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T'accommodes-tu mieux de ces douces Ménades,
Qui dans leurs vains chagrins fans mal toûjours mala-

des,

Se font des mois entiers fur un lit effronté

Traiter d'une visible & parfaite fanté,

Et douze fois par jour, dans leur molle indolence,
Aux yeux de leurs Maris tombent en défaillance ?
Quel fujet, dira l'un, peut donc fi frequemment
Mettre ainfi cette Belle aux bords du monument?
La Parque raviffant ou fon fils ou fa fille,
A-t-elle moiffonné l'efpoir de fa famille ?
Non: il eft queftion de reduire un Mari
A chaffer un Valet dans la maifon cheri,
Et qui, parce qu'il plaift, a trop fceu lui déplaires
Ou de rompre un voyage utile & neceffaire:
Mais qui la priveroit huit jours de fes plaifirs,
Et qui loin d'un Galant objet de fes defirs...
O! que pour la punir de cette Comedie,
Ne lui voy-je une vraye & trifte maladie!

Mais ne nous faschons point. Peut-eftre avant deux jours,

Courtois & Dunyau mandés à fon fecours,

Digne ouvrage de l'Art dont Hipocrate traite !
Lui fçauront bien ofter cette fanté d'Athlete:
Pour confumer l'humeur qui fait fon embonpoint,
Lui donner fagement le mal qu'elle n'a point,
Et fuyant de Fagon les maximes énormes,
Au tombeau merité la mettre dans les formes.
Dieu veüille avoir foname, & nous délivre d'eux.
Pour moy, grand ennemi de leur art hazardeux,
Je ne puis cette fois que je ne les excufe.
Mais à quels vains difcours eft-ce que je m'amufe?
Il faut fur des fujets plus grands, plus curieux,
Attacher de ce pas ton efprit & tes yeux.

Quis'offrira d'abord ? Bon, c'est cette Sçavante Qu'eftime Roberval, & que Sauveur frequente. D'où vient qu'elle a l'œil trouble, & le teint fi terni ? C'eft que fur le calcul, dit-on, de Caffini,

Un

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Un aftrolabe en main, elle a dans fa goutiere
A fuivre Jupiter paffé la nuit entiere.
Gardons de la troubler. Sa fcience, je croy,
Aura pour s'occuper ce jour plus d'un employ.
D'un nouveau microfcope on doit en fa prefence
Tantoft chez Dalancé faire l'experience;

Puis d'une femme morte, avec fon embryon,
Il faut chez Du Vernay voir la diffection.
Rien n'échappe aux regards de noftre Curieuse.
Mais qui vient fur fes pas? C'eft une Précieuse,
Refte de ces Efprits jadis fi renommez,
Que d'un coup de fon art Moliere a diffamez.
De tous leurs fentimens cette noble heritiere
Maintient encore ici leur fecte façonniere.
C'eft chez elle toûjours que les fades Auteurs
S'en vont fe confoler du mépris des Lecteurs.
Elle y reçoit leur plainte, & fa docte demeure
Aux Perrins, aux Corras eft ouverte à toute heure.
Là du faux bel efprit se tiennent les bureaux. [veaux.
Là tous les vers font bons, pourveu qu'ils foient nou-
Au mauvais gouft public la Belle y fait la guerre :
Plaint Pradon opprimé des fiflets du Parterre:
Rit des vains Amateurs du Grec & du Latin;
Dans la balance met Ariftote & Cotin;
Puis d'une main encor plus fine & plus habile
Peze fans paffion Chapelain & Virgile;
Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés;
Mais pourtant confeffant qu'il a quelques beautés,
Ne trouve en Chapelain, quoy qu'ayt dit la Satire,
Autre defaut, finon, qu'on ne le fçauroit lire;
Et croit qu'on pourra mefme enfin le lire un jour,
Quand la langue vieillie ayant changé de tour,
On ne fentira plus la barbare ftructure
De fes expreffions mifes à la torture;

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S'étonne cependant, d'où vient que chez Coignard
Le Saint Paulin † écrit avec un fi grand art.

*

Et

Paroles de M. Prrrault dans fes Dialogues, à propos de Chapelain.

t Poëme de M. Perrault.

Et d'une plume douce, aisée, & naturelle,
Pourit vingt fois encor moins leû que la Pucelle.
Elle en accufe alors nostre Siecle infecté

Du pedantefque gouft qu'ont pour l'Antiquité
Magiftrats, Princes, Dues, & mefme Fils de France,
Qui lifent fans rougir & Virgile & Terence,

