Page images
PDF
EPUB

tiennes et sur toute l'Italie, les droits de l'empire oubliés depuis plusieurs siècles. Ses intérêts et ses passions sembloient donc concourir à la défense de Louis-le-Maure; mais on ne pouvoit pas plus compter sur ses projets que sur ses promesses: ne prenant conseil que du moment présent, il faisoit presque toujours ce qu'il n'avoit pas prévu, et ce qu'il n'avoit pas voulu. Il s'étoit engagé envers Louis-le-Maure à ne faire aucune convention avec la France sans l'y comprendre; cela ne l'empêcha point de prolonger jusqu'à la fin du mois d'août la trève qu'il avoit conclue avec Louis XII, sans y faire aucune mention du duc de Milan (1). Pendant ce temps il faisoit la guerre dans la Gueldre. Mais vers la fin de février quelques hostilités éclatèrent entre ses sujets et les Suisses dans le voisinage des sources du Rhin. La ligue de Souabe prit la défense des possessions autrichiennes; Maximilien accourut aussitôt pour se mettre à la tête de ses armées; il fit déclarer l'empire contre les Suisses; il entra dans leur pays avec des forces très-supérieures, il en fut constamment repoussé; et sans pouvoir en venir à une grande bataille, il vit ses troupes se fondre sous ses ordres, dans des engagemens meurtriers. On assure que vingt mille hommes tombèrent sous le glaive dans cette courte guerre; un

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 222. - Barthol. Senaregœ de rebus Genuens. T. XXIV, p. 565.

CHAP. XCIX.

1499.

CHAP. XCIX. bien plus grand nombre périt de famine et de 1499. misère. Maximilien qui s'étoit engagé dans cette

querelle par colère et par orgueil plutôt que par politique, brûloit les maisons, les chalets, les greniers, les villages, et se flattoit de faire périr

par

la faim, au milieu de leurs glaces et de leurs rochers, les paysans qu'il n'avoit pu atteindre. Mais ces actes féroces amenoient d'horribles représailles; et Louis Sforza, en lui voyant consumer ses forces contre les Suisses, ne pouvoit placer aucune espérance en lui (1).

Louis-le-Maure avoit aussi cherché des secours auprès de Bajazeth II, empereur des Turcs; il Jui avoit envoyé deux de ses secrétaires, pour lui représenter que Louis XII formoit les mêmes projets de conquêtes que son prédécesseur; qu'il menaçoit l'empire d'orient, et que s'étant allié aux Vénitiens, il avoit bien plus de moyens de

(1) Bilibald Pyrckeimer de Nuremberg, qui servoit dans l'armée de l'empereur, vit sur les frontières de la Valieline, pendant cette guerre, un troupeau de quarante enfans des deux sexes, conduit dans les champs par deux vieilles femmes, pour y cueillir des herbes crues dont ils pussent se nourrir. Leurs parens avoient été massacrés, leurs maisons brûlées, leurs provisions détruites, et il ne leur restoit que cette misérable nourriture. Au reste, elle soutenoit à peine leur existence; le troupeau, d'abord composé de plus de quatre-vingts enfans, étoit déjà réduit à quarante, et ceux-ci, d'après leur maigreur et leur pâleur mortelle, paroissoient n'avoir plus qu'un souffle de vie. Apud Raynald. Annal, eccles. 1499, §. 14, p. 481.

1499

nuire à la Porte ottomane, que n'en avoit eu CHAP. XCIX. Charles VIII; que c'étoit en conséquence contre les Vénitiens qu'il falloit tenter de bonne heure une diversion, et que les Turcs sauveroient la Grèce en attaquant l'Italie. Frédéric de Naples seconda de tout son crédit les députés de Louis Sforza, et Bajazeth, à leur persuasion, donna des ordres pour attaquer les Vénitiens dans le Péloponèse, la Macédoine, et l'Istrie (1).

