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Et je puis éviter ma perte par la sienne!
Et mêmes on diroit qu'un autre tout exprès
Me garde mon épée au fond de ces forêts:
C'est en ce lieu fatal qu'il me le faut conduire;
C'est là qu'un heureux coup l'empêche de me nuire.
Je ne m'y puis résoudre; un reste de pitié
Violente mon cœur à des traits d'amitié :
En vain je lui résiste, et tâche à me défendre
D'un secret mouvement que je ne puis comprendre ;
Son âge, sa beauté, sa grace, son maintien,
Forcent mes sentiments à lui vouloir du bien;
Et l'air de son visage a quelque mignardise
Qui ne tire pas mal à celle de Dorise.

Ah! que tant de malheurs m'auroient favorisé,
Si c'étoit elle-même en habit déguisé!
J'en meurs déja de joie, et mon ame ravie1
Abandonne le soin du reste de ma vie.

Je ne suis plus à moi, quand je viens à penser
A quoi l'occasion me pourroit dispenser.

Quoi qu'il en soit, voyant tant de ses traits ensemble,
Je porte du respect à ce qui lui ressemble.

Misérable Pymante, ainsi donc tu te perds!
Encor qu'il tienne un peu de celle que tu sers,
Étouffe ce témoin pour assurer ta tête :

S'il est, comme il le dit, battu d'une tempête,
Au lieu qu'en ta cabane il cherche quelque port,
que dans cette grotte il rencontre sa mort.

Fais

VAR. J'en páme déja d'aise, et mon ame ravie.

2 VAR. Fais qu'en eette caverne il rencontre sa mort.
Modère-toi, Pymante; et plutôt examine.

Modère-toi, cruel; et plutôt examine

Sa parole, son teint, et sa taille, et sa mine: Si c'est Dorise, alors révoque cet arrêt; Sinon, que la pitié cède à ton intérêt.

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L'admirable rencontre à mon ame ravie,

De voir que deux amants s'entre-doivent la vie;
De voir que ton péril la tire de danger;
Que le sien te fournit de quoi t'en dégager;

Qu'à deux desseins divers la même heure choisie1
Assemble en même lieu pareille jalousie,

Et que

l'heureux malheur qui vous a menacés Avec tant de justesse a ses temps compassés!

ROSIDOR.

Sire, ajoutez du ciel l'occulte providence :
Sur deux amants il verse une même influence;
Et comme l'un par l'autre il a su nous sauver,
Il semble l'un pour
l'autre exprès nous conserver.

ALCANDRE.

Je t'entends, Rosidor; par-là tu me veux dire
Qu'il faut qu'avec le ciel ma volonté conspire,
Et ne s'oppose pas à ses justes décrets,

VAR. Qu'en deux desseins divers pareille jalousie

Même lieu contre vous et même heure a choisie.

Qu'il vient de témoigner par tant d'avis secrets. Eh bien! je veux moi-même en parler à la reine; Elle se fléchira, ne t'en mets pas en peine. Achève seulement de me rendre raison

De ce qui t'arriva depuis sa pâmoison.

ROSIDOR.

Sire, un mot désormais suffit pour ce qui reste.
Lysarque et vos archers depuis ce lieu funeste
Se laissèrent conduire aux traces de mon sang,
Qui, durant le chemin, me dégouttoit du flanc;
Et, me trouvant enfin dessous un toit rustique,
Ranimé par les soins de son amour pudique',
Leurs bras officieux m'ont ici rapporté,
Pour en faire ma plainte à Votre Majesté.
Non pas que je soupire après une vengeance,
Qui ne peut me donner qu'une fausse allégeance :
Le prince aime Clitandre, et mon respect consent
Que son affection le déclare innocent;

Mais si quelque pitié d'une telle infortune
Peut souffrir aujourd'hui que je vous importune2,
Otant par un hymen l'espoir à mes rivaux,
Sire, vous taririez la source de nos maux.

VAR. Admirèrent l'effet d'une amitié pudique.

Vers supprimés:

Me voyant appliquer par ce jeune soleil

D'un

peu d'huile et de vin le premier appareil. Enfin, quand, pour bander ma dernière blessure, La belle eut prodigué jusques à sa coiffure.

2 VAR. Vous touche et peut souffrir que je vous importune.

ALCANDRE.

Tu fuis à te venger; l'objet de ta maîtresse
Fait qu'un tel desir cède à l'amour qui te presse;
Aussi n'est-ce qu'à moi de punir ces forfaits,
Et de montrer à tous, par de puissants effets,
Qu'attaquer Rosidor c'est se prendre à moi-même;
Tant je veux que chacun respecte ce que j'aime!
Je le ferai bien voir. Quand ce perfide tour
Auroit eu pour objet le moindre de ma cour,
Je devrois au public, par un honteux supplice,
De telles trahisons l'exemplaire justice.

Mais Rosidor surpris, et blessé comme il l'est,
Au devoir d'un vrai roi joint mon propre intérêt'.
Je lui ferai sentir, à ce traître Clitandre,

Quelque part que le prince y puisse ou veuille prendre,
Combien mal-à-propos sa folle vanité

Croyoit dans sa faveur trouver l'impunité.

Je tiens cet assassin; un soupçon véritable,

Que m'ont donné les corps d'un couple détestable,
De son lâche attentat m'avoit si bien instruit,

Que déja dans les fers il en reçoit le fruit.

(à Caliste.)

Toi, qu'avec Rosidor le bonheur a sauvée,
VAR. A mon devoir de roi joint mon propre intérêt.

Quelque part que mon fils y puisse ou veuille prendre,
Combien mal-à-propos sa sotte vanité

Je le tiens l'affronteur; un soupçon véritable

M'avoit si bien instruit de son perfide tour,
Qu'il s'est vu mis aux fers sitôt que de retour.

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