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Où s'endort un efprit de moileile hébeté.

La fatire en leçons, en nouveautés fertile,
Sait feule affaifonner le plaifant & l'utile;

Et d'un vers qu'elle épure aux rayons du bon fens,
Détromper les efprits des erreurs de leur temps.
Elle feule bravant l'orgueil & l'injustice,

Va jufque fous le dais faire palir le vice,

Et fouvent fans rien craindre, à l'aide d'un bon mot
Va venger la raifon des attentats d'un fot.
(m) C'eit ainfi que Lucile, appuyé de Lélie,
Fit juftice en fon temps des Cotin d'Italie,
Et qu'Horace jerant le fel à pleines mains,
Se jouoit aux dépens des Pelletier Romains.
C'est elle qui, m'ouvrant le chemin qu'il faut fuivre,
M'infpira dès quinze ans la haine d'un fot livre;
Et fur ce mont fameux où j'ofai la chercher,
Fortifia mes pas & m'apprit à marcher:

C'eft pour

Et

elle, en un mot, que j'ai fait vou d'écrire.. Toutefois, s'il le faut, je veux bien m'en dédire pour calmer enfin tous ces flots d'ennemis, Réparer en mes vers les maux qu'ils ont commis. Puifque vous le voulez, je vais changer de ftyle.. Je le déclare donc, Quinaut eft un Virgile. Pradon comme un foleil en nos ans a paru. Pelletier écrit mieux qu'Ablancourt ni Patru. Cotin à fes fermons traînant toute la terre, Fend les flots d'auditeurs pour aller à fa chaire.. Saufal eft le phénix des efprits relevés : Perrin.... Bon, mon efprit, courage, pourfaivez.. Mais ne voyez-vous pas que leur troupe en furie,, Va prendre encor ces vers pour une raillerie?

(m) Perfe pour s'excufer de ce qu'il faifoit des fatires, fat. Dip

.114.

Sequit Lucilius urbem

Te lupe, te muri, & genuinum fregit in illis..
Omne vafer vitium ridenti flaccus amico.

Tangit, &c.

Voyez un paffage d'Horace là deffus, eité fur la fåt. VII.

'Et Dieu fait, aufli-tôt, que d'auteurs en courroux,
Que de rimeurs bleffés s'en vont fondre fur vous!:
Vous les verrez bientôt féconds en impoftures,
Amaffer contre vous. des volumes d'injures,
Traiter en vos écrits chaque vers d'attentat,..
Et d'un mot innocent faire un crime d'état.
Vous aurez beau vanter le roi dans vos ouvrages,
Et de ce nom facré fanctifier vos pages;

Qui méprife Cotin, n'eftime point fon roi,
Et n'a, felon Cotin, ni Dieu, ni foi, ni loi.
Mais quoi! répondez-vous, Cotin nous peut-il nuire
Et par fes cris enfin que fauroit-il produire ?
Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas,
L'entrée aux penfions où je ne prétends pas?
Non, pour louer un roi, que tout l'univers loue,
Ma langue n'attend point que l'argent la dénoue;.
Et fans efpérer rien de mes foibles écrits,
L'honneur de le louer m'eft un trop digne prix..
On me verra toujours fage dans mes caprices,
De ce même pinceau dont j'ai noirci les vices,
Et peint du nom d'auteurs tant de fots revêtus,
Lui marquer mon refpe&t, & tracer fes vertus.

Je vous crois, mais pourtant on crie, on vous:

menace.

Je crains peu, direz-vous, les braves du Parnafle.

Hé, mon Dieu ! craignez tout d'un auteur en courroux, Qui peut.... Quoi! Je m'entends. Mais encor?

Taifez-vous...

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X.

SATIRE
ENFIN bornant le cours de tes galanteries,

Alcipe, il eft donc vrai, dans peu tu te maries;
Sur l'argent, c'eft tout dire, on eft déjà d'accord
Ton beau-pere futur vuide fon coffre-fort:
Et déjà le notaire a, d'un ftyle énergique,
Griffonné de ton joug l'inftrument authentique
C'eft bien fait. Il eft temps de fixer tes defirs..
Ainfi que fes chagrins l'hymen a fes plaifirs.
Quelle joie en effet, quelle douceur extrême:
De fe voir careffer d'une époufe qu'on aime;
De s'entendre appeller petit cœur, ou mon bon;
De voir autour de foi croître dans fa maison,
Sous les paifibles loix d'une agréable mere,
De petits citoyens dont on croit être pere!
Quel charme! au moindre mal qui nous vient menacer
De la voir auffi-tôt accourir, s'empreifer,
S'effrayer d'un péril qui n'a point d'apparence,
Et fouvent de douleur fe pamer par avance!
Car tu ne feras point de ces jaloux affreux,
Habiles à fe rendre inquiets, malheureux,
Qui, tandis qu'une épouse à leurs yeux fe défole,.
Penfent toujours qu'un autre en fecret la confole.
Mais quoi, je vois déjà que ce difcours t'aigrit..
Charmé du Juvenal (a), & plein de fon efprit,
Venez-vous, diras-tu, dans une piece outrée,
(b) Comme lui nous chanter: (c) que dès le temps de
Rhée,

(a) Juvenal a fait une fatire contre les femmes, qui eft fom plus bel ouvrage.

