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Paris. Typographie de Firmin Didot frères, fils et Ce, rue Jacob, 56.

DICTIONNAIRE HISTORIQUE

DE LA

LANGUE FRANÇAISE

COMPRENANT

L'ORIGINE, LES FORMES DIVERSES, LES ACCEPTIONS SUCCESSIVES DES MOTS,

AVEC UN CHOIX d'exemples TIRÉS DES ÉCRIVAINS LE PLUS AUTORISÉS,

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Droit d'auteur reserve.

Transper to 27 siago 6-17-85
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AVERTISSEMENT.

L'Académie française, chargée, dès son origine, par la loi même de son institution, de composer le Dictionnaire de la langue, s'est acquittée de cette tâche dans des temps de perfectionnement social et littéraire, où la langue, sans se fixer invariablement, ce qui ne sera jamais, arrivait cependant à un certain degré de stabilité et de permanence. Elle s'est appliquée à reproduire fidèlement l'ensemble à peu près définitif de notre vocabulaire, de nos locutions, de nos tours, d'après la pratique commune, dans ce qui s'est appelé, par cette raison, le dictionnaire de l'usage, tenant compte, à chaque édition nouvelle, où s'améliorait son œuvre, des changements partiels que, depuis l'édition précédente, l'usage avait pu subir.

A côté de cet inventaire toujours ouvert et toujours incomplet, qu'il n'est à propos toutefois de compléter qu'à d'assez longs intervalles, il y avait place pour un recueil d'un genre différent, dans lequel on ne se bornerait pas à exposer l'état de la langue à une époque déterminée, mais où on la considérerait dans toute la durée de son développement; où les mots seraient suivis, à travers toutes leurs vicissitudes de forme, de construction, d'acception, depuis leur origine jusqu'au temps présent; où l'autorité de l'usage, constatée par une sorte de notoriété actuelle, ne serait plus seule invoquée, mais aussi, et surtout, celle des monuments écrits de tout âge dont se compose l'histoire de notre littérature; il y avait place, en un mot, pour un Dictionnaire historique de la langue française.

C'est ce nouveau Dictionnaire dont l'Académie, après de longues études et de nombreux essais, commence la publication, appelant sur ces premières feuilles les observations d'une critique éclairée.

Elle a d'abord à faire connaître dans quelles limites il lui a paru convenable de se renfermer, quelle méthode de recherches et d'exposition elle a cru devoir adopter. La langue dont elle a entrepris de rédiger en quelque sorte l'histoire est uniquement celle de la vie ordinaire et de la littérature. En dehors de cette langue commune à tous, les diverses sciences, les diverses professions, les divers métiers

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ont leurs termes à part, d'un sens unique et invariable, sans nuances, par conséquent sans histoire possible, qu'on ne peut que définir, et dont il convient le plus souvent de réserver l'explication aux ouvrages spéciaux. C'est le parti qu'a pris en général l'Académie, sauf le cas où des expressions scientifiques et techniques avaient servi à un usage littéraire, étaient entrées dans la circulation commune; sauf le cas encore où des expressions du langage ordinaire avaient reçu, de la spécialité de certains langages qui les avaient adoptées, une acception particulière.

Ces emprunts mutuels devaient être remarqués. Ils ont, d'une double manière, mis les mots en valeur, et, par là, fécondé la langue. Combien la chasse, la guerre, la marine, ne lui ont-elles pas fourni d'expressions heureusement figurées! Combien n'en a-t-elle pas dû aux objets souvent renouvelés de nos préférences morales, à la théologie, à la philosophie, à la jurisprudence, aux sciences mathématiques et physiques! Ce sont, pour ainsi dire, autant de couches successives dont s'est accrue à diverses époques la richesse du sol. Quant à ces mots du langage ordinaire, qu'un procédé contraire d'application métaphorique a transportés dans la langue des sciences, des arts et même des métiers, n'a-t-on pas dit, pour n'en citer que cet exemple, en parlant de pierres précieuses, dures et difficiles à travailler, qu'elles sont fières sous l'outil (1)?

L'Académie n'a pas non plus compris dans sa tâche, déjà bien considérable, les mots de l'ancien français depuis longtemps hors d'usage. Il lui a semblé que ces mots devaient être l'objet d'un glossaire à part, dont la matière se prépare encore dans les savants travaux entrepris en si grand nombre depuis quelques années sur les monuments des premiers âges de notre littérature. Seulement on ne s'est point interdit de rappeler, à l'occasion de mots toujours subsistants, ceux de même famille auxquels ils ont survécu. Il y avait, a-t-on pensé, de l'utilité, de l'intérêt à suivre chez tous, avec la trace sensible de leur commune origine, de leur étroite parenté, les nuances, les diversités d'acception qui avaient pu s'y produire, la variété des services qu'on en avait tirés, à les expliquer ainsi les uns par les autres. Que d'occasions en outre de pénétrer dans le secret des raisons qui règlent la plupart du temps la fortune en apparence toute accidentelle des mots, qui les font vieillir et les rajeunissent, les bannissent et les rappellent, les maintiennent et les abrogent!

Il y en a de bien des sortes. C'est assez souvent, sans doute, le caprice de l'usage, l'abandon ou le retour de sa faveur inconstante, ses préférences arbitraires et souveraines :

Multa renascentur quæ jam cecidere, cadentque

Quæ nunc sunt in honore vocabula, si volet usus,
Quem penes arbitrium est, et jus, et norma loquendi.

(1) MARIETTE, Traité des pierres gravées. Voyez plus loin l'article AGATE.

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