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ces trente bouillons reçus la matinée,
Viennent favoir quel eft le bouillon favori;
Mais cet homme de Dieu qui n'a jamais menti,
Les prend l'une après l'autre, & leur dit à l'oreille;
Que votre confommé, ma fille, a fait merveille!
Mais ne raillé-je point par un efprit d'aigreur?.
Non, c'est par charité que je fais le railleur ;

Car tous ces mots plaifants qui font valoir mes rimes,,
Sont des voiles chrétiens qui couvrent bien des crimes..
Oui, fi comme Agnès je parlois fimplement,

Et fi je ne couvrois le vice d'enjouement,
Sa nudité fans doute offen feroit la vue;
La vertu feule a droit de plaire toute nue.
Dirai-je ingénument, un tel prêtre fait mal,
De ne fe point fervir de confeffionnal.
Nez à nez, joue à joue, il confeffe les dames,
Il tient toujours long-temps toutes les belles femmes..
Il veut toujours favoir comme font les maris :
Il est tellement fou de fa dévote Iris,

Qu'il eft même jaloux de quiconque la loue.
Quand il part pour les champs, il lui dit à la joue,
Adieu, ma chere fille; adieu, mon tendre cœur :
Aimez bien votre pere, aimez bien le Seigneur;
Soyez toute à tous deux : plus d'amants en campagne;
Sur-tout ne fouffrez point l'abbé de la Perfagne :
Il fait le fcrupuleux, il ne l'eft point du tout;
Il poufferoit bientôt une Lucrece à bout.
D'ailleurs pour un galant fon bien eft affez mince ›
Il eft gueux à Paris autant qu'à la province:
Il n'a jamais chez lui vu que des déjeunés.
Et de quoi vit-il donc ? Il vit, ou des dînés
Qu'il va toujours quêter de famille en famille,...
Ou des collations qu'il attrape à la grille:
Car il va fouvent là s'offrir pour des fermons,,
Qu'on dit être farcis de cent termes Gafcons.
Ceci, ma chere fille, eft dit fans 'médifance,.
Ce n'eft que pour le bien de votre confcience..
Hé bien, fi vous voulez de la fimplicité
En voilà; mais pourrois-je avoir la cruauté

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De faire ici paffer chaque fot en revue,

Pour les percer des traits d'une langue ingénue?
Non, ce feroit médire, au lieu de cenfurer.

Je dois mordre, il eft vrai, mais non pas déchirer,
Ne découvrons donc point toutes les amourettes
De ceux qui vont tenter jufqu'à des fœurs collettes,
Et qui lachant la bride à d'infames defirs,
Dans un long facrilege épuifent leurs plaifirs.
Laiffons là ce cher pere & cette chere fille,
Que l'autre jour Defgrais logea dans la baftille,
Et qui niant toujours les crimes découverts,
N'ont fait depuis qu'un faut de la Greve aux enfers..
Que celui qui mena fa pénitente à Londre,
Afin qu'en fureté la poulette y put pondre.
Que ces deux, qu'une vielle a vu dans un endroit
Régler à coups de poing qui la dirigeroit.
Que celui qui jamais ne prit aucun clyftere,
Que loifque fa devote a fait l'apothicaire.
Que celui qui trouvant Philis malade au lit,
Tate par-tout pour voir fi fon accès finit.
Que ce prêtre zélé, qui pour les moindres fautes,,
La difcipline en main fuitigeoit fes dévotes.
Que celui qui voulant mortifier leur chair,
Lui-même leur mettoit des ceintures de fer.

Que mille autres encor, dont nous n'ofons rien dire,
Ne foient jamais pour nous des fùjers de fatire :
Car fi nous prétendons que leurs cours foient touchés,,
Laiffons là les pécheurs, & n'allons qu'aux péchés ;
Et fur ces péchés même ufons de retenue,
Ne montrons que le bufte, & cachons la ftatue;
Ou pour avoir un ftyle encore plus chrétien,
Ne faifons voir le mal qu'en faifant voir le bien ::
On peut par la bonté diftinguer la malice,
Et la vertu fuffit pour détourner le vice.
Paroiffez donc ici, vertueux directeurs,
Venez purifier mes rimes par vos mœurs :
Je n'ai que trop long-temps infecté ma fatire,,
De l'air contagieux que le crime respire.

Pardon, cenfeur chrétien; pardon, pieux lecteur

Si quelqu'un de mes vers r'a fait bondir le cœur ;
J'ai cru ne rien cacher de tout ce qui t'effraie;
Pour guérir les bleffés, il faut fonder la plaie :
Mais vous, fiers libertins, goguenards impudents,
Vous auffi, faux zélés, calviniftes mordants,
N'allez pas vous fervir des traits de ma colere,.
Contre les directeurs que l'églife révere.

