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probité & de justice! quel fonds inépuifable de pieté & de zele! Bien que fa vertu jettast un fort grand éclat au dehors, c'eftoit toute autre chose au dedans ; & on voyoit bien qu'il avoit foin d'en temperer les rayons, pour ne pas bleffer les yeux d'un fiecle auffi corrompu que le noftre. Je fus fincerement épris de tant de qualitez admirables; & s'il eut beaucoup de bonne volonté pour moy, j'eus auffi pour lui une tres-forte attache. Les foins que je lui rendis ne furent meflez d'aucune raifon d'intereft mercenaire: & je fongeay bien plus à profiter de fa converfation que de fon credit. Il mourut dans le temps que cette amitié eftoit en fon plus haut point, & le fouvenir de fa perte m'afflige encore tous les jours. Pourquoy faut-il que des Hommes fi dignes de vivre foient fi-toft enlevez du monde, tandis que des miferables & des gens de rien arrivent à une extrême vieilleffe? Je ne m'étendray pas davantage fur un fujet fi trifte: car je fens bien que fi je continuois à en parler, je ne pourois m'empefcher de moüiller peut-eftre de larmes la Préface d'un livre de Satires & de plaifanteries.

AU

LECTE U R.

Ay laiffe ici la mefme Préface qui estoit dans les deux editions précédentes : à caufe de la justice que j'y rens à beaucoup d'Auteurs que j'ay attaqués. Je croyois avoir affez fait connoiftre par cette démarche, où perfonne ne m'obligeoit, que ce n'est point un efprit de malignité qui m'a fait écrire contre ces Auteurs; & quejay efté plûtoft fincere à leur égard, que médifant. Monfieur P. neanmoins n'en a pas jugé de la forte. Ce galant Homme, au bout de prés de vingt-cinq ans qu'il y a que mes Satires ont efté imprimées la premiere fois, eft venu tout à coup,

dans le temps qu'il fe difoit de mes Amis, réveiller des querelles entierement oubliées, & me faire fur mes Ouvrages un procez que mes Ennemis ne me faifoient plus. Il a compté pour rien les bonnes raisons que j'ay mifes en rimes, pour montrer qu'il n'y a point de médifance à fe môquer des méchans écrits; fans prendre la peine de refuter ces raisons, a jugé à propos de me traiter dans un Livre, en termes affez peu obfcurs, de Médifant, d'Envieux, de Calomniateur, d'Homme qui n'a fongé qu'à établir fa reputation fur la ruine de celle des autres. Et cela fondé principalement fur ce que j'ay dit dans mes Satires, que Chapelain avoit fait des vers durs, & qu'on estou a l'aife aux fermons de l'Abbé Cotin.

Ce font en effet les deux grands crimes qu'il me reproche, jufqu'à me vouloir faire comprendre que

je

je ne dois jamais efperer de remißion du mal que j'ay caufé, en donnant par là occafion à la pofterité de croire que fous le regne de Louis le Grand il y a eu en France un Poëte ennuyeux, & un Prédicateur affez peu fuivi. Le plaifant de l'affaire eft, que dans le Livre qu'il fait pour justifier noftre fiecle de cette étrange calomnie, il avoue lui mefme que Chapelain eft un Poëte tres-pen divertiffant, & fi dur dans fes expreßions, qu'il n'eft pas possible de le lire. Il ne convient pas ainfi du defert qui eftoit aux prédications de l'Abbé Cotin. Au contraire, il affeûre qu'il a efté fort preffé a un des fermons de cet Abbé: mais en mefme temps il nous apprend cette jolie particularité de la vie d'un fi grand Predicateur: que fans ce fermon, où heureufement quelques-uns de fes fuges fe trouverent, la fuftice, fur la requeste de fes parens, lui alloit donner un Curateur comme à un imbecille. C'est ainsi que Monfieur P. fçait deffendre fes Amis, & mettre en ufage les leçons de cette belle Rhetorique moderne inconnuë aux Anciens, où vraisemblablement il a appris à dire ce qu'il ne fant point dire. Mais je parle affez de la jufteffe d'efprit de Monfr. P. dans mes Reflexions critiques fur Longin; & il eft bon d'y renvoyer les Lecteurs.

