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vons point avec précision la date du repas à la CHAP. CH. vigne du Belvédère : il est possible qu'il ait eu lieu le 10 août; que la maladie causée par un poison, qui au lieu d'être pris par un seul convive, se trouvoit réparti entre trois, ait duré huit jours, et que pendant sa durée on ne se soit point empressé de la nommer par son véritable nom, et d'accuser ainsi le pape et son fils, qui étoient encore tout-puissans (1).

Alexandre VI, dont le nom seul rappelle tant de crimes et tant d'infamies, fut appelé pendant son pontificat, à prononcer au nom de l'Église romaine plusieurs décisions qui lui servent de loi encore aujourd'hui. Aussi les écrivains ecclésiastiques prennent-ils à tâche de prouver que, quels qu'aient pu être ses vices, il ne s'écarta jamais un instant de la pureté de la foi (2). Alexandre VI fut un des instituteurs de l'ordre des Minimes de Saint-François de Paule, qu'il confirma par sa bulle du 1er mai 1501, et de celui des sœurs de la Sainte-Vierge, fondé par Jeanne de Valois, femme divorcée de

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(1) Petri Bembi hist. Ven. Lib. VI, p. 133. — Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. IV, p. 157. Scipione Ammirato. L. XXVIII, Orlando Malavolli stor, di Siena. P. III, Lib. VI, f. 112.— Fr. Belcarii. Lib. IX, p. 272. Onofrio Panvino Vita di Alessandro VI, p. 478. Barthol. Senarega de rebus Genuens. T. XXIV, Rer. Italic. p. 578.

P. 272. Istor. di Gio. Cambi, p. 194.

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(2) Raynaldi Annal. eccles. 1501, §. 22, p. 511.

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CHAP. CH. Louis XII (1). C'est encore à lui que l'Église romaine doit une institution qui plus que aucune autre, peut-être, a contribué à conserver son pouvoir contre les attaques de la philosophie, et les progrès de l'esprit, celle de la censure ecclésiastique des livres. Alexandre VI, par son bref du 1er juin 1501, ordonna aux imprimeurs, sous peine d'excommunication, de n'imprimer plus aucun livre sans l'aveu des archevêques, ou de leurs vicaires et officiaux, et il ordonna à ceux-ci de faire saisir et brûler tout livre qui contiendroit des doctrines hérétiques, contraires à la foi catholique, impies et mal sonnantes (2).

Le duc de Valentinois disoit à Macchiavel, qu'il croyoit avoir pensé à tout ce qui pourroit arriver au moment de la mort de son père, et qu'il avoit trouvé remède à tout; mais qu'il n'avoit jamais songé que lors de cet événement, il pourroit se trouver lui-même mortellement malade (3). Il avoit compté que l'élection du nouveau pontife dépendroit en grande partie de lui; les cardinaux nommés par son père, et surtout les dix-huit Espagnols qu'il avoit fait entrer dans le sacré collége, devant rester, à ce qu'il croyoit, sous sa dépendance. Il avoit réduit sous sa clientèle presque toute la petite

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(1) Raynaldi Annal, eccles. 1501, §. 24, p. 511.
(2) Idem, §. 36, p. 514.

(3) Macchiavelli del Prencipe, Cap. VII, p. 259.

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noblesse des états romains; il avoit tellement CHAP. CII. écrasé la haute noblesse, qu'il croyoit n'avoir plus rien à redouter d'elle. Toutes les forteresses dans Rome et dans son territoire, étoient occupées par ses soldats, et l'armée avec laquelle il avoit fait la guerre aux Orsini, étoit cantonnée autour des murs. Mais d'autre part il se trouvoit frappé justement au moment où hésitant entre les deux cours de France et d'Espagne, il ne pouvoit compter ni sur l'une ni sur l'autre, et il se sentoit pressé en même temps par leurs deux armées cependant, quelque accablé qu'il fût par la maladie, il ne s'abandonna point lui-même. Tandis que le peuple couroit à Saint-Pierre avec une joie indicible, pour se repaître de la vue du corps d'Alexandre VI, et exprimer l'horreur qu'il ressentoit pour lui, César Borgia se maintint dans le palais du Vatican. Il entra en traité avec les Colonna, que son père avoit dépouillés de leurs fiefs; il leur rendit Ghinazzano, Capo d'Anzo, Frascati, Rocca di Papa et Nettuno, où Alexandre VI avoit élevé des fortifications redoutables, et à ce prix il s'assura de leur neutralité (1).

