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COMPLÈTES

DE

BOILEAU-DESPRÉAUX

NOUVELLE ÉDITION

CONFORME AU TEXTE DONNÉ PAR BERRIAT-SAINT-PRIX

AVEC

LES NOTES DE TOUS LES COMMENTATEURS

PUBLIÉE

PAR M. PAUL CHERON

DE LA BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE

PRÉCÉDÉE D'UNE NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE BOILEAU

PAR

C. A. SAINTE-BEUVE

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

ET SUIVIE DU BOLEANA, D'UN EXTRAIT DE LA HARPE, ETC.

ILLUSTRÉE DE VIGNETTES SUR ACIER D'APRÈS LES DESSINS DE G. STAAL
GRAVÉES PAR F. DELANNOY

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NOTICE SUR BOILEAU'

Depuis vingt-cinq et trente ans, le point de vue en ce qui regarde Boileau a fort changé. Lorsque sous la Restauration, à cette heure brillante des tentatives valeureuses et des espérances, de jeunes générations arrivèrent et essayèrent de renouveler les genres et les formes, d'étendre le cercle des idées et des comparaisons littéraires, elles trouvèrent de la résistance dans leurs devanciers; des écrivains estimables, mais arrêtés, d'autres écrivains bien moins recommandables et qui eussent été de ceux que Boileau en son temps ent commencé par fustiger, mirent en avant le nom de ce législateur du Parnasse, et, sans entrer dans les différences des siècles, citèrent à tout propos ses vers comme les articles d'un code. Nous fimes alors, nous qui étions jeunes (et je ne me repens de ce temps-là qu'à demi), ce qu'il était naturel de faire; nous prîmes les OEuvres de Boileau en elles-mêmes quoique peu nombreuses, elles sont de force inégale; il en est qui sentent la jeunesse et la vieillesse de l'auteur. Tout en rendant justice à ses belles et saines parties, nous ne le fimes point avec plénitude ni en nous associant de cœur à l'esprit même de l'homme Boileau, personnage et autorité, est bien plus considérable que son œuvre, et il faut de loin un certain effort pour le ressaisir tout entier. En un mot, nous ne fimes point alors sur son compte le travail historique complet, et nous restàmes un pied dans la polémique.

Aujourd'hui, le cercle des expériences accompli et les discussions épuisées, nous revenons à lui avec plaisir. S'il m'est permis de parler pour moi-même, Boileau est un des hommes qui m'ont le plus occupé depuis que je fais de la critique, et avec qui j'ai le plus vécu en

Cette Notice est tirée du tome VI des Causeries du Lundi

idée. J'ai souvent pensé à ce qu'il était, en me reportant à ce qui nous avait manqué à l'heure propice, et j'en puis aujourd'hui parler, j'ose le dire, dans un sentiment très-vif et trèsprésent.

Né le 1er novembre 1656, à Paris, et, comme il est prouvé aujourd'hui, rue de Jérusalem, en face de la maison qui fut le berceau de Voltaire', Nicolas Boileau était le quinzième enfant d'un père greffier de grand'chambre au Parlement de Paris. Orphelin de sa mère en bas âge, il manqua des tendres soins qui embellissent l'enfance. Ses premières études, ses classes, furent traversées, dès la quatrième, par l'opération de la pierre qu'il eut à subir. Sa famille le destinait à l'état ecclésiastique, et il fut d'abord tonsuré: Il fit sa théologie en Sorbonne, mais il s'en dégoûta, et, après avoir suivi ses cours de droit, il se fit recevoir avocat. Il était dans sa vingt et unième année quand il perdit son père, qui lui laissa quelque fortune, assez pour être indépendant des clients ou des libraires, et, son génie dès lors l'emportant, il se donna tout entier aux lettres, à la poésie, et, entre tous les genres de poésie, à la satire.

Dans cette famille de greffiers et d'avocats dont il était sorti, un génie satirique circulait en effet. Nous connaissons deux frères de Boileau, Gilles et Jacques Boileau, et tous deux sont marqués du même caractère, avec des différences qu'il est piquant de relever et qui serviront mieux à définir leur cadet illustre.

Gilles Boileau, avocat et rimeur, qui fut de l'Académie française vingt-cinq ans avant Despréaux, était de ces beaux-esprits bourgeois et malins, visant au beau monde à la suite de Boisrobert, race frelone éclose de la Fronde et qui s'égayait librement pendant le ministère de Mazarin. Scarron, contre qui il avait fait une épigramme assez spirituelle, dans laquelle il compromettait madame Scarron, le définissait ainsi dans une lettre adressée au surintendant Fouquet : « Boileau, si connu aujourd'hui par sa médisance, par la perfidie' qu'il a faite à M. Ménage, et par la guerre civile qu'il a causée dans l'Académie, est un jeune homme qui a commencé de bonne heure à se gâter soi-même, et que, depuis, ont achevé de gater quelques approbateurs... » Gilles Boileau, quand il était en voyage, portait dans son sac de nuit les Satires de Regnier, et, d'ordinaire, il présidait au troisième pilier de la grand'salle du Palais, donnant le ton aux clercs beaux-esprits. On l'appelait le grammairien Boileau, Boileau le critique. C'est assez pour montrer qu'il ne lui manquait que plus de solidité et de goût pour essayer à l'avance le rôle de son frère; mais l'humeur et l'intention satiriques ne lui manquaient pas.

Jacques Boileau, autrement dit l'abbé Boileau, docteur en Sorbonne, longtemps doyen de l'église de Sens, puis chanoine de la Sainte-Chapelle, était encore de la même humeur, mais avec des traits plus francs et plus imprévus. Il avait le don des bons mots et des reparties. C'est lui qui, entendant dire un jour à un jésuite que Pascal, retiré à Port-Royal-des-Champs,

Voir les Recherches historiques sur l'hôtel de la Préfecture de Police, par M. Labat (1844), p. 24.

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