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tement (1), et déjà tous ces trésors étoient CHAP. CV. dissipés; l'armée qu'on avoit rassemblée à si 1509. grands frais étoit détruite ou dispersée. Il ne s'agissoit pas seulement de la rétablir, il falloit encore s'occuper de la flotte, puisque les Français en armoient une à Gênes, qui ne tarderoit pas à infester les rivages de l'Adriatique. Le sénat ordonna en effet l'équipement de cinquante galères, sous les ordres d'Ange Trévisani, et en même temps il envoya, dans toutes seś possessions maritimes, l'ordre de transporter à Venise tout le blé dont on pourroit disposer, afin de mettre la capitale tout au moins en état de soutenir un long siége (2).

Immédiatement après la soumission de Brescia, Crême avoit ouvert ses portes au roi, à l'instigation de Soncino Benzoni, descendant des anciens tyrans de cette ville. Crémone avoit aussi capitulé, de même que la forteresse de Pizzighettone. La citadelle de Crémone continuoit seule à se défendre, parce que Louis XII avoit exigé que tous les gentilshommes vénitiens qui s'y trouvoient, demeurassent ses prisonniers, et que Zacharie Contarini, dont on

(1) Petri Bembi hist. V ́en. L. VII, p. 162.

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- Pelri Bembi

(2) Franc. Guicciardini. Lib. VIII, p. 418. histor. Veneta. Lib. VIII, p. 175. Fr. Belcarii. Lib. XI, p. 320.

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CHAP. CV. connoissoit les immenses richesses, s'y étoit 1509. renfermé avec plusieurs autres seigneurs, que les Français vouloient ruiner par des rançons exorbitantes. Le comte de Pitigliano avoit de nouveau abandonné Peschiéra pour se replier sur Vérone; mais il avoit laissé à la garde de cette forteresse André de Riva et son fils, gentilshommes vénitiens, avec quatre cents fantassins il se flattoit que ceux-ci, profitant de la force de la place et des avantages de sa situation, arrêteroient assez long-temps les Français pour lui donner à lui-même le temps de réorganiser son armée.

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L'événement ne répondit point aux espérances de Pitigliano: à peine l'artillerie avoitelle fait une brèche étroite dans les murailles de Peschiéra, que les Suisses et les Gascons s'y précipitèrent, et emportèrent la place d'assaut; la garnison fut toute passée au fil de l'épée, et Louis XII fit pendre le commandant André de Riva avec son fils, sans autre motif que d'inspirer de la terreur à ceux qui tentoient de se défendre. De même il avoit fait pendre, peu de jours auparavant, les braves gens qui défendoient Caravaggio. Les hommes foibles sont presque toujours cruels, et les rois qui suivent les armées sans être généraux, y sont plus disposés encore que d'autres, parce qu'ils regardent toute résistance à leur volonté comme une

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offense personnelle, qui les dispense des lois de CHAP. cv. la guerre (1).

Quinze jours s'étoient à peine écoulés depuis la victoire de Vaila, et Louis XII avoit déjà conquis toute la partie du territoire vénitien que le traité de Cambrai lui assignoit en partage la seule citadelle de Crémone, qui résistoit encore, ne tint pas plus de quinze jours. Les provinces dont il s'étoit emparé augmentoient de plus de deux cent mille ducats les revenus royaux du duché de Milan. Les autres alliés, qui avoient osé à peine laisser éclater leur inimitié, tant que Venise conservoit toute sa puissance, attaquèrent de toutes parts les frontières vénitiennes, dès qu'ils furent informés de la déroute de Vaila. Le pape avoit donné le commandement de son armée à son neveu François-Marie de la Rovère, qui avoit succédé l'année précédente, dans le duché d'Urbin, à Guid' Ubaldo de Montéfeltro, son père adoptif. Cette armée étoit forte de quatre cents hommes d'armes, quatre cents chevau-légers et huit mille fantassins, et peu après elle fut encore renforcée par trois mille Suisses qu'avoit soldés le pontife. Après avoir ravagé le territoire de Cervia, elle

(1) Mémoires du chev. Bayard. Ch. XXX, T. XV, p. 73. Mémoires de Fleuranges. T. XVI, p. 49. — Fr. Belcarii. L. XI, p. 319. Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 429. Jacopo Nardi histor. Fior. L. IV, p. 207.

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150g.

CHAP. EV.

prit Solarolo, entre Faenza et Imola, et vint 1509. attaquer Brisighella, chef-lieu de la province belliqueuse du Val de Lamone. Jean-Paul Manfrone étoit chargé de défendre cette forteresse avec huit cents fantassins et quelques chevaux. Il avoit tenté une sortie sans connoître bien la force des assaillans; mais il fut repoussé si vigoureusement, que les ennemis entrèrent dans l'enceinte des murailles pêle-mêle avec les fuyards. Leur férocité ne le céda point à celle des ultramontains, et tous les malheureux habitans de Brisighella furent passés au fil de l'épée (1).

L'armée pontificale se rapprocha ensuite de Ravenne, mais elle fut arrêtée dix jours par le château de Russi, entre cette ville et Faenza : Giovanni Gréco, commandant des stradiotes vénitiens, fut fait prisonnier par Jean Vitelli; Russi se rendit; et quoique les généraux pontificaux manquassent de talent ou d'accord, les troupes vénitiennes en Romagne étoient en si petit nombre, le découragement et la terreur étoient si grands, que Faenza, Rimini, Ravenne et Cervia capitulèrent et promirent d'ouvrir leurs portes, si elles n'étoient pas secourues avant un temps limité (2).

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 429. Petri Bembi hist. Ven. L. VII, p. 164. — Fr. Belcarii Comm. L. XI, p. 320.

(2) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 429.—Petri Bembi. L. VIII, p. 176.-Jacopo Nardi. L. IV, p. 207.-Fr. Belcarii. L. XI, p.320.

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Alfonse d'Este, duc de Ferrare, étoit aussi CHAP. CV. entré dans la ligue de Cambrai, et le 19 avril 1509. il avoit été nommé par le pape gonfalonier de l'Église romaine. Cependant il avoit attendu la déroute de Vaila pour commencer les hostilités. Alors il congédia le vidôme qui rendoit à Ferrare justice aux Vénitiens; il rappela son ambassadeur, et il envoya, le 19 mai, trentedeux pièces de canon au camp de l'Église qui attaquoit la citadelle de Ravenne. Le 30 du même mois il entra en campagne, et il s'empara sans résistance du Polésin-de-Rovigo, d'Este, Montagnana et Mónselice, ancien patrimoine de sa maison (1).

Le marquis de Mantoue ne fut pas moins empressé à profiter de la déroute de ses anciens voisins : il s'empara d'Asola et de Lunato, que Philippe-Marie Visconti avoit conquis sur son bisaïeul, et qui avoient ensuite passé à la république. Peschiéra auroit dû aussi lui tomber en partage; mais cette ville convenoit trop au roi de France, pour que le marquis osât la lui refuser. Il se contenta de la promesse d'une compensation qu'on lui donneroit ailleurs (2).

L'ambassadeur d'Espagne, qui étoit resté à Venise jusque après la déroute de Vaila, et qui

·(1) Muratori Annali d'Italia. T. X, p. 47. - Fr. Guicciardini. Lib. VIII, p. 430. Fr. Belcarii. L. XI, p. 320.

(2) Fr. Guicciardini. Lib. VIII, p. 434, 1.

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