Le duc de Valentinois n'avoit point assez

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(1) Fr. Guicciardini. L. VI, p. 315. Paolo Giovio Kita del cardinale Pompeo Colonna, p. 360. Istor. di Giov. Cambi. T. XXI, p. 197: Fr. Belcarii Comm. Rer. Gall. L. IX, p. 273. - Pauli Jovii Vita magni Consalvi. L. II, p. 229.

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CHAP. C. de troupes pour pouvoir interdire l'entrée de Rome à ses ennemis, et contenir en même temps le peuple qui le détestoit. Prosper CoJonna étoit revenu dans sa patrie, à la tête de tout son parti. Fabio Orsini, de son côté, avoit repris possession des palais de sa famille à MonteGiordano; il avoit livré au pillage les maisons et les boutiques des courtisans et des marchands espagnols, si favorisés sous le règne du dernier pape, et il demandoit à grands cris la tête de Borgia lui-même, en expiation du sang de son père et de ses parens que ce tyran avoit versé. Les troupes de Valentinois étoient toutes logées dans le Borgo, et dans les environs du Vatican ; en sorte que les cardinaux, pour ne point se mettre entre leurs mains, se réunirent à l'église de Sainte-Marie sopra Minerva ; ils ne se pressèrent pas néanmoins de commencer les obsèques du pape, qui doivent durer neuf jours, et se terminer avant le conclave (1).

Hors des portes de Rome, et dans les états auparavant occupés par Valentinois, les convulsions politiques étoient plus rapides encore. Jean Paul Baglioni s'étoit associé à Barthélemi d'Alviano, capitaine de la maison Orsini, au service

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VI, p. 316. Raynaldi Annal. eccles. 1503, §. 12, p. 541. Petri Bembi histor. Veneta. L. VI, p. 135. Alfonso de Ulloa Vila di Carlo V. Lib. I, Jacopo Nardi. L. IV, p. 156.

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des Vénitiens. Avec son aide, il étoit rentré à CHAP. CIT. Pérouse ; il avoit chassé de Viterbe la faction des Gatti, et de Todi celle de Chiaravalle : il avoit tué ou pillé tous les citoyens enrôlés dans ces deux partis, qui étoient tombés entre ses mains. Fabio Orsini et les Savelli, poursuivant dans le patrimoine de Saint-Pierre tous ceux qui s'étoient rangés au parti de Valentinois, et ayant tué un membre de la famille Borgia, Fabio Orsini prit de son sang pour s'en laver les mains et la bouche (1). Tous les barons romains avoient recouvré les châteaux que le pape leur avoit enlevés; les Vitelli étoient rentrés dans Città di Castello, Jacques d'Appiano à Piombino, le duc d'Urbin, et les seigneurs de Pésaro, de Camérino et de Sinigallia, dans les états qu'ils avoient perdus (2). La Romagne seule ne fit aucun mouvement, et demeura dévouée au duc de Valentinois. Ses autres conquêtes étoient plus récentes; dans celle-ci il avoit déjà eu le temps de faire goûter les avantages de son gouvernement. Cet homme, si cruel et si faux dans sa politique, savoit fort bien ce qui pouvoit procurer la félicité de ses sujets; la justice étoit exercée scrupuleusement entre eux, et la sûreté publique étoit garantie d'une manière inviolable. Toutes

(1) Alfonso de Ulloa Vila di Carlo V. Lib. I, (2) Jacopo Nardi. L. IV, p. 156.

f. 32.

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