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tille, dont il étoit né sujet, ou vouloir s'en em1506. parer lui-même. Déjà rappelé par Ferdinand, il s'étoit dispensé d'obéir sous différens prétextes, et la présence. du monarque sembloit seule pouvoir suspendre l'autorité de son orgueilleux vice-roi (1).

Les plus puissans souverains de l'Europe. paroissoient vouloir visiter tous en même temps l'Italie. Maximilien, qui ne portoit que le titre d'empereur élu, parce qu'il n'avoit pas reçu du pape la couronne impériale, témoignoit une grande impatience de venir la prendre à Rome, pour pouvoir engager ensuite les électeurs à nommer son fils roi des Romains. Déjà il avoit envoyé des ambassadeurs en Italie, pour annoncer sa prochaine arrivée, et demander aux terres d'empire la prestation d'usage, pour le couronnement des empereurs. Il en avoit envoyé d'autres à Louis XII, pour le requérir de faire marcher les cinq cents lances que le roi avoit promises pour cette occasion, demander la restitution des émigrés milanois dans leurs biens, et le payement anticipé des soixante mille ducats que la France devoit encore. Louis XII ne fit de difficulté que sur cette anticipation il répondit avec les expressions de

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 361. - Jacopo Nardi L. IV, p. 189. - Pauli Jovii Vila magni Consalvi. L. III, p. 248. Alfonso de Ulloa. Lib. I, f. 52 v.

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l'amitié la plus sincère, en témoignant un vif désir de conserver la bonne harmonie entre les deux états. Cependant il ne pouvoit voir sans une extrême défiance la grandeur croissante de la maison d'Autriche; il redoutoit la nomination d'un roi des Romains, par les raisons mêmes qui la faisoient désirer à Maximilien; et pour empêcher le voyage de celui-ci en Italie, il agissoit sous main auprès des Suisses et des Vénitiens, et il donnoit des secours secrets au duc de Gueldres, alors en guerre avec Philippe (1).

Déjà Louis XII s'étoit dégagé de la clause principale du traité de Blois, celle qui regardoit le mariage de sa fille avec Charles d'Autriche. Il se fit adresser des remontrances contre l'union de cette princesse avec un étranger, par tous les états et toutes les cours souveraines de son royaume, et paroissant ensuite céder à la violence qu'il se faisoit faire, il la fiança au duc d'Angoulême, son héritier présomptif (2). D'autre part, Maximilien informé de la maladic d'Uladislas, roi de Pologne et de Hongrie, et aspirant à la couronne de ce dernier royaume, qui lui avoit été garantie par une convention

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 361. Fr. Belcarii. Lib. X,

P. 291.

(2) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 362. —Jacopo Nardi. L. IV, p. 188..-Fr. Belcarii. Lib. X, p. 292.

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CHAP. CIII. avec tous les magnats hongrois, ne voulut point se trouver éloigné de ses états, si Uladislas venoit à mourir, et renvoya à une autre année ses projets sur l'Italie (1).

A cette époque Jules II, dont on avoit si souvent remarqué les vastes projets, l'impétuosité et la turbulence, tandis qu'il n'étoit que cardinal, n'avoit encore rien fait depuis qu'il étoit parvenu au pontificat, qui justifiât l'attente universelle. On lui avoit souvent entendu dire qu'il vouloit purger l'état de l'Église de tous les tyrans qui se l'étoient partagé ; qu'il vouloit retirer des mains des Vénitiens jusqu'à la dernière des tours qu'ils possédoient en Romagne ; et les tyrans de l'état de l'Église, ni les Vénitiens n'étoient point encore inquiétés par lui. Mais Jules vouloit assurer la réussite de ses projets avant d'en commencer l'exécution. Il s'occupoit à amasser de l'argent avec une économie qu'on n'avoit point jusque alors remarquée dans son caractère; en même temps il vouloit combiner les efforts de tous les potentats de l'Europe contre Venise, avant de se brouiller ouvertement avec cette république. Il avoit trouvé d'abord beaucoup de disposition dans Louis XII, dans Maximilien et dans Ferdinand, au traité de partage qu'il leur avoit proposé, et déjà l'un

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 362. Jacopo Nardi. L. IV, p. 188.

des traités de Blois avoit jeté les bases de l'alliance qui se négocia ensuite à Cambrai. Mais Louis XII, éclairé sur ses vrais intérêts par la jalousie que lui causoit Maximilien, sentoit alors combien il étoit imprudent d'anéantir la seule puissance qui fermât à la maison d'Autriche l'entrée de l'Italie; il s'étoit rapproché des Vénitiens, et c'étoit par eux qu'il espéroit empêcher Maximilien d'aller prendre à Rome la couronne de l'empire. Il se contentoit donc de donner de bonnes paroles à Jules II; il étoit libéral en promesses, dans la confiance que le moment de les exécuter ne viendroit jamais; et en retour pour la nomination des deux cardinaux d'Aix et de Bayeux, qu'il avoit obtenue du pape, il prenoit avec lui des engagemens contraires et à ses traités avec d'autres puissances, et à ses propres projets (1).

Jules II sentit la nécessité de renoncer pour le moment à son attaque contre Venise; mais comme il ne vouloit pas languir plus long-temps dans l'inaction, il prit au milieu de l'été la résolution de ramener sous la directe du saintsiége, ses deux villes les plus puissantes, Pérouse et Bologne, qui depuis long-temps obéissoient à des princes indépendans. Au lieu d'as

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 35g. - Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. L. X, p. 293. Seconda Legazione di N. Macchiavelli alla corte di Roma. Lett. I, T. VII opere, p. 69.

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CHAP. CHI. surer la réussite de cette entreprise par des né1506. gociations qui auroient pu traîner en longueur,

il trancha les difficultés par le ton d'autorité avec lequel il parla, et par l'impétuosité qui étoit dans son caractère. Pour réussir contre Bologne il avoit besoin des secours de la France, et de la neutralité des Vénitiens; il envoya sommer Louis XII de lui faire passer des troupes, et les Vénitiens de rester tranquilles. Ni le roi, ni la république, pris au dépourvu, ne voulurent se brouiller avec un pontife dont ils craignoient les emportemens. Ils firent sa volonté par violence, contre leur propre persuasion (1).

Louis XII avoit pris solennellement sous sa protection Jean Bentivoglio, seigneur de Bologne, et il avoit le même intérêt à le maintenir dans sa souveraineté, qu'avoient eu tous les ducs de Milan ses prédécesseurs. D'ailleurs le moment lui paroissoit particulièrement dangereux, pour permettre des mouvemens d'aucune espèce en Italie; car il avoit appris que Maximilien avoit fait une nouvelle convention avec le roi de Hongrie, pour confirmer la précédente, et que se trouvant de nouveau libre de passer en Italie, il avoit fait offrir indirectement son alliance aux Vénitiens, en leur proposant d'attaquer en commun la France, et de partager

(1) Macchiavelli de' Discorsi sopra Tito Livio. L. III, c.44, P. 199.

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