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gnement? L'élite des hommes est assemblée; la Sagesse est à leur tête. La Gloire, assise au milieu d'eux, répand ses rayons sur chacun, et les couvre tous d'un éclat toujours le même et toujours renaissant. Des traits d'une lumière plus vive encore partent de sa couronne immortelle, et vont se réunir sur le front auguste du plus puissant et du meilleur des rois (Louis XV). Je le vois, ce héros, ce prince adorable, ce maître si cher. Quelle noblesse dans tous ses traits! quelle majesté dans toute sa personne! que d'âme et de douceur naturelle dans ses regards! il les tourne vers vous, messieurs, et vous brillez d'un nouveau feu; une ardeur plus vive vous embrase : j'entends déjà vos divins accents et les accords de vos voix; vous les réunissez pour célébrer ses vertus, pour chanter ses victoires, pour applaudir à notre bonheur; vous les réunissez pour faire éclater votre zèle, exprimer votre amour, et transmettre à la postérité des sentiments dignes de ce grand prince et de ses descendants. Quels concerts! ils pénètrent mon cœur; ils seront immortels comme le nom de LOUIS.

· Dans le lointain, quelle autre scène de grands objets! le génie de la France qui parle à Richelieu, et lui dicte à la fois l'art d'éclairer les hommes et de faire régner les rois; la Justice et la Science qui conduisent Séguier, et l'élèvent de concert à la première place de leurs tribunaux; la Victoire qui s'avance à grands pas, et précède le char

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DISCOURS DE RÉCEPT. A L'ACAD. FRANÇOISE. triomphal de nos rois, où Louis-le-Grand, assis sur des trophées, d'une main donne la paix aux nations vaincues, et de l'autre rassemble dans ce palais les Muses dispersées. Et près de moi, messieurs, quel autre objet intéressant! la Religion en pleurs, qui vient emprunter l'organe de l'éloquence pour exprimer sa douleur, et semble m'accuser de suspendre trop long-temps vos regrets sur une perte que nous devons tous ressentir avec elle.

DE LA NATURE.

LA nature est le système des lois établies par le créateur pour l'existence des choses et pour la succession des êtres. La nature n'est point une chose, car cette chose seroit tout: la nature n'est point un être, car cet être seroit Dieu; mais on peut la considérer comme une puissance vive, immense, qui embrasse tout, qui anime tout, et qui, subordonnée à celle du premier être, n'a commencé d'agir que par son ordre, et n'agit encore que par son concours ou son consentement. Cette puissance est de la puissance divine la partie qui se manifeste; c'est en même temps la cause et l'effet, le mode et la substance, le dessin et l'ouvrage :

1 Celle de M. Languet de Gergy, archevêque de Sens, auquel M. de Buffon avoit succédé.

bien différente de l'art humain dont les productions ne sont que des ouvrages morts, la nature est elle-même un ouvrage perpétuellement vivant, un ouvrier sans cesse actif, qui sait tout employer, qui travaillant d'après soi-même, toujours sur le même fonds, bien loin de l'épuiser, le rend inépuisable : le temps, l'espace et la matière sont ses moyens, l'univers son objet, le mouvement et la vie son but.

Les effets de cette puissance sont les phénomènes du monde; les ressorts qu'elle emploie sont des forces vives, que l'espace et le temps ne peuvent que mesurer et limiter sans jamais les détruire; des forces qui se balancent, qui se confondent, qui s'opposent sans pouvoir s'anéantir : les unes pénètrent et transportent les corps, les autres les échauffent et les animent; l'attraction et l'impulsion sont les deux principaux instruments de l'action de cette puissance sur les corps bruts; la chaleur et les molécules organiques vivantes sont les principes actifs qu'elle met en œuvre pour la formation et le développement des êtres organisés.

Avec de tels moyens que ne peut la nature? Elle pourroit tout si elle pouvoit anéantir et créer; mais Dieu s'est réservé ces deux extrêmes de pouvoir anéantir et créer sont les attributs de la toute-puissance; altérer, changer, détruire, développer, renouveler, produire, sont les seuls droits qu'il a voulu céder. Ministre de ses ordres irrévocables, dépositaire de ses immuables décrets, la nature ne s'écarte jamais des lois qui lui

ont été prescrites; elle n'altère rien aux plans qui lui ont été tracés, et dans tous ses ouvrages elle présente le sceau de l'Eternel: cette empreinte divine, prototype inaltérable des existences, est le modèle sur lequel elle opère; modèle dont tous les traits sont exprimés en caractères ineffaçables, et prononcés pour jamais; modèle toujours neuf, que le nombre des moules ou des copies, quelque infini qu'il soit, ne fait que renouveler.,

Aussi avec quelle magnificence la nature ne brille-t-elle pas sur la terre? Une lumière pure, ́s'étendant de l'orient au couchant, dore successivement les hémisphères de ce globe; un élément transparent et léger l'environne; une chaleur douce et féconde anime, fait éclore tous les germes de vie ; des eaux vives et salutaires servent à leur entretien, à leur accroissement; des éminences distribuées dans le milieu des terres arrêtent les vapeurs de l'air, rendent ces sources intarissables et toujours nouvelles; des cavités immenses faites pour les recevoir partagent les continents : l'éten→ due de la mer est aussi grande que celle de la terre; ce n'est point un élément froid et stérile, c'est un nouvel empire aussi riche, aussi peuplé que le premier. Le doigt de Dieu a marqué leurs confins; si la mer anticipe sur les plages de l'occident, elle laisse à découvert celles de l'orient : cette masse immense d'eau, inactive par ellemême, suit les impressions des mouvements cé

lestes, elle balance par des oscillations régulières de flux et de reflux, elle s'élève et s'abaisse avec l'astre de la nuit, elle s'élève encore plus lorsqu'il concourt avec l'astre du jour, et que tous deux, réunissant leurs forces dans le temps des équinoxes, causent les grandes marées : notre correspondance avec le ciel n'est nulle part mieux marquée. De ces mouvements constants et généraux résultent des mouvements variables et particuliers, des transports de terre, des dépôts qui forment au fond des eaux des éminences semblables à celles que nous voyons sur la surface de la terre; des courants qui, suivant la direction de ces chaînes de montagnes, leur donnent une figure dont tous les angles se correspondent, et, coulant au milieu des ondes comme les eaux coulent sur la terre, sont en effet les fleuves de la mer.

NATURE SAUVAGE.

La nature est le trône extérieur de la magnificence divine; l'homme qui la contemple, qui l'étudie, s'élève par degrés au trône intérieur de la toutepuissance; fait pour adorer le créateur, il commande à toutes les créatures; vassal du ciel, roi de la terre, il l'ennoblit, la peuple et l'enrichit ; îl établit entre les êtres vivants l'ordre, la subordination, l'harmonie; il embellit la nature même, il la cultive, l'étend et la polit, en élague le char

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