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1502.

dérés le cardinal Borgia en ôtage. Paul Orsini CHAP. C. en retour, arriva en effet à Imola le 25 octobre (1). Valentinois lui fit un accueil amical; il convint qu'il ne devoit accuser que sa propre imprudence, si des capitaines qui l'avoient servi jusqu'à ce jour avec tant de fidélité, s'étoient tout à coup aliénés de lui. C'étoit sa faute de n'avoir pas agi avec eux, de manière à les tenir en garde contre des soupçons si mal fondés. Mais puisque cette brouillerie n'avoit eu aucune cause réelle, il espéroit que loin de laisser entre eux des germes d'inimitié, elle établiroit au contraire une union, perpétuelle et indisso luble; car d'une part, ses capitaines voyant que le roi de France le secouroit de toute sa puissance, reconnoîtroient qu'ils ne pouvoient l'accabler; et d'autre part, lui-même avoit ouvert les yeux par cette expérience, et il confessoit ingénuement que c'étoit à leurs conseils et à leur valeur, qu'il devoit attribuer toute sa fé licité et toute sa réputation (2).

Les protestations de César Borgia étoient accueillies avec d'autant plus de confiance par Paul Orsini, qu'il étoit persuadé qu'un pape ne pouvoit se maintenir, lorsqu'il avoit en même temps contre lui sa famille et celle des

(1) Macchiavelli. Legaz. Ia, Lett. II, p. 8. hist. Fior. Lib. IV, p. 141.

(2) Fr. Guicciardini. Lib. V, p. 287.

TOME XIII.

Jacopo Nardi.

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CHAP. CI. Colonna. Telle fut son infatuation, que croyant ne courir aucun danger de la part du duc, lorsque celui-ci ne témoignoit aucun ressentiment, il signa avec lui, le 28 octobre, une convention, en vertu de laquelle toutes les injures reçues de part et d'autre, devoient être oubliées. La solde que les condottieri confédérés avoient eue autrefois dans les armées du duc devoit leur être conservée; ils s'engagoient à l'aider de toutes leurs forces, à recouvrer les états d'Urbin et de Camérino, sans s'obliger cependant à venir en personne dans ses armées, ou à se mettre en son pouvoir. Enfin, les différends du pape avec Jean Bentivoglio, sur la souveraineté de Bologne, devoient être soumis à l'arbitrage du cardinal Orsini, du duc de Valentinois, et de Pandolfe Pétrucci (1).

Mais cette convention, qui fut communiquée à Macchiavel, par un secrétaire du duc, avec un sourire ironique (2) avoit besoin, pour recevoir son effet, d'être ratifiée par le pape et par chacun des confédérés. Il ne fut pas difficile de traîner en longueur cette formalité, et d'augmenter ainsi la défiance de Jean Bentivoglio, qui voyoit avec beaucoup de peine ses intérêts de

(1) Macchiavelli envoie dans så lettre du 10 novembre, le texte de cette convention à la seigneurie. Legaz. Ia, Lett. VIII, p. 30. Jacopo Nardi Hist. Lib. IV, p. 141.

(2) Macchiavelli. Legaz. Ia, Lett. IV, p. 20.

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meurer en suspens, tandis que ceux de tous les car. et. autres étoient réglés. Valentinois en profita pour concluré avec lui, par l'entremise de son fils le protonotaire, un traité de paix particulier, qui fut signé à Imola le 2 décembre. Bentivoglio s'engagea à se détacher absolument des Vitelli et des Orsini; il promit de servir à ses frais le duc dans ses guerres, avec cent hommes d'armes et cent arbalêtriers à cheval; et à ce prix, sa souveraineté sur Bologne fut reconnue par l'Église de plus, il devoit payer à César Borgia, sous le titre de condotta, pour cent lances, douze mille ducats par année. Son fils Annibal devoit épouser la soeur de l'évêque d'Enna, nièce du duc de Valentinois. Enfin le roi de France, qui voyoit avec peine l'incorporation de Bologne à l'état de l'Église, le duc de Ferrare et les Florentins, devoient être garants de ce traité (1).

