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De plus m'offrir une aide à mériter Caliste.

LYSARQUE est seul.

Vous obéir ici me coûteroit trop cher,
Et je serois honteux qu'on me pût reprocher
D'avoir su le sujet d'une telle sortie,

Sans trouver les moyens d'être de la partie.

SCÈNE III.

CALISTE.

Qu'il s'en est bien défait! qu'avec dextérité

Le fourbe se prévaut de son autorité!

Qu'il trouve un beau prétexte en ses flammes éteintes!

Et

que

mon nom lui sert à colorer ses feintes!

Il y va cependant, le perfide qu'il est.
Hippolyte le charme, Hippolyte lui plaît;
Et ses lâches desirs l'emportent où l'appelle'
Le cartel amoureux de sa flamme nouvelle.

SCÈNE IV.

CALISTE, DORISE.

CALISTE.

1

Je n'en puis plus douter, mon feu désabusé
Ne tient plus le parti de ce cœur déguisé.
Allons, ma chère sœur, allons à la vengeance;
Allons de ses douceurs tirer quelque allégeance;

1 VAR. Et ses traîtres desirs l'emportent où l'appelle

Le cartel amoureux d'une beauté nouvelle.

Allons; et, sans te mettre en peine de m'aider,
Ne prends aucun souci que de me regarder :
Pour en venir à bout, il suffit de ma rage;
D'elle j'aurai la force ainsi que le courage;
Et déja, dépouillant tout naturel humain,
Je laisse à ses transports à gouverner ma main.
Vois-tu comme, suivant de si furieux guides,
Elle cherche déja les yeux de ces perfides,
Et comme de fureur tous mes sens animés
Menacent les appas qui les avoient charmés?

DORISE.

Modère ces bouillons d'une ame colérée',

Ils sont trop violents pour être de durée;
Pour faire quelque mal, c'est frapper de trop loin;
Réserve ton courroux tout entier au besoin;
Sa plus forte chaleur se dissipe en paroles;
Ses résolutions en deviennent plus molles:
En lui donnant de l'air, son ardeur s'alentit.

CALISTE.

Ce n'est que faute d'air que le feu s'amortit".
Allons, et tu verras qu'ainsi le mien s'allume,
Que ma douleur aigrie en a plus d'amertume,
Et qu'ainsi mon esprit ne fait que s'exciter
A ce que ma colère a droit d'exécuter.

Ce mot n'est plus en usage. On le remplace par colère, qui s'emploie comme substantif et comme adjectif.

* VAR. Mais c'est à faute d'air que le feu s'amortit,

Que par-là ma douleur accroît son amertume.

Aux desseins enragés qu'il veut exécuter.

DORISE, seule.

Si ma ruse est enfin de son effet suivie,

Cette aveugle chaleur te va coûter la vie ';
Un fer caché me donne en ces lieux écartés

La vengeance des maux que me font tes beautés.
Tu m'ôtes Rosidor, tu possédes son ame,

Il n'a d'yeux que pour toi, que mépris pour ma flamme:
Mais, puisque tous mes soins ne le peuvent gagner,
J'en punirai l'objet qui m'en fait dédaigner.

SCÈNE V.

PYMANTE, GÉRONTE, sortant d'une grotte, déguisés en paysans 2.

GÉRONTE.

En ce déguisement on ne peut nous connoître,
Et sans doute bientôt le jour qui vient de naître
Conduira Rosidor, séduit d'un faux cartel 3,
Aux lieux où cette main lui garde un coup mortel.

VAR. Ces desseins enragés te vont coûter la vie :

Un fer caché me donne en ces lieux sans secours
La fin de mes malheurs dans celle de tes jours;
Et lors, ce Rosidor qui possède mon ame,
Cet ingrat qui t'adore et néglige ma flamme,

Que mes affections n'ont encor su gagner,
Toi morte, n'aura plus pour qui me dédaigner.

* VAR. PYMANTE, GÉRONTE, écuyer de Clitandre; LYCASTE,
page de Clitandre.

(Pymante et Géronte sortent d'une caverne seuls et déguisés en paysans.)

3 VAR. Améne Rosidor, séduit d'un faux cartel.

Vos vœux, si mal reçus de l'ingrate Dorise,
Qui l'idolatre autant comme elle vous méprise',
Ne rencontreront plus aucun empêchement.
Mais je m'étonne fort de son aveuglement,
Et je ne comprends point cet orgueilleux caprice
Qui fait qu'elle vous traite avec tant d'injustice.
Vos rares qualités....

PYMANTE.

Au lieu de me flatter,

Voyons si le projet ne sauroit avorter,

Si la supercherie....

GÉRONTE.

Elle est si bien tissue,

Qu'il faut manquer de sens pour douter de l'issue. Clitandre aime Caliste, et, comme son rival,

Il a trop de sujet de lui vouloir du mal.

Moi

que depuis dix ans il tient à son service, D'écrire comme lui j'ai trouvé l'artifice3;

VAR. Qui le caresse autant comme elle vous méprise.
2 VAR. Et ne puis deviner quelle raison l'oblige
A dédaigner vos feux pour un qui la néglige.
Vous qui valez....

PYMANTE.

Géronte, au lieu de me flatter,

Parlons du principal. Ne peut-il éventer

Notre supercherie?

3 VAR. J'ai contrefait son seing; et par cet artifice,
Ce faux cartel, encor que de ma main écrit,
Est présumé de lui.

PYMANTE.

Que ton subtil esprit

Sur tous ceux des mortels a de grands avantages!
Mais qui fut le porteur?

Si bien que ce cartel, quoique tout de ma main,
A son dépit jaloux s'imputera soudain.

PYMANTE.

Que ton subtil esprit a de grands avantages!
Mais le nom du porteur?

GÉRONTE.

Lycaste, un de ses pages.

PYMANTE.

Celui qui fait le guet auprès du rendez-vous?

GÉRONTE.

Lui-même; et le voici qui s'avance vers nous :
A force de courir il s'est mis hors d'haleine.

SCÈNE VI.

PYMANTE, GÉRONTE, LYCASTE, aussi déguisé en paysan.

Eh bien, est-il venu?

PYMANTE.

LYCASTE.

N'en soyez plus en peine;

Il est où vous savez, et, tout bouffi d'orgueil,
Il n'y pense à rien moins qu'à son proche cercueil'.

PYMANTE.

Ne perdons point de temps. Nos masques, nos épées. (Lycaste les va querir dans la grotte d'où ils sont sortis 2.)

▲ VAR. Ne s'attend à rien moins qu'à son proche cercueil.

PYMANTE.

N'usons plus de discours. Nos masques, nos épées....

VAR. (Lycaste les va querir dans la caverne, où tous trois s'étoient déja déguisés.)

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