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l'exécration, de l'invective et de la destruction montait des deux parts comme un incendie1. Ce n'était point le heurt de deux gouvernements, mais de deux civilisations et de deux doctrines. Les deux énormes machines, lancées de tout leur poids et de toute leur vitesse, s'étaient rencontrées face à face, non par hasard, mais par fatalité. Un âge entier de littérature et de philosophie avait amassé la houille qui remplissait leurs flancs et construit la voie qui dirigeait leur course. Dans ce tonnerre du choc, parmi ces bouillonnements de la vapeur ruisselante et brûlante, dans ces flammes rouges qui grincent autour des cuivres et tourbillonnent en grondant jusqu'au ciel, un spectateur attentif découvre encore l'espèce et l'accumulation de la force qui a fourni à un tel élan, disloqué de telles cuirasses et jonché le sol de pareils débris.

Pitt, 1795.) He desired the house to lock at the state of religion in France and asked them if they would willingly treat with a nation of atheists. (Ibid.)

2. Letter to a noble lord.

Letters on a regicide peace.

LITT. ANGL.

II-23

CHAPITRE IV.'

Addison.

I. Addison et Swift dans leur siècle. et en quoi ils diffèrent.

En quoi ils se ressemblent

II. L'homme. Son éducation et sa culture.

Son voyage en France et en Italie.

les.

Ses Remarques sur l'Italie.

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Son Épître à lord Halifax.

Son Dialogue sur les médail

Son poëme sur la Campagne de Blenheim. Sa douceur

et sa bonté. Ses succès et son bonheur.

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III. Son sérieux et sa raison.

res.

Ses études solides et son observation

exacte. Sa connaissance des hommes et sa pratique des affaiNoblesse de son caractère et de sa conduite. Élévation de sa morale et de sa religion, Comment sa vie et son caractère ont contribué à l'agrément et à l'utilité de ses écrits. IV. Le moraliste. Ses essais sont tous moraux. Contre la vie grossière, sensuelle ou mondaine. - Cette morale est pratique, et partant banale et décousue.. Comment elle s'appuie sur le raisonnement et le calcul. Comment elle a pour but la satisfaction en ce monde, et le bonheur dans l'autre. - Mesquinerie spéculative de sa conception religieuse. Excellence pratique de sa conception religieuse.

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V. L'écrivain. Conciliation de la morale et de l'élégance. style convient aux gens du monde. Mérites de ce style. - Inconvénients de ce style. — Addison critique. Son jugement sur Paradis perdu. Accord de son art et de sa critique.

Li

mites de la critique et de l'art classiques. — Ce qui manque à l'éloquence d'Addison, de l'Anglais et du moraliste.

VI. La plaisanterie grave. L'humour. L'imagination sérieuse et

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Dans cette vaste transformation des esprits qui occupe tout le dix-huitième siècle et donne à l'Angleterre son assiette politique et morale, deux hommes supérieurs paraissent dans la politique et la morale, tous deux écrivains accomplis, les plus accomplis qu'on ait vus en Angleterre ; tous deux organes accrédités d'un parti, maîtres dans l'art de persuader ou de convaincre; tous deux bornés dans la philosophie et dans l'art, incapables de considérer les sentiments d'une façon désintéressée, toujours appliqués à voir dans les choses des motifs d'approbation ou de blâme; du reste différents jusqu'au contraste, l'un heureux, bienveillant, aimé, l'autre haï, haineux et le plus infortuné des hommes; l'un partisan de la liberté et des plus nobles espérances de l'homme, l'autre avocat du parti rétrograde et détracteur acharné de la nature humaine; l'un mesuré, délicat, ayant fourni le modèle des plus solides qualités anglaises, perfectionnées par la culture continentale; l'autre effréné et terrible, ayant donné l'exemple des plus âpres instincts anglais, déployés sans limite ni règle, par tous les ravages et à travers tous les désespoirs. Pour pénétrer dans l'intérieur de cette civilisation et de ce peuple, il n'y a pas de meilleur moyen que de s'arrêter avec insistance sur Swift et sur Addison.

«

I

« Après une soirée passée avec Addison, dit Steele, j'ai souvent réfléchi que j'avais eu le plaisir de • causer avec un proche parent de Térence ou de Catulle, qui avait tout leur esprit et tout leur na<< turel, et par-dessus eux une invention et un agré« ment1 plus exquis et plus délicieux qu'on ne vit jamais en personne. Et Pope, rival d'Addison, et rival aigri, ajoutait : « Sa conversation a quelque

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chose de plus charmant que tout ce que j'ai jamais « vu en aucun homme. » Ces mots expriment tout le talent d'Addison; ses écrits sont des causeries, chefsd'œuvre de l'urbanité et de la raison anglaises; presque tous les détails de son caractère et de sa vie ont contribué à nourrir cette urbanité et cette rai

son.

Dès dix-sept ans, on le rencontre à l'Université d'Oxford, studieux et calme, amateur de promenades solitaires sous les rangées d'ormes et parmi les belles prairies qui bordent la rive de la Cherwell. Dans le fagot épineux de l'éducation scolaire, il choisit la seule fleur, bien fanée sans doute, la versification latine, mais qui, comparée à l'érudition, à la théologie, à la logique du temps, est encore une fleur. Il célèbre en strophes ou en hexamètres la paix de Ryswick ou le

1. Humour.

système du docteur Burnet; il compose de petits poëmes ingénieux sur les marionnettes, sur la guerre des pygmées et des grues; il apprend à louer et à badiner, en latin, il est vrai, mais avec tant de succès que ses vers le recommandent aux bienfaits des ministres et parviennent jusqu'à Boileau. En même temps il se pénètre des poëtes romains; il les sait par cœur, même les plus affectés, même Claudien et Prudence; tout à l'heure en Italie les citations vont pleuvoir de sa plume; de haut en bas, dans tous les coins et sur toutes les faces, sa mémoire est tapissée de vers latins. On sent qu'il en a l'amour, qu'il les scande avec volupté, qu'une belle césure le ravit, que toutes les délicatesses le touchent, que nulle nuance d'art ou d'émotion ne lui échappe, que son tact littéraire s'est raffiné et préparé pour goûter toutes les beautés de la pensée et des expressions. Ce penchant trop longtemps gardé est un signe de petit esprit, je l'avoue; on ne doit pas passer tant de temps à inventer des centons; Addison eût mieux fait d'élargir sa connaissance, d'étudier les prosateurs romains, les lettres grecques, l'antiquité chrétienne, l'Italie moderne, qu'il ne sait guère. Mais cette culture bornée, en le laissant moins fort, l'a rendu plus délicat. Il a formé son art en n'étudiant que les monuments de l'urbanité latine; il a pris le goût des élégances et de finesses, des réussites et des artifices de style; il est devenu attentif sur soi, correct, capable de savoir et de perfectionner sa propre langue. Dans les réminiscences calculées, dans les allusions heureuses,

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