émouvoir,
Ta noire perfidie obtiendroit ce pouvoir 2!
Je chérirois en toi la qualité de traître!
Et mon affection commenceroit à naitre
Lorsque tout l'univers a droit de te haïr!

PYMANTE.

Si j'oubliai l'honneur jusques à le trahir;

Si, pour vous posséder, mon esprit, tout de flamme,
N'a rien cru de honteux, n'a rien trouvé d'infame,
Voyez par-là, voyez l'excès de mon ardeur;
Par cet aveuglement, jugez de sa grandeur.

DORISE.

Non, non, ta lâcheté, que j'y vois trop certaine,
N'a servi qu'à donner des raisons à ma haine.
Ainsi ce que j'avois pour toi d'aversion
Vient maintenant d'ailleurs que d'inclination;
C'est la raison, c'est elle à présent qui me guide

VAR. Belle, ne songez plus à rejoindre les morts;
Pensez plutôt à ceux qui, vivants, n'ont envie.
2 VAR. Ton perfide attentat obtiendroit ce pouvoir.

Au mépris que je fais des flammes d'un perfide.

PYMANTE.

Je ne sache raison qui s'oppose à mes vœux,
Puisqu'ici la raison n'est que ce que je veux,
Et, ployant dessous moi, permet à mon envie
De recueillir les fruits de vous avoir servie.
Il me faut des faveurs malgré vos cruautés '.

DORISE.

Exécrable! ainsi donc tes desirs effrontés
Voudroient sur ma foiblesse user de violence??

PYMANTE.

Je ris de vos refus, et sais trop la licence
Que me donne l'amour en cette occasion.
DORISE, lui crevant l'œil de son aiguille 3.
Traître! ce ne sera qu'à ta confusion.

PYMANTE, portant les mains à son œil crevé.

Ah, cruelle 4!

I VAR. Il me faut un baiser, malgré vos cruautés.
(Il veut user de force.)

2 VAR. Veulent sur ma foiblesse user de violence?

3 VAR.

PYMANTE.

Que sert d'y résister? Je sais trop la licence.

DORISE.

(Elle lui crève un œil du poinçon qui lui étoit demeuré dans les cheveux.)

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