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Et toûjours pour Perrault pleins d'un dégouft malin,.
Ne fçavent pas s'il eft au monde un Saint Paulin.
A quoy bon m'étaler cette bizarre Ecole,
Du mauvais fens, dis-tu, prefché par une Folle ?
De livres & d'écrits bourgeois admirateur
Vai-je époufer ici quelque apprentie Auteur?
Sçavez-vous que l'Epoufe avec qui je me lie
Compte entre fes parens des Princes d'Italie ?
Sort d'Ayeux dont les noms... Je t'entens, & je voy
D'où vient que tu t'es fait Secretaire du Roy.
Il falloit de ce titre appuyer ta naiffance.
Cependant, t'avourai-je ici mon infolence?
Si quelque objet pareil chez moy, deçà les Monts
Pour m'épouzer entroit avec tous ces grands noms,
Le fourci rehauffé d'orgueilleufes chimeres;
Je lui dirois bien-toft: Jeconnois tous vos Peres:
Je fçay qu'ils ont brillé dans ce fameux combat *
Où fous l'un des Valois Enguien fauva l'Etat.
Varillas n'en dit rien: mais, quoy qu'il en puiffe eftre,
Je ne fuis point fi fot que d'épouzer mon maitre.
Ainfi donc au plûtoft délogeant de ces lieux,
Allez, Princeffe, allez avec tous vos Ayeux,
Sur le pompeux débris des lances Espagnoles,
Coucher, fi vous voulez, aux champs de Cerizoles.
Ma maison ni mon lit ne font point faits pour vous.
J'admire, pourfuis-tu, voftre noble couroux.
Souvenez-vous pourtant que ma famille illuftre
De l'affiftance au fceau ne tire point fon luftre:
Et que né dans Paris de Magiftrats connus,
Je ne fuis point ici de ces Nouveaux venus,

Combat de Cerizoles gagné par le Duc d'Enguien en Italie.

De

De ces Nobles fans nom, que par plus d'une voye
La Province fouvent en gueftres nous envoye.
Mais euffai-je comme eux des Meûniers pour parens,
Mon Epouze vinft-elle encor d'Ayeux plus grands,
On ne la verroit point, vantant fon origine,
A fon trifte Mari reprocher la farine.

Son cœur toûjours nouri dans la devotion,
De trop bonne heure apprit l'humiliation:
Et pour vous détromper de la penfée eftrange,
Que l'Hy men aujourd'hui la corrompe & la change:
Sçachez qu'en noftre accord elle a, pour premier point,
Exigé, qu'un Epoux ne la contraindroit point
A traîner aprés elle un pompeux equipage,
Ni fur tout de fouffrir, par un profane ufage,
Qu'à l'Eglife jamais devant le Dieu jaloux
Un faftueux carreau foit veu fous fes genoux.
Telle eft l'humble vertu qui dans fon ame emprainte...
Je le voy bien, Tu yas épouzer une Sainte:
Et dans tout ce grand zele il n'est rien d'affecté.
Sçais-tu bien cependant fous cette humilité
L'orgueil que quelquefois nous cache une Bigote,
Alcippe, & connois-tu la nation devote?

Il te faut de ce pas en tracer quelques traits,

Et

par ce grand portrait finir tous mes portraits. A Paris, à la Cour on trouve, je l'avouë, Des Femmes dont le zele eft digne qu'on le louë, Qui s'occupent du bien en tout temps, en tout lieu. J'en fçais Une cherie & du Monde & de Dieu, Humble dans les grandeurs, fage dans la fortune; Qui gemit, comme Efther, de fa gloire importune: Que le Vice lui-mefme eft contraint d'eflimer, Et que fur ce tableau d'abord tu vas nommer. Mais pour quelques Vertus fi pures, fi finceres, Combien y trouve-t-on d'impudentes Fauffaires, Qui fous un vain dehors d'auftere pieté De leurs crimes fecrets cherchent l'impunité, Et couvrent de Dieu même empraint fur leur vifage De leurs honteux plaifirs l'affreux libertinage?

N'atten

N'atten pas qu'à tes yeux j'aille ici l'étaler.
Il vaut mieux le fouffrir que de le dévoiler.
De leurs galans exploits les Buffis, les Brantômes
Pouroient avec plaifir te compiler des tômes:
Mais pour moy dont le front trop aifément rougit,
Ma bouche a déja peur de t'en avoir trop dit.
Rien n'égale en fureur, en monftrueux caprices,
Une fauffe Vertu qui s'abandonne aux vices.

De ces Femmes pourtant l'hypocrite noirceur
Au moins pour un Mari garde quelque douceur.
Je les aime encor mieux qu'une Bigotte altiere
Qui dans fon fol orgueil, aveugle, & fans lumiere,'
A peine fur le feüil de la devotion

Pense atteindre au fommet de la perfection:
Qui du foin qu'elle prend de me gefner fans ceffe
Va quatre fois par mois fe vanter à confeffe,
Et les yeux vers le Ciel, pour fe le faire ouvrir
Offre à Dieu les tourmens qu'elle me fait fouffrir.
Sur cent pieux devoirs aux Saints elle est égale :
Elle lit Rodriguez, fait l'oraison mentale,
Va pour les malheureux quefter dans les maifons,
Hante les hofpitaux, vifite les prifons,

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Tous les jours à l'Eglife entend jufqu'à fix meffes:
Mais de combattre en elle, & domter fes foibleffes,
Sur le fard, fur le jeu vaincre fa paffion,
Mettre un frein à fon luxe, à fon ambition,
Et foûmettre l'orgueil de fon efprit rebelle,
C'eft ce qu'en vain le Ciel voudroit exiger d'elle.
Èt peut-il, dira-t-elle, en effet l'exiger?
Elle a fon Directeur, c'eft à lui d'en juger.
Il faut, fans differer, fçavoir ce qu'il en penfe.
Bon! vers nous à propos je le voy qui s'avance.
Qu'il paroift bien nouri! Quel vermillon! Quel teint!
Le Printemps dans fa fleur fur fon vifage eft peint.
Cependant, à l'entendre, il fe foûtient à peine.
Il eut encore hier la fievre & la migraine;

Et fans les prompts fecours qu'on prit foin d'apporter,
Il feroit fur fon lict peut-eftre à tremblotter.

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Mais

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