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HISTOIRE

DES ORACLES.

PRÉFACE.

IL

y a long-temps qu'il me tomba entre les mains un livre latin sur les Oracles des Païens, composé depuis peu par Van-Dale, docteur en médecine, et imprimé en Hollande. Je trouvai que cet auteur détruisait, avec assez de force, ce que l'on croit communément des oracles rendus par les démons, et de leur cessation entière à la venue de Jésus-Christ; et tout l'ouvrage me parut plein d'une grande connaissance de l'antiquité, et d'une érudition très étendue. Il me vint en pensée de le traduire, afin que les femmes, et ceux même d'entre les hommes qui ne lisent pas volontiers du latin, ne fussent point privés d'une lecture si agréable et si utile. Mais je fis réflexion qu'une traduction de ce livre ne serait pas bonne pour l'effet que je prétendais. Van Dale n'a écrit que pour les savans, et il a eu raison de négliger des agrémens dont ils ne feraient aucun cas. Il rapporte un grand nombre de passages qu'il cite très fidèlement, et dont il fait des versions d'une exactitude merveilleuse, lorsqu'il les prend du grec; il entre dans la discussion de beaucoup de points de critique, quelquefois peu nécessaires, mais toujours curieux. Voilà ce qu'il faut aux gens doctes. Qui leur égayerait tout cela par des réflexions, par des traits, ou de morale, ou même de plaisanterie, ce serait un soin dont ils n'auraient pas

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grande reconnaissance. De plus, Van-Dale ne fait nulle difficulté d'interrompre très souvent le fil de son discours, pour y faire entrer quelqu'autre chose qui se présente; et dans cette parenthèse là, il y enchâsse une autre parenthèse, qui même n'est peut-être pas la dernière. Il a encore raison; car ceux pour qui il a prétendu écrire, sont faits à la fatigue en matière de lecture, et ce désordre savant ne les embarrasse pas. Mais ceux pour qui j'aurais fait une traduction, ne s'en fussent guère accommodés, si elle eût été en cet état. Les dames, et pour ne rien dissimuler, la plupart des hommes de ce pays-ci, sont bien aussi sensibles à l'agrément, ou du tour, ou des expressions, ou des pensées, qu'à la solide beauté des recherches les plus exactes, ou des discussions les plus profondes. Surtout, comme on est fort paresseux, on veut de l'ordre dans un livre, pour être d'autant moins obligé à l'attention. Je n'ai donc plus songé à traduire, et j'ai cru qu'il valait mieux, en conservant le fond et la matière principale de l'ouvrage, lui donner toute une autre forme. J'avoue qu'on ne peut pas pousser cette liberté plus loin que j'ai fait; j'ai changé toute la disposition du livre, j'ai retranché tout ce qui m'a paru avoir peu d'utilité en soi, ou trop peu d'agrément pour récompenser le peu d'utilité; j'ai ajouté, non-seulement tous les ornemens dont j'ai pu m'aviser, mais encore assez de choses qui prouvent ou qui éclaircissent ce qui est en question. Sur les mêmes faits et sur les mêmes passages que me fournissait Van-Dale, j'ai quelquefois raisonné autrement que lui; je ne me suis point fait un scrupule d'insérer beaucoup de raisonnemens qui ne sont que de moi ; enfin, j'ai refondu tout l'ouvrage, pour

le remettre dans le même état où je l'eusse mis d'abord selon mes vues particulières, si j'avais eu autant de savoir que Van-Dale. Comme j'en suis extrêmement éloigné, j'ai pris sa science, et j'ai hasardé de me servir de mon esprit tel qu'il est; je n'eusse pas manqué sans doute de prendre le sien, si j'avais eu affaire aux mêmes gens que lui. Au cas que ceci vienne à sa connaissance, je le supplie de me pardonner la licence dont j'ai usé; elle servira à faire voir combien son livre est excellent, puisque assurément ce qui lui appartient ici paraîtra encore tout-à-fait beau, quoiqu'il ait passé par mes

mains.

Au reste, j'apprends depuis peu deux choses qui ont rapport à ce livre. La première, que j'ai prise dans les Nouvelles de la République des Lettres, est que Moëbius, doyen des professeurs en théologie à Leipsick, a entrepris de réfuter Van-Dale. Véritablement il lui passe que les oracles n'ont pas cessé à la venue de Jésus-Christ, ce qui est effectivement incontestable, quand on a examiné la question; mais il ne lui peut accorder que les démons n'aient pas été les auteurs des oracles. C'est déjà faire une brèche très considérable au système ordinaire, que de laisser les oracles s'étendre au-delà du temps de la venue de Jésus-Christ; et c'est un grand préjugé qu'ils n'ont pas été rendus par des démons, si le Fils de Dieu ne leur a pas imposé silence. Il est certain que selon la liaison que l'opinion commune a mise entre ces deux choses, ce qui détruit l'une ébranle beaucoup l'autre, ou même la ruine entièrement; et peut-être après la lecture de ce livre, entrera-t-on encore mieux dans cette pensée; mais ce qui est plus remarquable, c'est que par l'extrait de la

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