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Contre tant d'assassins qui t'a prêté des armes?

ROSIDOR.

Toi-même, qui t'a mise à telle heure en ces lieux, Où je te vois mourir et revivre à mes yeux?

CALISTE.

Quand l'amour une fois régne sur un courage...
Mais tâchons de gagner jusqu'au premier village,
Où ces bouillons de sang se puissent arrêter;
Là, j'aurai tout loisir de te le raconter,

Aux charges qu'à mon tour aussi l'on m'entretienne.

ROSIDOR.

Allons; ma volonté n'a de loi que la tienne;
Et l'amour, par tes yeux devenu tout-puissant,
Rend déja la vigueur à mon corps languissant.

CALISTE.

Il donne en même temps une aide à ta foiblesse',
Puisqu'il fait que la mienne auprès de toi me laisse,
Et qu'en dépit du sort ta Caliste aujourd'hui
A tes pas chancelants pourra servir d'appui.

1 VAR. Il forme tout d'un temps une aide à ta foiblesse,

Si bien que, la bravant, ta maîtresse aujourd'hui
N'aura que trop de force à te servir d'appui.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

PYMANTE, masqué.

Destins, qui réglez tout au gré de vos caprices,
Sur moi donc tout-à-coup fondent vos injustices',
Et trouvent à leurs traits si long-temps retenus,
Afin de mieux frapper, des chemins inconnus!
Dites, que vous ont fait Rosidor ou Pymante?
Fournissez de raison, destins, qui me démente;
Dites ce qu'ils ont fait qui vous puisse émouvoir
A partager si mal entre eux votre pouvoir.
Lui rendre contre moi l'impossible possible,
Pour rompre le succès d'un dessein infaillible 3,

I VAR. C'est donc moi sans raison qu'attaquent vos malices,

Pour mieux frapper leur coup, des chemins inconnus ! 2 VAR. Dites ce qu'ils ont fait qui vous peut émouvoir.

3 VAR. C'est le favoriser par miracle visible,

Tandis que votre haine a pour mo tant d'excès,
Qu'un dessein infaillible avorte sans succès.

Vers supprimés:

Sans succès! c'est trop peu; vous avez voulu faire
Qu'un dessein infaillible eût un succès contraire.
Dieux! vous présidez donc à leur ordre fatal!
Et vous leur permettez ce mouvement brutal!
Je ne veux plus vous rendre aucune obéissance :

C'est prêter un miracle à son bras sans secours,
Pour conserver son sang au péril de mes jours.
Trois ont fondu sur lui sans le jeter en fuite.
A peine en m'y jetant moi-même je l'évite.
Loin de laisser la vie, il a su l'arracher;

Loin de céder au nombre, il l'a su retrancher:
Toute votre faveur, à son aide occupée,
Trouve à le mieux armer en rompant son épée,
Et ressaisit ses mains par celles du hasard,
L'une d'une autre épée, et l'autre d'un poignard.
O honte! ô déplaisirs! ô désespoir! ô rage'!
Ainsi donc un rival pris à mon avantage
Ne tombe dans mes rets que pour les déchirer!
Son bonheur qui me brave ose l'en retirer 2,
Lui donne sur mes gens une prompte victoire,
Et fait de son péril un sujet de sa gloire!
Retournons animés d'un courage plus fort,
Retournons, et du moins perdons-nous dans sa mort!
Sortez de vos cachots, infernales furies;

Apportez à m'aider toutes vos barbaries;

Si vous avez là-haut quelque toute-puissance,
Je suis seul contre qui vous vouliez l'exercer;
Vous ne vous en servez que pour me traverser.
Je peux en sûreté désormais vous déplaire;
Comment me puniroit votre vaine colère?
Vous m'avez fait sentir tant de malheurs divers,
Que le sort épuisé n'a plus aucun revers.

VAR. Rosidor nous a vus, et n'a pas pris la fuite;
A grand'peine, en fuyant, moi-même je l'évite.
VAR. O honte! ó crève-cœur! ô désespoir! ô rage!

2 VAR. Son bonheur qui me brave et l'en vient retirer.

Qu'avec vous tout l'enfer m'aide en ce noir dessein'
Qu'un sanglant désespoir me verse dans le sein.
J'avois de point en point l'entreprise tramée
Comme dans mon esprit vous me l'aviez formée;
Mais contre Rosidor tout le pouvoir humain
N'a
que
de la foiblesse; il y faut votre main.
En vain, cruelles sœurs, ma fureur vous appelle,
En vain vous armeriez l'enfer pour ma querelle 2,
La terre vous refuse un passage à sortir.
Ouvre du moins ton sein, terre, pour m'engloutir;
N'attends pas que Mercure avec son caducée
M'en fasse après ma mort l'ouverture forcée;
N'attends pas qu'un supplice, hélas! trop mérité,
Ajoute l'infamie à tant de lâcheté;

Préviens-en la rigueur; rends toi-même justice
Aux projets avortés d'un si noir artifice.

Mes cris s'en vont en l'air, et s'y perdent sans fruit.
Dedans mon désespoir, tout me fuit ou me nuit.
La terre n'entend point la douleur qui me presse;
Le ciel me persécute, et l'enfer me délaisse.
Affronte-les, Pymante, et sauve en dépit d'eux3

VAR Qu'avec vous tout l'enfer m'assiste en ce dessein.

1 VAR. La terre vous défend d'embrasser ma querelle,
Et son flanc vous refuse un passage à sortir.
Terre, crève-toi donc, afin de m'engloutir;

Me fasse de ton sein l'ouverture forcée;
N'attends pas qu'un supplice, avec ses cruautés,

Détourne de mon chef ce comble de misère;
Rends-moi, le prévenant, un office de mère.

3 VAR. Affronte-les, Pymante, et, malgré leurs complots,

Ta vie et ton honneur d'un pas si dangereux.

Si quelque espoir te reste, il n'est plus qu'en toi-même;
Et, si tu veux t'aider, ton mal n'est pas extrême'.
Passe pour villageois dans un lieu si fatal;

Et, réservant ailleurs la mort de ton rival,
Fais que d'un même habit la trompeuse apparence
Qui le mit en péril te mette en assurance.

Mais ce masque l'empêche, et me vient reprocher
Un crime qu'il découvre au lieu de me cacher.
Ce damnable instrument de mon traître artifice,
Après mon coup manqué, n'en est plus que l'indice;
Et ce fer qui tantôt, inutile en ma main 2
Que ma fureur jalouse avoit armée en vain,
Sut si mal attaquer et plus mal me défendre,
N'est propre désormais qu'à me faire surprendre.

(I jette son masque et son épée dans la grotte.)
Allez, témoins honteux de mes lâches forfaits,
N'en produisez non plus de soupçons que
Ainsi, n'ayant plus rien qui démente ma feinte 3,

Conserve ton vaisseau dans la rage des flots.

Accablé de malbeurs, et réduit à l'extrême,

d'effets.

Si quelque espoir te reste, il n'est plus qu'en toi-même.
Passe pour villageois dedans ce lieu fatal.

VAR. Mais, si tu veux t'aider, ton mal n'est pas extrême.

2 VAR. Et ce fer qui tantôt, inutile en mon poing,
Ainsi que ma valeur, me faillant au besoin.

3 Vers supprimés:

Cessez de m'accuser; vous doit-il pas suffire

De m'avoir mal servi? C'est trop que de me nuire.

Allez, retirez-vous dans ces obscurités :

Ainsi, je pourrai voir le jour que vous quittez.

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