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CHAP. CV.

life soupçonneux commençoit à être effrayé de la prépondérance que les ultramontains acqué- 1509. roient en Italie; son orgueil étoit flatté de la soumission d'une république que tous ses prédécesseurs avoient redoutée; et lorsqu'on lui annonça qu'une ambassade composée de six des membres les plus distingués du sénat s'offroit à venir à Rome lui demander grâce, il ne résista pas davantage; et en dépit des remontrances de Louis et de Maximilien, il promit qu'à l'arrivée de ces ambassadeurs, il lèveroit l'excommunication et l'interdit (1).

que

Pendant ce temps, les villes vénitiennes de terre ferme n'étoient plus défendues par aucune garnison; et comme elles voyoient à leurs frontières l'armée formidable des Français, elles se disposoient à lui ouvrir leurs portes. Dès les Véronois apprirent la prise de Peschiéra, ils envoyèrent des députés à Louis XII pour lui remettre les clefs de leur ville; mais le roi de France les refusa, et les renvoya aux ambassadeurs de Maximilien, qui étoient auprès de lui. Il n'avoit point intention de pousser plus loin ses conquêtes; ses finances étoient déjà probablement épuisées, et il étoit impatient de licen

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VIII, p. 434. — Petri Bembi hist. Ven. L. VIII, p. 178-181. Fr. Belcarii. Lib. XI, p. 322. –

Ann. eccles. Raynaldi. 1509, §. 14, p. 68.

CHAP. CV. cier son armée et de retourner en France. La 1509. citadelle de Crémione venoit de se rendre à lui;

la guerre pour ce qui le regardoit étoit terminée il n'avoit plus rien à prétendre, et les Vénitiens ne paroissoient nullement en état de résister à ceux qui vouloient achever le partage de leurs provinces.

Avant de quitter l'Italie, Louis XII désiroit cependant voir Maximilien. Le cardinal d'Amboise alla le trouver, le 13 juin, à Trente, et convint avec lui que les deux monarques auroient une entrevue à Garda, sur les confins des deux territoires qu'ils venoient d'acquérir. Louis XII partit pour s'y trouver au jour fixé; Maximilien de son côté s'avança jusqu'à Rivadi-Garda; mais, soit qu'il se trouvât trop mal accompagné pour sa sûreté ou pour sa dignité, soit qu'il eût quelque autre raison dont il faisoit mystère, comme de tous les motifs de sa conduite, il repartit de Riva après y être resté seulement deux heures, déclarant qu'il étoit rappelé par les nouvelles qu'il recevoit du Friuli. Il envoya au roi le nouvel évêque de Gurck, Mathieu Langen, son secrétaire, pour le prier de l'attendre à Crémone. Louis XII, de son côté, blessé sans doute de ce manque d'égards, et sachant combien peu de foi on pouvoit accorder aux promesses de Maximilien, repartit

pour Milan, et peu de jours après retourna en CHAP. CV. France (1).

Maximilien s'étoit conduit dans cette guerre comme dans toutes les précédentes. Après la signature du traité de Cambrai, il avoit séjourné quelque temps en Flandre pour obtenir des subsides de ses peuples; mais il ne les avoit pas plutôt reçus, qu'il les avoit tous dissipés. Le pape désiroit presser son expédition pour que l'armée des Français ne se trouvât pas seule en Italie, et maîtresse de tout le pays; il lui avoit dans ce but accordé cent mille ducats à prendre sur le fonds de réserve de la croisade, qui avoit été levé en Allemagne, mais qui ne pouvoit être employé à des usages profanes sans l'autorité pontificale. Peu après, il lui avoit encore envoyé Constantin Cominatès, avec cinquante mille ducats; Louis XII lui avoit payé cent mille ducats pour la seconde investiture du duché de Milan, qu'il venoit de recevoir; les États héréditaires de l'Autriche et ceux de l'Empire lui avoient accordé des subsides. Mais tant de

fonds, amassés pour la guerre, étoient déjà dépensés, sans qu'il eût réussi à assembler nulle part une armée impériale (2).

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 436. — Fr. Belcarii. L. XI, p. 322. - Mémoires du chev. Bayard. Ch. XXX, p. 75. — Mémoires de Fleuranges. T. XVI, p. 50.

(2) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 436. — Fr. Belcarii. L. XI, p. 322.

1509.

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1509.

Maximilien annonçoit que sa réconciliation avec Louis XII étoit sans réserve. A son passage à Spire, il avoit brûlé un livre où l'on avoit enregistré toutes les injures que l'Empire avoit reçues des Français, et il avoit déclaré qu'il ne vouloit plus en conserver aucune mémoire. IF avoit écrit de Trente à Louis XII, pour le remercier de lui avoir fait recouvrer toutes les terres que les Vénitiens avoient usurpées sur lui et ses ancêtres. Il étoit convenu, le 13 juin, avec le cardinal d'Amboise, que le roi lui prêteroit cinq cents lances françaises pour terminer la guerre (1), et cependant rien ne s'effectuoit encore : il ne se trouvoit pas même à portée d'accepter les capitulations des villes de l'État vénitien, qui demandoient à se rendre.

Enfin, l'évêque de Trente se présenta en Lombardie, avec un petit corps de troupes allemandes, et ce fut lui qui reçut la soumission de Vérone et de Vicence. Le 4 juin, Léonard Trissino, émigré vicentin, se présenta aussi devant Padoue, avec trois cents fantassins allemands seulement et un héraut d'armes de l'empereur. Les portes de la ville lui furent aussitôt

ouvertes.

Trévise avoit à son tour envoyé des députés pour se soumettre à Maximilien; mais lorsque

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 436.

le peuple de cette ville vit le même Trissino se CHAP. CV. présenter devant les portes, sans forces, sans 1509. armes, sans aucune décoration qui pût servir de garantie de la protection impériale, il ne dissimula point son regret d'échanger la domination d'un sénat italien contre celle des Allemands. Un cordonnier, nommé Marc Caligaro, reproduisit aux yeux de la populace le drapeau de la république, et amassa ses concitoyens au cri de vive saint Marc! Les nobles, qui pour sauver leurs biens s'étoient empressés de se rendre, virent leurs palais livrés au pillage. Léonard Trissino et sa petite escorte allemande furent chassés; sept cents fantassins italiens furent appelés du camp de Mestre, et introduits dans la ville; et ce premier événement heureux, après tant de désastres, releva le courage des Vénitiens, comme s'il présageoit un meilleur avenir. La ville qui la première, dans les états de terre ferme, s'attachoit au sort de la république, lorsque le sénat regardoit le continent entier comme perdu, fut accueillie de nouveau avec un transport de reconnoissance. La seigneurie accorda aux habitans de Trévise une exemption d'impôts pour quinze années. Les rôles des contribuables furent brûlés sur la place publique; et le camp vénitien, qui jusque alors n'avoit cessé de reculer, se porta de

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