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Qui du bonheur public ayt cimenté fa gloire,
Il faut, pour le trouver, courir toute l'hiftoire,
La terre conte peu de ces Rois bienfaifans.
Le Ciel à les former fe prepare long-temps.
Tel fut cet Empereur, fous qui Rome adorée
Vid renaitre les jours de Saturne & de Rhée :
Qui rendit de fon joug l'Univers amoureux :
Qu'on n'alla jamais voir fans revenir heureux :
Qui foûpiroit le foir, fi fa main fortunée
N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée.
Le cours ne fut pas long d'un empire fi doux.

Mais où cherchay-je ailleurs ce qu'on trouve chez

nous ?

GRAND ROY, fans recourir aux hiftoires anti

ques,

Ne t'avons-nous pas vû dans les plaines Belgiques,
Quand l'ennemi vaincu defertant fes remparts,
Au devant de ton joug couroit de toutes parts,
Toi-mefme te borner au fort de ta victoire,
Et chercher dans la paix une plus jufte gloire?
Ce font là les exploits que tu dois avoüer:

Et c'eft par là, GRAND ROY, que je te veux loüer.
Affez d'autres, fans moy, d'un ftile moins timide,
Suivront aux champs de Mars ton courage rapide:
Iront de ta valeur effrayer l'univers,

Et camper devant Dôle au milieu des hyvers.

Pour moy, loin des combats, fur un ton moins terrible, Je diray les exploits de ton regne paisible.

Je peindray les plaifirs en foule renaiffans:

Les appreffeurs du peuple à leur tour gemiffans.
On verra par quels foins ta fage prévoyance
Au fort de la famine entretint l'abondance.
On verra les abus par ta main reformez,
La licence & l'orgueil en tous lieux reprimez,
Du débris des Traitans ton épargne groffie,
Des fubfides affreux la rigueur adoucie,
Le Soldat dans la paix fage & laborieux,
Nos Artifans groffiers rendus induftrieux;

Et

Et nos voisins fruftrez de ces tributs ferviles,
Que payoit à leur art le luxe de nos villes.
Tantoft je traceray tes pompeux bâtimens,
Du loifir d'un Heros nobles amusemens.
J'entens déja fremir les deux mers étonnées,
De voir leurs flots unis au pié des Pyrenées.
Déja de tous coftez la chicane aux abois
S'enfuit au feul afpect de tes nouvelles lois.
O que ta main par là va fauver de pupilles !
Que de fçavans plaideurs deformais inutiles !
Qui ne fent point l'effet de tes foins genereux ?
L'Univers fous ton regne a-t-il des malheureux ?
Eft-il quelque vertu dans les glaces de l'Ourfe,
Ni dans ces lieux brûlez où le jour prend fa fource,
Dont la trifte indigence ofe encore approcher,
Et qu'en foule tes dons d'abord n'aillent chercher ?
C'eft par toy qu'on va voir les Mufes enrichies,
De leur longue difette à jamais affranchies.
GRAND ROI, pourfuy toûjours, affure leur repos.
Sans elles un Heros n'eft pas long-temps Heros.
Bien-toft, quoy qu'il ayt fait,la mort d'une ombre noire
Enveloppe avec lui fon nom & fon histoire.

En vain pour s'exemter de l'oubli du cercueil,
Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil.
En vain malgré les vents aux bords de l'Hefperie
Enée enfin porta fes Dieux & fa patrie.

Sans le fecours des vers, leurs noms tant publiez
Seroient depuis mille ans avec eux oubliez.
Non, à quelques hauts faits que ton deftin t'appelle,
Sans le fecours foigneux d'une Muse fidelle,
Pour t'immortaliser tu fais de vains efforts.
Apollon te la doit: ouvre-lui tes trefors.
En Poëtes fameux rens nos climats fertiles.
Un Augufte aifément peut faire des Virgiles.
Que d'illuftres témoins de ta vafte bonté,
Vont pour toi déposer à la posterité !

