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si riche et si commerçante. Elle étoit rangée
le long du canal qui amène les eaux du Réno
à Bologne; le pape permit aux Bolonois de
fermer l'écluse de fer qui traverse ce canal au
pied de leurs murs, et de le faire ainsi refluer
sur la campagne où les Français s'étoient éta-
blis. Ceux-ci, chassés par l'inondation, se re-
tirèrent en tumulte au pont du Réno, laissant
dans la boue une partie de leur artillerie et
de leurs équipages. Le pape congédia ensuite
M. de Chaumont, en lui faisant un présent de
huit mille ducats, et lui en donnant dix mille
à distribuer à son armée. Il y joignit la pro-
messe d'accorder un chapeau de cardinal à son
frère, l'évêque d'Alby. Puis le 11 novembre,
jour de Saint-Martin, il fit en grande pompe
son entrée à Bologne; il conserva à la ville ses
priviléges et son administration républicaine,
mais en changeant sa constitution; seize magis-
trats avoient jusque alors gouverné Bologne; il
en exclut trois de la seigneurie, savoir, Jean
Bentivoglio, et deux de ses plus zélés parti-
sans;
il fit entrer les treize autres dans un nou-
veau sénat, qu'il composa de quarante mem-
bres, et auquel il confia toute l'autorité. Dès
lors, et jusqu'à ces derniers temps, l'oligarchie
des quarante de Bologne a administré cette
province avec plusieurs prérogatives qui rap-
peloient sa liberté et son ancienne indépen-

CHAP. CHIL.

1506.

CHAP. CII. dance. Leur situation en opposition avec la 1506. cour de Rome, faisoit d'eux, en dépit de l'es

les

prit étroit d'une aristocratie héréditaire, vrais représentans du peuple, et les défenseurs constans de ses priviléges. Aussi réussirent-ils à faire fleurir dans leur ville les arts et le commerce bannis du reste des états de l'Église ; mais dès cette époque Bologne cessa de compter en Italie comme un état indépendant, et elle ne secoua plus qu'une seule fois et pour un court intervalle le joug que lui avoit imposé Jules II (1).

Aucun autre mouvement militaire ne troubla l'Italie pendant cette année; les Florentins épuisés par la guerre de Pise, l'étoient encore par l'extrême cherté des blés, au printemps de l'année 1505. Ils y avoient pourvu avec leur générosité ordinaire, sans renvoyer même les pauvrés étrangers qui accouroient en foule dans leur ville, pour avoir part aux charités publiques (2), mais ils ne tentèrent point dans cette campagne d'expédition contre Pise, et ils ne ravagèrent point le territoire de cette ville. Ils avoient aussi renouvelé pour trois ans, au

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 368. Jacopo Nardi hist. Fior. L. IV, p. 191. Istor, di Giov. Cambi, T. XXI, p. 214.

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mirato. L. XXVIII, p. 276. — Giov. Cambi. T. XXI, p. 209.

1506.

mois d'avril 1506, leur trève avec Pandolfe CHAP. CIII. Pétrucci et les Siennois, renonçant pour aussi long-temps à faire valoir leurs droits sur Montépulciano, et s'engageant même à ne point accepter cette bourgade, si elle offroit de se donner à eux. Ils avoient préféré faire cet accord avec un voisin dont ils se défioient, mais qu'ils ne redoutoient pas, au danger d'appeler en Toscane un allié qui s'y seroit conduit en 'maître; et ils avoient refusé les offres du roi de France, qui leur proposoit d'envoyer contre Pandolfe Petrucci cinq cents lances et deux. mille Suisses, à entretenir à frais communs (1).

