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Dorise m'en å dit le secret rendez-vous

Où leur naissante ardeur se cache

aux yeux

de tous;

Et pour les y surprendre elle m'y doit conduire,
Sitôt que le soleil commencera de luire.

que

Mais qu'elle est paresseuse à me venir treuver1!
La dormeuse m'oublie, et ne se peut lever.
Toutefois, sans raison j'accuse sa paresse:
La nuit, qui dure encor, fait rien ne la presse:
Ma jalouse fureur, mon dépit, mon amour,
Ont troublé mon repos avant le point du jour;
Mais elle qui n'en fait aucune expérience,
Étant sans intérêt, est sans impatience.

Toi qui fais ma douleur, et qui fis mon souci,
Ne tarde plus, volage, à te montrer ici;
Viens en hâte affermir ton indigne victoire;
Viens t'assurer l'éclat de cette infame gloire;
Viens signaler ton nom par ton manque de foi.
Le jour s'en va paroître; affronteur, hâte-toi.
Mais, hélas! cher ingrat, adorable parjure,
Ma timide voix tremble à te dire une injure;
Si j'écoute l'amour, il devient si puissant,
Qu'en dépit de Dorise il te fait innocent:
Je ne sais lequel croire, et j'aime tant ce doute,

Nous avons déja remarqué que le mot trouver s'écrivoit et se prononçoit encore ainsi vers la fin du dix-septième siècle.

2 VAR. Toi que l'œil qui te blesse attend pour te guérir,
Éveille-toi, brigand, hâte-toi d'acquérir

Sur l'honneur d'Hippolyte une infame victoire,
Et de m'avoir trompée une honteuse gloire;

Hâte-toi, déloyal, de me fansser ta foi.

Que j'ai peur d'en sortir entrant dans cette route
Je crains ce que je cherche, et je ne connois pas
De plus grand heur pour moi que d'y perdre mes pas.
Ah, mes yeux! si jamais vos fonctions propices'
A mon cœur amoureux firent de bons services,
Apprenez aujourd'hui quel est votre devoir;
Le moyen de me plaire est de me décevoir;
Si vous ne m'abusez, si vous n'êtes faussaires,
Vous êtes de mon heur les cruels adversaires 2.
Et toi, soleil, qui vas, en ramenant le jour3,
Dissiper une erreur si chère à mon amour,
Puisqu'il faut qu'avec toi ce que je crains éclate,
Souffre qu'encore un peu l'ignorance me flatte.
Mais je te parle en vain, et l'aube, de ses rais3,

VAR. Ah, mes yeux! si jamais vos naturels offices.

2 Vers supprimés:

Un infidéle encor régnant sur mon penser,
Votre fidélité ne peut que m'offenser.

Apprenez, apprenez par le traître que j'aime,

Qu'il vous faut me trahir pour être aimé de même.

3 VAR. Et toi, père du jour, dont le flambeau naissant
Va chasser mon erreur avecque le croissant.

4 Vers supprimés:

S'il est vrai que Thétis te reçoit dans sa couche,
Prends, Soleil, prends encor deux baisers sur sa bouche;
Ton retour me va perdre et retrancher ton bien.
Prolonge, en l'arrêtant, mon bonheur et le tien.

5 VAR. Las! il ne m'entend point, et l'aube, de ses rais,

Si je me puis fier à sa lumière sombre,
Dont l'éclat impuissant dispute avecque l'ombre.

A déja reblanchi le haut de ces forêts.

Si je puis me fier à sa lumière sombre,

Dont l'éclat brille à peine et dispute avec l'ombre,
J'entrevois le sujet de mon jaloux ennui,

Et quelqu'un de ses gens qui conteste avec lui.
Rentre, pauvre abusée, et cache-toi de sorte '
Que tu puisses l'entendre à travers cette porte.

SCÈNE II.

ROSIDOR, LYSARQUE.

ROSIDOR.

Ce devoir, ou plutôt cette importunité,
Au lieu de m'assurer de ta fidélité,
Marque trop clairement ton peu d'obéissance 2.
Laisse-moi seul, Lysarque, une heure en ma puissance;
Que, retiré du monde et du bruit de la cour,
Je puisse dans ces bois consulter mon amour 3;
Que là Caliste seule occupe mes pensées,
Et, par le souvenir de ses faveurs passées,
Assure mon espoir de celles que j'attends;
Qu'un entretien rêveur durant ce peu de temps
M'instruise des moyens de plaire à cette belle,
Allume dans mon cœur de nouveaux feux pour
Enfin, sans persister dans l'obstination,
Laisse-moi suivre ici mon inclination.

I VAR. Rentre, pauvre Caliste, et te cache de sorte.

2 VAR. Me prouve évidemment ta désobéissance.
3 VAR. Je puisse dans le bois consulter mon amour.

elle:

LYSARQUE.

Cette inclination, qui jusqu'ici vous mėne',
A me la déguiser vous donne trop de peine.
Il ne faut point, monsieur, beaucoup l'examiner:
L'heure et le lieu suspects font assez deviner

Qu'en même temps que vous s'échappe quelque dame.... Vous m'entendez assez.

ROSIDOR.

Juge mieux de ma flamme,

Et ne présume point que je manque de foi 2
A celle que j'adore, et qui brûle pour moi.
J'aime mieux contenter ton humeur curieuse,
Qui par ces faux soupçons m'est trop injurieuse.

Tant s'en faut que le change ait pour moi des appas,
Tant s'en faut qu'en ces bois il attire mes pas,
J'y vais.... Mais pourrois-tu le savoir et le taire?

LYSARQUE.

Qu'ai-je fait qui vous porte à craindre le contraire 3?

VAR. Cette inclination secrète qui vous mène.

2 VAR. On ne verra jamais que je manque de foi
A celle que j'adore, et qui n'aime que moi.

Vers supprimés:

VAR.

LYSARQUE.

Bien que vous en ayez une entière assurance,
Vous pouvez vous lasser de vivre d'espérance,
Et, tandis que l'attente amuse vos desirs,
Prendre ailleurs quelquefois de solides plaisirs.

ROSIDOR.

Purge, purge d'erreur ton ame curieuse,

Qui par ces faux soupçons m'est trop injurieuse.

3 VAR. Monsieur, pour en douter, que vous ai-je pu faire?

ROSIDOR.

Tu vas apprendre tout; mais aussi, l'ayant su,
Avise à ta retraite. Hier, un cartel reçu

De la part d'un rival....

LYSARQUE.

Vous le nommez?

ROSIDOR.

Clitandre.

Au pied du grand rocher il me doit seul attendre'; Et là, l'épée au poing, nous verrons qui des deux Mérite d'embraser Caliste de ses feux.

LYSARQUE.

De sorte qu'un second....

ROSIDOR.

Sans me faire une offense,

Ne peut se présenter à prendre ma défense:
Nous devons seul à seul vider notre débat.

LYSARQUE.

Ne pensez pas sans moi terminer ce combat:
L'écuyer de Clitandre est homme de courage;
Il sera trop heureux que mon défi l'engage
A s'acquitter vers lui d'un semblable devoir,
Et je vais de ce pas y faire mon pouvoir.

ROSIDOR.

Ta volonté suffit; va-t'en donc, et désiste

I VAR.

LYSARQUE.

Et ce cartel contient?

ROSIDOR.

Que seul il doit m'attendre

Près du chêne sacré, pour voir qui de nous deux.

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