Pour moi, qui fur ton nom déja brûlant d'écrire
Sens au bout de ma plume expirer la Satire,

Je n'ofe de mes vers vanter ici le prix.
Toutefois, fi quelqu'un de mes foibles écrits
Des ans injurieux peut éviter l'outrage,
Peut-eftre pour ta gloire aura-t-il fon ufage:
Et comme tes exploits étonnant les Lecteurs,
Seront à peine creus fur la foi des Auteurs;
Si quelque Esprit malin les veut traiter de fables,
On dira quelque jour, pour les rendre croyables:
B** qui dans fes vers pleins de fincerité
Jadis à tout fon fiecle a dit la verité;

Qui mit à tout blâmer fon étude & fa gloire,
A pourtant de ce Roi parlé comme l'Hiftoire.

A

EPISTRE II.

A MONSIEUR

L'ABBE DES ROCHES,

Quoi bon réveiller mes Mufes endormies,
Pour tracer aux Auteurs des regles ennemies?
Penies-tu qu'aucun d'eux veuille fubir mes loix,
Ni fuivre une raifon qui parle par ma voix ?

O le plaifant Docteur, qui fur les pas d'Horace,
Vient prefcher, diront-ils, la reforme au Parnaffe!
Nos écrits font mauvais, les fiens valent-ils mieux ?
J'entens déja d'ici Liniere furieux

Qui m'appelle au combat, fans prendre un plus long ter

me.

De l'encre, du papier, dit-il : qu'on nous enferme.
Voyons qui de nous deux plus aifé dans fes vers
Aura plûtoft rempli la page & le revers ?
Moy donc qui fuis peu fait à ce genre d'efcrime;
Je le laiffe tout feul verfer rime fur rime,
Et fouvent de dépit contre moy s'exerçant,
Punir de mes defauts le papier innocent.

Mais toy qui ne crains point qu'un Rimeur te noirciffe,
Que fais-tu cependant feul en ton Benefice?

Attens-tu qu'un Fermier payant, quoy qu'un peu tard,
De ton bien, pour le moins, daigne te faire part?
Vas-tu, grand défenfeur des droits de ton Eglife,
De tes Moines mutins reprimer l'entreprise?
Croy-moy, duft Aufanet t'affurer du fuccés,
Abbé, n'entrepren point mefme un jufte procés.
N'imite point ces fous dont la fotte avarice
Va de fes revenus engraiffer la Juftice,

Qui toûjours affignans, & toujours affignez,
Souvent demeurent gueux de vingt procés gagnez.
Soûtenons bien nos droits: Sot eft celui qui donne.
C'eft ainfi devers Caën que tout Normand raisonne.

Ce

Ce font là les leçons dont un pere Manceau
Inftruit fon fils novice au fortir du berceau.
Mais pour toy qui nouri bien en déça de l'Oife,
As fucé la vertu Picarde & Champenoise,
Non, non, tu n'iras point, ardent Beneficier,
Faire enroüer pour toy Corbin ni le Mazier.
Toutefois, fi jamais quelque ardeur bilieufe
Allumoit dans ton cœur l'humeur litigieufe;
Confulte-moy d'abord; & pour la reprimer,
Retien bien la leçon que je te vais rimer.

Un jour, dit un Auteur, n'importe en quel chapitre, Deux Voyageurs à jeun rencontrerent une huiftre. Tous deux la contestoient, lors que dans leur chemin La Juftice paffa, la balance à la main.

Devant elle à grand bruit ils expliquent la chofe.
Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause.
La Juftice pefant ce droit litigieux,

Demande l'huiftre, l'ouvre, & l'avale à leurs yeux,
Et par ce bel arreft terminant la bataille:

Tenez voila, dit-elle, à chacun une écaille.
Des fottifes d'autrui nous vivons au Palais :

Meffieurs, l'huiftre eftoit bonne. Adieu. Vivez en paix.

EPP

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