Le repos dont jouissoit l'Italie redoubloit l'attention qu'elle accordoit aux démarches de Ferdinand-le-Catholique, devenu l'un de ses plus puissans souverains. Ce monarque s'étoit embarqué à Barcelonne le 4 septembre, et il étoit. venu mouiller avec une flotte de cinquante voiles, d'abord en Provence, et ensuite à Gênes où il fut reçu avec de grands honneurs ; retenu peu après par les vents devant Portofino, dans la rivière de Levant, il y reçut la nouvelle inattendue de la mort de son gendre Philippe Ier, survenue à Burgos le 25 septembre 1506, après une courte maladie. Ce prince qui avoit paru si empressé de régner, et qui avoit en quelque

(1) Jac. Nardi hist. Fior. L. IV, p. 186. Scipione Ammirato. L. XXVIII, p. 282.

1506.

CHAP. CII. sorte poussé son beau-père en exil, pour occuper son trône, n'en avoit pas joui plus de trois mois. Les uns attribuoient sa mort à un exercice immodéré; d'autres à une maladie épidémique; d'autres à l'intempérance d'un Flamand devenue plus dangereuse dans un climat si différent du sien. Plusieurs enfin qui savoient avec quel regret Ferdinand lui avoit cédé la Castille, soupçonnoient un empoisonnement (1). Ferdinand cependant, au lieu de retourner sur ses pas, pour se ressaisir en hâte des rênes d'un gouvernement qu'il avoit abandonnées avec tant de répugnance, continua son voyage vers Naples. Il arriva le 18 octobre à Gaète, mais il s'arrêta dans cette ville ou à Portici jusqu'au 1er novembre, jour qu'il avoit fixé pour faire son entrée à Naples. Gonzalve de Cordoue, qu'on savoit avoir excité si vivement sa jalousie, et qu'on avoit averti de ne point se mettre entre ses mains, n'hésita pas à monter sur sa galère et à se confier entièrement à lui (2). Ferdinand, reçu avec enthousiasme par les Napoli

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(1) Macchiavelli Legazione à Roma. Lett. XXIX, ex Cesena, 6 octobris, T. VII, p. 125. - Jo. Mariana hist. de las Españas. T. II, p, 225. Pauli Jovii Epitome histor. L. IX, p. 156. Ejusd. Vita magni Consalvi. L. III, p. 251. -- Alfonso de Ulloa Vita di Carlo V. Lib. I, f. 53.

(2) Guicciardini assure que Gonsalve alla au-devant de Ferdi nand jusqu'à Gênes. Giovio, dans la Vie de Gonsalve, indique qu'il l'attendoit au cap de Mizène.

tains, et accueilli avec les fêtes les plus brillantes, fit partager tous ces honneurs au grand capitaine qui lui avoit gagné ce royaume. Il voulut que Gonzalve seul lui présentât toute la noblesse de Naples, et tous ceux qui méritoient ses faveurs ; il l'entoura de distinctions et de gloire; il lui confirma la possession du duché de SantAngélo, de ses biens dans le royaume de Naples, qui rapportoient vingt mille ducats de rente, et il y joignit l'office de grand-connétable du royaume; mais il étoit bien décidé à ne pas le laisser à Naples après lui, et il lui faisoit espérer la grande-maîtrise de l'ordre de Saint-Jacques de Compostelle, pour le dédommager des honneurs et de la puissance auxquels Gonzal ve de Cordoue devoit renoncer en quittant l'Italie pour l'Espagne (1). L'Europe, qui connoissoit la foi de Ferdinand-le-Catholique, ne vit pas sans un sentiment de deuil le grand homme qui l'avoit si long-temps occupée, repartir au bout de cinq mois avec son maître, pour rentrer dans l'obscurité.

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 368. Pauli Jovii Vita magni Consalvi. Lib. III, p. 251. Belcarii. Comm. L. X, P. 294. Macchiavelli Legaz. Lett. XXIII, ex Urbino, 28 sept. Summonte hist. di Napoli. L. VI, c. V, T. IV, p. 4. Jacopo Nardi. L. IV, p. 190. Ist. di Giov. Cambi. T. XXI, p. 213. Petri Bembi hist. Ven. L. VII, p. 143.

P. 113.

CHAP. CHI

1506.

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