(b) Juvenal, fat. VI, 23.

Omne aliud crimen mox ferrea protulit atas,

Viderunt primos argentea fæcula mochos.

(c) Paroles du commencement de la fatire de Juvenale

La chafteté déjà, la rougeur fur le front,
Avoit chez les humains reçu plus d'un affront
Qu'on vit avec le fer naitre les injuftices,
L'impiété, l'orgueil, & tous les autres vices;
Mais que la bonne foi dans l'amour conjugal
N'alla point jufqu'au temps du troisieme métal.
Ces mots ont dans fa bouche une emphafe admirable
Mais je vous dirai, moi, fans alléguer la fable,
Que fi fous Adam même, & loin avant Noé,
Le vice audacieux, des hommes avoué,

A la trifte innocence en tous lieux fit la

guerre,
Il demeura pourtant de l'honneur fur la terre;
Qu'aux temps les plus féconds en Phrynez, en Laïs,
Plus d'une Pénélope honora fon pays;

Et que même aujourd'hui, fur ce fameux modele,
On peut trouver encor quelque femme fidelle.
Sans doute ; & dans Paris, fi je fais bien compter
Il en eft jufqu'à trois que je pourrois citer.
Ton époufe dans peu fera la quatrieme.

Je le veux croire ainfi : mais la chafteté même,
Sous ce beau nom d'époufe, entra-t-elle chez toi:
De retour d'un voyage, en arrivant, crois-moi,
Fais toujours du logis avertir la maîtreffe :
Tel partit tout baigné des pleurs de fa Lucrece,
Qui, faute d'avoir pris ce foin judicieux,
Trouva..... Tu fais..... Je fais que d'un conte odieux,
Vous avez, comme moi, fali votre mémoire:
Mais laiffons là, dis-tu, Joconde & fon hiftoire.
Du projet d'un hymen déjà fort avancé,
Devant vous aujourd'hui criminel dénoncé,

Et mis fur la fellette aux pieds de la critique,

Je vois bien tout de bon qu'il faut que je m'explique.
Jeune autrefois, par vous dans le monde conduit,
J'ai trop bien proâte, pour n'etre pas inftruit.
A quels difcours malins le mariage expofe!
Je fais que c'est un texte où chacun fait fa glofe :
Que des maris trompés, tout rit dans l'univers;
Epigrammes, chanfons, rondeaux, fables en vers
Satire, comédie: & fur cette matiere,

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J'ai vu tout ce qu'ont fait la Fontaine & Moliere,
J'ai la tout ce qu'ont dit Villon & Saint-Gelais,
Ariofte, Marot, Bocace, Rabelais,

Et tous ces vieux recueils de fatires naïves,
Des malices du fexe immortelles archives..
Mais, tout bien balancé, j'ai pourtant reconnu.
Que de ces contes vains le monde entretenu
N'en a pas de l'hymen moins vu fleurir l'ufage;
Que fous ce joug moqué, tout à la fin s'engage;
Qu'à ce commun filet les railleurs même pris
Ont été très fouvent de commodes maris;
Et que pour être heureux fous ce joug falutaire,
Tout dépend, en un mot, du bon choix qu'on fait faire
Enfin, il faut ici parler de bonne foi,

Je vieillis, & ne puis regarder fans effroi
Ces neveux affamés, dont l'importun vifage
De mon bien à mes yeux fait déjà le părtage..
Je crois déjà les voir au moment annoncé,
Qu'à la fin, fans retour, leur cher oncle eft paffé,
Sur quelques pleurs forcés, qu'ils auront foin qu'on voie,
Se faire confoler du fujet de leur joie,

Je me fais un plaifir à ne vous rien celer,

De pouvoir, moi vivant, dans peu les défoler;
Et trompant un efpoir pour eux fi plein de charmes,.
Arracher de leurs yeux de véritables larmes.

Vous dirai-je encor plus? Soit foiblefse ou raison,,
Je fuis las de me voir les foirs en ma maison
Seul avec des valets, fouvent voleurs & traîtres,
Et toujours à coup für ennemis de leurs maîtres.
Je ne me couche point, qu'auffi-tôt dans mon lit:
Un fouvenir facheux n'apporte à mon efprit
Ces hiftoires de morts lamentables, tragiques,
Dont Paris tous les ans peut groffir fes chroniques.
Dépouillons-nous ici d'une vaine fierté.

Nous naiffons, nous vivons pour la fociété..

A nous-mêmes livrés dans une folitude,

Notre bonheur bientôt fait notre inquiétude;
Et fi, durant un jour, notre premier aïeul,
Plus riche d'une côte, avoit vécu tout feul,

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