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L'armée autrichienne s'étant ainsi dissipée, et l'empereur s'étant éloigné, pour chercher de nouveaux secours, Barthélemi d'Alviano entra à son tour dans les états de Maximilien avec l'intention de le dépouiller de tout ce qu'il possédoit sur le golfe de Venise. En effet, en peu de jours il prit Gorizia, qu'il fortifia, pour servir à l'Italie de barrière contre les Turcs; Trieste, à laquelle il imposa une pesante contribution, pour punir cette ville de la contrebande par laquelle elle s'étoit enrichie; Pordenone, que la république lui accorda en fief, pour récompense; et enfin Fiume, sur les frontières de l'Esclavonie (1).

Les Allemands, qui ne mettoient aucun ensemble dans leurs opérations, tentèrent pendant ce temps une attaque du côté de Trente, et du lac de Garda; et ils eurent quelques succès à Calliano. Mais deux mille Grisons, qui se trouvoient dans leur armée, s'en étant retirés, parce qu'ils étoient mal payés, le reste fut également obligé de s'éloigner. Les deux armées, vénitienne et autrichienne, séparées par la muraille qui coupe la vallée de l'Adige, entre Piétra et Calliano, se contentèrent pendant

Fr. Belcarii.

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 404. L. XI, p. 3o8 – Petri Bembi. L. VII, p. 150–152. — Lett, di Fr. Vettori, di Trento, 30 maii, p. 224.

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quelque temps de s'observer, en se livrant seulement de légères escarmouches; ensuite l'une se retira à Rovérédo, et l'autre à Trente; et la dernière acheva de se dissiper. Jamais Maximilien n'avoit pu rassembler en même temps dans son armée plus de quatre mille hommes de troupes de l'Empire; quand un contingent arrivoit pour commencer son service, l'autre avoit déjà achevé ses six mois, et se retiroit. La diète, convoquée à Ulm, avoit été ajournée; Maximilien, au lieu de revenir à son armée, avoit passé à Cologne; pendant quelques semaines, on ne sut pas même où il étoit, et dans son dépit, en effet, il se seroit volontiers caché à tous les yeux. Si les Français, qui avoient joint à Rovérédo l'armée vénitienne, avoient voulu attaquer Trente, ils auroient pu facilement pousser loin leurs conquêtes; mais Trivulzio déclara qu'il avoit reçu du roi l'ordre de défendre les passages d'Italie, et non d'attaquer l'Allemagne (1).

Enfin le prêtre Lucas Renaldi, nommé communément Pré Luca, l'homme de confiance de Maximilien, vint à Venise, pour faire quelques ouvertures de pacification. Il offrit aux Vénitiens une trève de trois mois, que ceux-ci refu- '

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 404. Fr. Belcarii Comm. Rer. Gall. L. XI, p. 309. Lelt. di Fr. Vettori, di Trento, du 16 avril et 30 mai. Macchiavelli. Legaz. VII, p. 218–232.

sèrent hautement, lorsqu'ils surent que l'empereur ne vouloit pas y comprendre la France. La situation des affaires de Maximilien étoit trop mauvaise pour qu'il pût insister sur cette prétention; il consentit à une trève de trois ans pour l'Italie. A son tour Louis XII s'y refusa, parce qu'il vouloit y faire comprendre le duc de Gueldre. Le sénat de Venise n'avoit aucune alliance avec ce duc; il regardoit sa querelle comme absolument étrangère à la politique d'Italie, et à une guerre qui s'étoit faite uniquement sur les frontières italiennes. Après avoir pressé les ambassadeurs de France d'accepter la trève telle qu'elle étoit offerte, il l'accepta enfin lui-même simplement, et sans attendre même la réponse de Louis XII, auquel on avoit en voyé un courrier. Cette trève fut publiée le 7 juin dans les deux camps; elle devoit être commune à tous les alliés, qui, d'une ou d'autre part, seroient nommés dans les trois mois, et ne comprendre que l'Italie. Maximilien nomma immédiatement le pape, les rois d'Espagne, d'Angleterre, de Hongrie, et tous les états de l'Empire; les Vénitiens nommèrent les rois de France et d'Espagne, et tous les états italiens en alliance avec eux. Toutes les conquêtes faites pendant la guerre devoient être conservées par ceux qui les avoient acquises; et l'une et l'autre puissance se réservoit le droit d'élever dans l'enceinte de

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ses frontières toutes les fortifications qu'elle ju1508. geroit convenables (1)..

Une guerre, qui avoit paru menacer l'Italie entière d'une nouvelle invasion des ultramontains, étoit ainsi terminée en peu de mois; mais elle laissoit après elle beaucoup de germes de mécontentement. Maximilien étoit profondément humilié d'avoir annoncé de si grandes choses, d'en avoir opéré de si petites, et d'avoir en deux mois perdu tous les ports de mer qu'il possédoit sur le golfe Adriatique, ports si précieux pour le commerce de ses états. Les Vénitiens avoient fait l'épreuve de la jalousie des Français, et ils étoient irrités de l'abandon de Trivulzio, qui n'avoit pas voulu les aider à poursuivre leurs conquêtes. Louis XII enfin affectoit d'être vivement blessé de ce que les Vénitiens avoient signé la trève contre son avis, et sans attendre même sa dernière réponse.

Cependant personne n'avoit moins que Louis XII occasion de se plaindre. Non-seulement les Vénitiens avoient usé de leurs droits en consultant leur intérêt plutôt que le sien, et en refusant de continuer une guerre sans but, pour faire une diversion en faveur du duc de

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 405. p. 3og.

p. 200.

Fr. Belcarii. L. XI,

Petri Bembi. L. VII, p. 153. —— Jacopo Nardi. L. IV,

-Lett. de Fr. Vettori, Trento, 8 juin 1508; et de Macchiavelli, Bologne, 14 juin. p. 237–257.

Gueldre, qui leur étoit étranger; ils étoient CHAP. CIV. assez au fait de la conduite perfide du roi de 1508. France, pour ne pas se croire obligés à beaucoup d'égards pour ses recommandations.

Louis XII étoit lié par plusieurs traités avec les Vénitiens, lorsqu'il avoit conclu avec Maximilien le traité de Blois, par lequel l'empereur et lui arrêtoient le partage des états de cette république ; il n'avoit aucun sujet légitime de plainte contre elle. De nouveau, il s'étoit lié à elle par des négociations plus intimes, dans le temps même où l'année précédente il avoit eu avec Ferdinand-le-Catholique les conférences de Savonne; et il avoit cherché à intéresser au même partage ce second potentat. Au milieu des négociations les plus amicales, dans le sein des alliances les plus intimes, Louis XII ne cessoit d'aiguiser le glaive dont il frappa la république au moment de la ligue de Cambrai. Aucun autre motif ne sauroit être donné à cette conduite perfide, si ce n'est que les gouvernemens absolus regardent toujours les républiques comme en dehors du droit des gens, et cherchent sans cesse une occasion de les détruire.

En effet, dans le même temps, la conduite de Louis XII envers la seconde, en puissance, des républiques d'Italie, n'étoit guère moins fausse ou moins injuste. Malgré son alliance avec les Florentins, malgré le zèle que cet état avoit tou26

TOME XIII.

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