Nous blâmons, comme vous, les cours des pharifiens
Comme nous donc auffi, louez les cours chrétiens.
Le bien doit toujours plaire. Entre tous les apôtres,
Vous en déteftez un, détestez-vous les autres?
Hé quoi ! fi dans la fange un impie est tombé,
Un faint au même endroit doit-il être embourbé?
Non, louez donc tous ceux qui, comme Bourdaloue,
Débourbent les pécheurs, fans être dans la boue,
Et qui, par l'onction d'un air mortifié,
Embaument les chrétiens qu'ils ont purifié;
Ils ne confentent point à ces folles tendreffes,
Qui les rendraient pécheurs auprès des péchereffes 3
Ils ont le cœur d'un pere, & non pas d'un amant,
Le prêtre feul dans eux agit inceffamment:
On les voit fans fcandale aimer des Magdelaines,
Ne parler que d'eau vive à des Samaritaines,
Sous l'habit du pasteur ne point cacher de loups,
Sans baffeffe d'efprit fe faire tout à tous;
Inftruire également la foubrette & la dame,
S'intéreffer pour l'homme autant que pour la femmes
Courir tout l'univers pour fauver les pécheurs,
Et devenir enfin de feconds rédempteurs.
Vous ne verrez jamais de faints juges se plaire,
A trop interroger une femme adultere;
Quand elle aura promis de ne pécher jamais,
Ils ne fongeront plus qu'à l'envoyer en paix.
Vous ne les verrez point par politique humaine
Sécher dans l'embarras d'une affaire mondaine ;.
Tout médecin du ciel ne doit s'inquiéter
Que d'un Lazare mort qu'il faut reffufciter.
S'ils exhortent Marie à devenir fervente,
La bienféance veut que Marthe foit préfente..

Ils n'ofent d'un hymen conduire le fecret,
Ni même se trouver au feftin qu'on y fait ;
Car ce n'eft plus le temps de faire des miracles:
Enfin toutes leurs mœurs, comme de faints oracles,
T'apprennent, directeur, que pour devenir grand,
Tu dois rendre, comme eux, l'évangile vivant;
Et que tu foutiens mal ta dignité fuprême,
Si le Seigneur dans toi n'eft bien plus que toi-même.

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Contre une mere coquette, qui donnoit mauvais exemple à fa fille, qui n'avoit encore que fix ans : elle fut faite en l'année 1687.

MERE, crains pour ta fille; elle examine en tor

L'efprit, l'air, tout enfin, jufqu'au je ne fais quoi.
Le pis pour cet enfant, dont tu fais les délices,
C'eft qu'elle aime bien moins tes vertus que tes vices.
Ne r'imagines plus que fa fimplicité

Puifle contre tes moeurs la mettre en fûreté.
Quoiqu'ailleurs quelquefois fon enfance fommeille,
Elle et auprès de toi tour œil & toute oreille.
Quand donc elle t'a vu t'occuper ff long-temps
A planter fur fa tête un jardin (a) de rubans ;
Quand fon œil curieux admire à ta toilette
L'étalage galant d'un buffet de coquette;
Quand elle y voit fur-tout la drogue & le pinceau,
Qui fervent les matins à te repeindre en beau
Quand un mouchoir mal mis, mais non pas par
mégarde,

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(a) Les femmes mettoient fur leur tête une grande quan aite de rubans, qu'elles appelloient le chou, la pålissade„G

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Te découvre en l'endroit que tu veux qu'on regarde.
Quand dans ton cabinet elle te voit les foirs
Tenir avant le bal un conseil de miroirs,
Changer en faux printemps ta véritable automne
Et ne montrer en toi rien moins que ta perfonne ;
Enfin quand elle a vu qu'on ne te fait la cour
Qu'après que tu t'es fait ton vifage de jour,
Crois-tu qu'elle ait jamais cette fainte fageffe
Que l'on puife à Saint-Cyr dès la tendre jeuneffe?
Non, car tu dois un jour la voir avec effroi,
Courir dans ta carriere encor plus loin que
Et ne fe plus borner à la feule manie,
De mettre comme toi des feux à l'agonie.

toi,

Mais l'époux qu'elle aura fe mettroit en courroux!! Eft-ce qu'une coquette a peur de fon époux ? Dès qu'une femme adore un fou qui la rend folle, Dès qu'elle eft d'un galant l'idolâtre & l'idole, Auffi-tôt fon époux n'eft vu qu'avec dédain. Auffi qu'eft-il chez lui ? Rien; un Georges dandin. S'il devenoit pourtant commode & pacifique, Madame le feroit fon premier domestique.

Ta fille aura, dis-tu, quelqu'un de ces maris Qui prônent qu'une femme, en faisant un fouris Peche formellement contre le décalogue.

Mere, qu'on le plaindra ton gendre pédagogue f Qui, dès qu'il aura vu fes plus grandes leçons, Près du premier blondin devenir des chanfons, Ira dans le palais, fuivi de fa famille, Se confeffer tout haut des péchés de ta fille, Y joindre auffi les tiens, & ceux de fuborneur, Et fouffrir mille affronts pour fauver fon honneur.. Ainfi ta fille alors, condamnée en justice, Ira dans un couvent perpétuer fon vice, Quand même elle devroit fe blotir dans un tour,, Pour paffer du côté que fera fon amour.

Blâme-lui cette Iris, qui, pour cacher fon âge, De faux jour en faux jour fait paffer fon vifage, Et qui poudre fi fort fes cheveux blanchiffants, Qu'on croit qu'ils font tout noirs, quand on les voit tout blancs.

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