En effet, au mois d'octobre 1499, Scander Bassa qui gouvernoit la Bosnie, entra dans le Friuli, avec sa cavalerie, et le ravagea jusqu'aux rives de la Livenza, détruisant et livrant aux flammes toutes les richesses du pays qu'il parcouroit. Il y avoit enlevé un nombre prodigieux de captifs; mais lorsque dans sa retraite. il fut parvenu sur les bords du Tagliamento, il ne voulut pas embarrasser son armée d'une si grande multitude, et après avoir fait choix des prisonniers dont il pourroit tirer le meilleur service, il fit massacrer tous les autres (2).

Quoique les rois d'Espagne n'eussent presque point contribué à la guerre contre Charles VIII, ils étoient cependant entrés dans la précédente

(1) Ann. eccles. 1499, §. 5, p. 480. Fr. Belcarii Comm. L. VIII, p. 231.

(2) Ann. eccles. 1499, §. 7 et 8, p. 480.

p. 116. p. 662.

[ocr errors]

Chronica Venetu.
Josephi Ripamontii hist. urbis Mediol. Lib. VII,
-Pauli Jovii de vita magni Consalvi. Lib. I, p. 188.

CHAP. XCIX.

:

ligue d'Italie mais le duc de Milan ne pouvoit 1499. plus placer en eux aucune confiance; ils avoient formellement renoncé à leurs précédens engagemens; et par le traité que Ferdinand et Isabelle avoient signé avec Louis XII à Marcoussi, le 5 août 1498, ils n'avoient nommé, parmi les alliés qu'ils se réservoient le droit de secourir même contre la France, que l'empereur, l'archiduc son fils, le duc de Lorraine, et le roi d'Angleterre; tandis qu'ils n'avoient fait une semblable réserve en faveur d'aucun des souverains d'Italie (1).

Le pape avoit donné quelques espérances à Louis-le-Maure : toute son ambition étoit de faire épouser à son fils, César Borgia, une princesse de sang royal, et il avoit porté ses vues sur Charlotte, fille de Frédéric, roi de Naples. Il chargea Louis-le-Maure de négocier pour lui ce mariage, qui devoit être suivi d'une étroite alliance entre le pape, le roi de Naples, et le duc de Milan. Mais Frédéric et sa fille Charlotte sen toient pour le prêtre apostat, bâtard et fils de prêtre, pour l'assassin de son frère et l'amant de sa sœur, une si invincible répugnance, qu'ils ne voulurent point à ce prix acheter leur sûreté. Sur leur refus, César Borgia épousa Charlotte, fille d'Alain d'Albret, et sœur du roi de

(1) Garnier, hist. de France, T. XI, p. 55. — Dumont, Corps diplomatique, T. III.

Navarre. Cette alliance l'unissoit à la famille royale de France, et l'attachoit au parti français (1).

Le roi Frédéric de Naples avoit promis à Louis-le-Maure de lui envoyer Prosper Colonne, avec quatre cents cavaliers, et quinze cents fantassins; mais épuisé comme il étoit par la guerre précédente, il n'accomplit point cette promesse, encore qu'il l'eût faite autant pour son propre avantage que pour celui de son allié. Les Florentins, engagés dans la guerre de Pise, ne pouvoient donner au duc de Milan aucun secours; le duc de Ferrare, quoique beau-père de Louis Sforza, ne voulut pas lui promettre la moindre assistance, de peur de compromettre sa neutralité auprès du roi de France.

Louis Sforza, abandonné par tout le monde, ne s'abandonna du moins pas lui-même; il fortifia soigneusement le château d'Annone, à peu de distance d'Asti, aussi-bien qu'Alexandrie et Novarre; il chargea Galéaz de San-Sévérino de s'opposer aux Français, qui du Piémont ou du Montferrat voudroient pénétrer en Lombardie; il lui donna à commander seize cents hommes d'armes, quinze cents chevau-légers, dix mille fantassins italiens, et cinq cents Allemands: la guerre de la ligue de Souabe et des Suisses ne

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 223. Belcarius Comin Rer. Gall. Lib. VIII, p. 232.

CHAP. XCIX.

1499.

« PreviousContinue »