qui ofteroient l'ame à la Poëfie lyrique. Le Cen feur dont je parle n'a pas pris garde qu'en attaquant ces nobles hardieffes de Pindare, il donnoit lieu de croire qu'il n'a jamais concen le fublime des Pfeaumes de David, où, s'il eft permis de parler de ces faints Cantiques à propos de chofes fi profanes, il y a beaucoup de ces fens rompus qui fervent mefme quelquefois à en faire fentir la Divinité. Ce Critique, felon toutes les apparences, n'est pas fort convaincu du precepte que j'ay avancé dans mon Art Poëtique, à propos de POde. Son ftile impetueux fouvent marche au ha zard: Chez elle un beau defordre eft un effet de Ce precepte effectivement qui donne pour regle de ne point garder quelquefois de regles, eft un myftere de l'Art, qu'il n'est pas aifé de faire entendre à un Homme fans aucun gonft, qui croit que la Clelie & les Opera font les modeles du Genre fublime; qui trouve Terence fade, Virgile froid, Homere de mauvais fens; & qu'une espece de bizarrerie d'esprit rend infenfible à tout ce qui frappe ordinairement les Hommes. Mais ce n'eft pas ici le lieu de lui montrer fes erreurs. On le fera peut-eftre plus à propos un de ces jours dans quelque autre Ouvrage. Pour Pour revenir à Pindare, il ne feroit pas difficile d'en faire fentir les beautés à des gens qui fe· feroient un peu familiarifé le Grec. