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dés qu'elle veut l'employer, est forcé d'obéir; elle agit donc en tout sens, elle travaille en avant, en arrière, en bas, en haut, à droite, à gauche, de tous côtés à la fois, et par conséquent elle embrasse non-seulement la surface, mais le volume, la masse et le solide entier dans toutes ses parties.

DESCRIPTION DE L'ARABIE.

QU'ON ce figure un pays sans verdure et sans

eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l'œil s'étend et le regard se perd sans pouvoir s'arrêter sur aucun objet vivant; une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert où le voyageur n'a jamais respiré sous l'ombrage, où rien ne l'accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante. Solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme qui se voit seul plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ses lieux vuides et sans bornes, il voit partout l'espace comme son tombeau : la lumière du jour, plus triste que l'ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l'horreur de sa situation, en

reculant à ses yeux les barrières du vuide, en étendant autour de lui l'abîme de l'immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu'il tenteroit en vain de parcourir; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort.

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CEPENDANT l'Arabe, à l'aide du chameau, a su franchir et même s'approprier ces lacunes de la nature; elles lui servent d'asile, elles assurent son repos et le maintiennent dans son indépendance. Mais de quoi les hommes savent-ils user sans abus? Ce même Arabe libre, indépendant, tranquille, et même riche, au lieu de respecter ses déserts comme les remparts de sa liberté, les souille par le crime; il les traverse pour aller chez des nations voisines enlever des esclaves et de l'or; il

s'en sert pour exercer son brigandage, dont malbeureusement il jouit plus encore que de sa liberté; car ses entreprises sont presque toujours heureuses : malgré la défiance de ses voisins et la supériorité de leurs forces, il échappé à leur poursuite, et emporte impunément tout ce qu'il leur a ravi. Un Arabe qui se destine à ce métier de pirate de terre s'endurcit de bonne heure à la fatigue des voyages; il s'essaie à se passer du sommeil, à souffrir la faim, la soif et la chaleur; en même temps il instruit ses chameaux, il les élève et les exerce dans cette même vue; peu de jours après leur naissance, il leur plie les jambes sous le ventre, il les contraint à demeurer à terre, et les charge, dans cette situation, d'un poids assez fort, qu'il les accoutume à porter, et qu'il ne leur ôte que pour leur en donner un plus fort. Au lieu de les laisser paître à toute heure et boire à leur soif, il commence par régler leurs repas, eť peu à peu les éloigne à de grandes distances, en diminuant aussi la quantité de la nourriture; lorsqu'ils sont un peu forts, il les exerce à la course, il les excite par l'exemple des chevaux, et parvient à les rendre aussi légers et plus robustes; enfin, dès qu'il est sûr de la force, de la légèreté et de la sobriété de ses chameaux, il les charge de ce qui est nécessaire à sa subsistance et à la leur; il part avec eux, arrive sans être attendu aux confins du désert, arrête les premiers passants, pille les habitations écartées, charge ses chameaux de son butin: et s'il est poursuivi,

s'il est forcé de précipiter sa retraite, c'est alors qu'il développe tous ses talents et les leurs; monté sur l'un des plus légers, il conduit la troupe, la fait marcher jour et nuit, presque sans s'arrêter, ni boire ni manger; il fait aisément trois cents lieues en huit jours, et pendant tout ce temps de fatigue et de mouvement il laisse ses chameaux chargés, il ne leur donne chaque jour qu'une heure de repos et une pelote de pâte; souvent ils courent ainsi neuf ou dix jours sans trouver de l'eau, ils se passent de boire; et lorsque par hasard il se trouve une mare à quelque distance de leur route, ils sentent l'eau de plus d'une demi-lieue; la soif qui les presse leur fait doubler le pas, et ils boivent en une seule fois pour tout le temps passé et pour autant de temps à venir; car souvent leurs voyages sont de plusieurs semaines, et leurs temps d'abstinence durent aussi long-temps que leurs voyages.

EMPIRE DE L'HOMME SUR LES ANIMAUX, L'EMPIRE de l'homme sur les animaux est un empire légitime qu'aucune révolution ne peut détruire, c'est l'empire de l'esprit sur la matière; c'est non-seulement un droit de nature, un pouvoir fondé sur des lois inaltérables, mais c'est encore un don de Dieu, par lequel l'homme peut reconnoître à tout instant l'excellence de son être; car ce n'est pas parce qu'il est le plus par

fait, le plus fort ou le plus adroit des animaux qu'il leur commande : s'il n'étoit que le premier du même ordre, les seconds se réuniroient pour lui disputer l'empire; mais c'est par supériorité. de nature que l'homme règne et commande; il pense, et dès-lors il est maître des êtres qui ne. pensent point.

Il est maître des corps bruts, qui ne peuvent opposer à sa volonté qu'une lourde résistance ou qu'une inflexible dureté, que sa main sait toujours surmonter et vaincre en les faisant agir les uns contre les autres; il est maître des végétaux, que par son industrie il peut augmenter, diminuer, renouveler, dénaturer, détruire ou multiplier à l'infini; il est maître des animaux, parce que non-seulement il a comme eux du mouvement et du sentiment, mais qu'il a de plus la lumière de la pensée, qu'il connoît les fins et les moyens, qu'il sait diriger ses actions, concerter ses opérations, mesurer ses mouvements, vaincre la force par l'esprit, et la vitesse par l'emploi du temps.

Cependant parmi les animaux les uns paroissent être plus ou moins familiers, plus ou moins sauvages, plus ou moins doux, plus ou moins féroces que l'on compare la docilité et la soumission du chien avec la fierté et la férocité du tigre; l'un paroît être l'ami de l'homme, et l'autre son ennemi : son empire sur les animaux n'est donc pas absolu; combien d'espèces savent se soustraire à sa puissance par la rapidité de leur vol,

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