Ont fléchi la rigueur d'une mère obstinée, Que, sans vouloir m'entendre, et sans me dire adieu, Jaloux et furieux tu partis de ce lieu. TIRCIS. J'en rougis; mais apprends qu'il n'étoit pas possible D'aimer comme j'aimois, et d'être moins sensible; Qu'un juste déplaisir ne sauroit écouter La raison qui s'efforce à le violenter; Et qu'après des transports de telle promptitude, Tout cela seroit peu, n'étoit que ma bonté 2 Et que, tout criminel, tu m'es encore aimable. VAR. Lui faisant consentir notre heureux hyménée; Nous trouve toutes deux à sa dévotion. Furieux, enragé, tu partis de ce lieu. TIRCIS. Mon cœur, j'en suis honteux; mais songe que possible, La voix de la raison qui vient pour le dompter. VAR. Foible excuse pourtant, n'étoit que ma bonté. TIRCIS. Je me tiens donc heureux d'avoir été coupable, SCÈNE V. CLORIS, TIRCIS, MÉLITE. CLORIS. Il vous fait fort bon voir, mon frère, à cajoler, Cependant qu'une sœur ne se peut consoler, Et que le triste ennui d'une attente incertaine Touchant votre retour la tient encore en peine. TIRCIS. L'amour a fait au sang un peu de trahison, Mais Philandre pour moi t'en aura fait raison 2. I VAR. MÉLITE. Mais apprends-moi l'auteur de cette perfidie. TIRCIS. Je ne sais quelle main put être assez hardie. 2 VAR. Mais deux ou trois baisers t'en feront la raison. Que ce soit toutefois, mon cœur, sans te déplaire. CLORIS. Les baisers d'une sœur satisfont mal un frère. TIRCIS. De la part de ma sœur reçois donc ce renvoi. MÉLITE. Recevoir le refus d'une autre! à Dieu ne plaise! TIRCIS. Refus d'une autre, ou non, il faut que je te baise, Dis-nous, auprès de lui retrouves-tu ton compte? CLORIS. L'infidéle m'a fait tant de nouveaux serments, Du moins, tous ses discours n'ont encor rien gagné'. MÉLITE. Si bien qu'à n'aimer plus votre dépit s'obstine. Non pas CLORIS. cela du tout; mais je suis assez fine: Et que dessus ta bouche un prompt redoublement Me venge des longueurs de ce retardement. CLORIS. A force de baiser, vous m'en feriez envie. TIRCIS. Si notre exemple à baiser te convie, CLORIS. A propos, je venois pour vous en faire un conte. VAR. Au moins, tous ses discours n'ont encor rien gagné. Pour la première fois, il me dupe qui veut; Mais, pour une seconde, il m'attrape qui peut. MÉLITE. C'est-à-dire, en un mot'.... CLORIS. Que son humeur volage Ne me tient pas deux fois en un même passage. MÉLITE. de ma part, Mais le peu qu'il voulut me rendre de service CLORIS. Après un tel faux-bond, un change si soudain, MÉLITE. Ma sœur, ce fut pour moi qu'il osa s'en dédire. CLORIS. Et pour l'amour de vous je n'en ferai que rire. MÉLITE. Et pour l'amour de moi vous lui pardonnerez. VAR. Qu'inférez-vous par-là? 2 VAR. Paravant que l'hymen, d'un joug inséparable Qu'il cherche femme ailleurs, et pour moi, de ma part. 3 VAR. Ne lui doit pas porter un si grand préjudice. CLORIS. Et pour l'amour de moi vous m'en dispenserez.. MÉLITE. Que vous êtes mauvaise! CLORIS. Un peu plus qu'il ne semble. MÉLITE. Je vous veux toutefois remettre bien ensemble'. CLORIS. Ne l'entreprenez pas; peut-être qu'après tout De SCÈNE VI. TIRCIS, LA NOURRICE, ÉRASTE, TIRCIS. grace, mon souci, laissons cette causeuse : Qu'elle soit, à son choix, facile ou rigoureuse, L'excès de mon ardeur ne sauroit consentir Que ces frivoles soins te viennent divertir. VAR. Si vous veux-je pourtant remettre bien ensemble. 2 SCÈNE VI. (La nourrice paroît à l'autre bout du théâtre avec Éraste, l'épée nue à la main, et ayant parlé à lui quelque temps à l'oreille, elle le laisse à quartier, et s'avance vers Tircis,) |