Tout ce que j'ay ici à leur diré, c'eft que je leur donne dans cette nouvelle edition, outre mes anciens Ouvrages exactement reveûs, ma Satire contre les Femmes, l'Ode fur Namur, quelques Epigrammes,&mes Reflexions critiques fur Longin. Ces Reflexions que j'ay composées à l'occafion des Dialogues de Monfr. P. fe font multipliées fous ma main

beau

beaucoup plus que je ne croyois, & font cause que jay divifé mon Livre en deux volumes. fay mis à la fin du fecond volume les traductions Latines qu'ont faites de mon Ode les deux plus celebres Profeffeurs en eloquence de l'Univerfité: je veux dire Monfieur Lenglet & Monfieur Rollin. Ces tra ductions ont efté generalement admirées, & ils m'ont fait en cela tous deux d'autant plus d'honneur, qu'ils fçavent bien que c'eft la feule lecture de mon Ouvrage qui les a excités à entreprendre ce travail. Fay außi joint à ces traductions quatre Egigrammes Latines, que le Reverend Pere Fraguier fefuite a faites contre le Zoile moderne. Il y en a deux qui font imitées d'une des miennes. On ne peut rien voir de plus poli ni de plus élegant que ces quatre Epigrammes; & il femble que Catulle y foit reffufcité pour vanger Catulle. Fefpere donc que le Public me fçaura quelque gré du prefent que je lui en fais.

Au reste, dans le temps que cette nouvelle edition de mes Ouvrages alloit voir le jour, le Reverend Pere de la Landelle autre celebre Jefuite m'a apporté une traduction Latine qu'il a außi faite de mon Ode, & cette traduction m'a paru fi belle, que je n'ay pú refifter à la tentation den enrichir encore mon Livre, où on la troñvera avec les deux autres à la fin du fecond tême.

DISCOURS

AURO Y.

Eune & vaillant Heros, dont la haute fageffe
N'eft point le fruit tardif d'une lente vieil-
leffe,

Et qui feul, fans Miniftre, à l'exemple des
Dieux,

Soûtiens tout par toi-même & vois tout par tes yeux.
GRAND ROI, fi jufqu'ici, par un trait de prudence,
J'ay demeuré pour toi dans un humble filence;
Ce n'eft pas que mon cœur vainement fufpendu
Balance pour t'offrir un encens qui t'eft dû.
Mais je fçai peu louer, & ma Mufe tremblante
Fuit d'un fi grand fardeau la charge trop pefante,
Et dans ce haut éclat où tu te viens offrir,
Touchant à tes lauriers craindroit de les flétrir.
Ainfi, fans m'aveugler d'une vaine manie,
Je mefure mon vol à mon foible genie;
Plus fage en mon refpect, que ces hardis Mortels
Qui d'un indigne encens profanent tes Autels;
Qui dans ce champ d'honneur, où le gain les ameine,
Ofent chanter ton nom fans force & fans haleine,
Et qui vont tous les jours, d'une importune voix,
T'ennuyer du récit de tes propres exploits.

L'un en ftile pompeux habillant une Eglogue,
De fes rares vertus te fait un long prologue,
Et mefle, en fe vantant foi-mefme à tout propos,
Les loüanges d'un Fat à celles d'un Heros.

L'autre en vain fe laffant à polir une rime,
Et reprenant vingt fois le rabot & la lime,
Grand & nouvel effort d'un efprit fans pareil!
Dans la fin d'un fonnet te compare au Soleil.
Sur le haut Helicon leur veine méprisée,
Fut toûjours des neuf Soeurs la fable & la rifée.
Tom. I.

A

Cal

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