Cependant la ratification du traité des Orsini étant arrivée, et le traité de Bentivoglio étant signé, le duc d'Urbin comprit que quelque attachement que lui montrassent ses sujets, il ne pouvoit défendre sa principauté. Il se hâta donc de démolir toutes ses forteresses, pour n'avoir pas besoin de les assiéger dans des temps plus heureux, et il se retira à Città di Castello.

(1) Franc. Guicciardini. Lib. V, p. 288. Macchiavelli. Legaz. I, Lett. XIV, p. 48.

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CHAP. CI. Valentinois fit publier un pardon universel, pour les peuples soulevés du duché d'Urbin, et ils rentrèrent sous son obéissance le 8 décem- . bre (1).

L'état de Camérino suivit l'exemple de celui d'Urbin, et le seigneur s'enfuit de nouveau dans le royaume de Naples. Vitellozzo retira ses troupes de Fano, et la guerre paroissoit finie. Ce fut le moment que Valentinois choisit pour se mettre en mouvement avec son armée. Il partit d'Imola le 10 décembre (2).

La marche de Borgia, avec une si puissante armée, qui sembloit lui être devenue inutile, répandit l'inquiétude et l'effroi autour de lui. Les Vénitiens veilloient à la garde de leurs terres de Romagne, avec autant de défiance que si l'ennemi avoit été campé sous leurs murs; les Florentins craignoient que la réconciliation de tant de capitaines, qu'ils redoutoient tous également, ne se fût faite à leurs dépens; surtout les condottieri nouvellement rentrés en grâce avec le duc, commençoient à croire qu'ils pourroient bien être victimes de sa duplicité (3).

Jac. Nardi.

(1) Macchiavelli. Legaz I, Lett. XVI, p. 51.
I.. IV, p. 142. - Petri Bembi hist. F'en. Lib. VI, p. 131.
Jo. Burchardi Diar. Curiæ Roman. p. 2143.

(2) Macchiavelli. Legaz. Ia, L. XVII, p. 54.
Lib. IV, p. 142.

- Jac. Nardi.

(3) Macchiavelli. Legaz. Ia, Lett. XVII et XVIII, p. 54 et 55.

Mais tout à coup, le 22 décembre, les quatre cent cinquante lances françaises qui accompa⚫gnoient le duc, le quittèrent à Césène, et reprirent la route de Bologne, sans qu'on pût comprendre si une brouillerie subite avec la France les y avoit déterminées, ou si elles étoient rappelées dans le duché de Milan par quelque besoin imprévu (1). Borgia toutefois, abandonné par la moitié de ses forces, et délaissé, du moins en apparence, par l'allié qui avoit inspiré tant de terreur, continua sa marche dans un appareil bien moins menaçant. Il lui restoit deux mille cinq cents fantassins ultramontains et autant d'Italiens. Olivérotto de Fermo fut le premier des confédérés de la Magione qui osât se rendre auprès de lui. Ils mirent ensemble en délibération s'ils attaqueroient la Toscane ou Sinigallia, et César Borgia se décida pour Sinigallia. Cette petite principauté étoit gouvernée par une fille du précédent duc d'Urbin, Frédéric, qu'on nommoit la préfetesse. Le pape Sixte IV l'avoit fait épouser à son neveu, Jean de la Rovère, qu'il avoit nommé préfet de Rome. Demeurée veuve, elle avoit envoyé François Marie de la Rovère, son fils, en France, pour l'y mettre en sûreté contre les embûches de Valentinois; il étoit héritier présomptif du duché d'Ur

(1) Macchiavelli. Legaz. Ia, Lett. XIX, p. 60.

CHAP. CI.

1502,

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