La peur saisit si bien les ombres et leur roi, Tisiphone tremblante, Alecton, et Mégère, Eût de ma trahison devancé le succès! Dieux, que vous savez mal gouverner votre foudre! N'étoit-ce pas assez pour me réduire en poudre Que le simple dessein d'un si lâche forfait ? VAR. De leurs flambeaux puants ont éteint la lumière, De crainte que leurs yeux fissent quelque faux jour Cloton même et ses sœurs, à l'aspect de ma lame, D'où vient qu'après Éraste il n'a passé personne. Injustes! deviez-vous en attendre l'effet? Ah, Mélite! ah, Tircis ! leur cruelle justice Sans le triste secours de ce dur souvenir 2. Tout ce qu'ont les enfers de feux, de fouets, de chaînes, Ne sont auprès de lui que de légères peines; On reçoit d'Alecton un plus doux traitement. Souvenir rigoureux! trève, tréve un moment3; Qu'au moins, avant ma mort, dans ces demeures sombres Use après, si tu veux, de toute ta rigueur; (Il met la main sur son épée.) Voici qui t'aidera: mais derechef, de grace, VAR. Aux dépens de vos jours aggrave mon supplice. › Vers supprimés: Souvenir rigoureux, de qui l'âpre torture Devient plus violente, et croît plus on l'endure; Implacable bourreau, tu vas seul étouffer Celui dont le courage a dompté tout l'enfer. Qu'il m'eût bien mieux valu céder à ses furies! Qu'il m'eût bien mieux valu souffrir ses barbaries, Et de gré me soumettre, en acceptant sa loi, A tout ce que sa rage eût ordonné de moi! VAR. Tout ce qu'il a de fers, de feux, de fouets, de chaînes, 3 VAR. De grace, un peu de trève, un moment, un moment. C'est Éraste, c'est lui, qui n'a plus d'autre envie LA NOURRICE. Pourquoi permettez-vous que cette frénésie ÉRASTE. Aussi ne la tient-il que de votre beauté; LA NOURRICE. Ce n'est que de mes yeux! Dessillez la paupière, Et d'un sens plus rassis jugez de leur éclat. ÉRASTE. Ils ont, de vérité, je ne sais quoi de plat; LA NOURRICE. Cliton la vit pâmer, et se brouilla de sorte, VAR. Nourrice, et qui t'amène en ces lieux pleins d'effroi? Au reste, elle est vivante; et peut-être aujourd'hui ÉRASTE. Désormais donc en vain je les cherche ici-bas; LA NOURRICE. Votre douleur vous trouble, et forme des nuages Je ne m'abuse point de fausses visions; Mes propres yeux ont vu tous ces monstres en fuite, Et Pluton, de frayeur, en quitter la conduite. LA NOURRICE. Peut-être que chacun s'enfuyoit devant vous, Ont-ils quelque rapport à celui de Pluton? ÉRASTE. De vrai, ce que tu dis a beaucoup d'apparence 2. VAR. Cet enfer, ces combats, ne sont qu'illusion. ÉRASTE. Je ne m'abuse point, j'ai vu sans fiction Ces monstres terrassés se sauver à la suite. > Vers supprimés: Depuis ce que j'ai su de Mélite et Tircis, Nourrice, prends pitié d'un esprit égaré LA NOURRICE. Différez, pour le mieux, un peu cette visite, maître absolu de votre jugement, Tant que, Vous soyez en état de faire un compliment. Votre teint et vos yeux n'ont rien d'un homme sage; Donnez-vous le loisir de changer de visage; Un moment de repos que vous prendrez chez vous'.. ÉRASTE. Ne peut, si tu n'y viens, rendre mon sort plus doux; Et ma foible raison, de guide dépourvue, Va de nouveau se perdre en te perdant de vue. LA NOURRICE. Si je vous suis utile, allons; je ne veux pas Je sens que tout-à-coup mes regrets adoucis Qui s'est d'avecque moi si long-temps séparé. 1 VAR. Nous pourvoirons après au reste en sa saison. ÉRASTE. Viens donc m'accompagner jusques en ma maison; Ma raison, aussitôt de guide dépourvue, M'échapperoit encor. LA NOURRICE. Allons, je ne veux pas. |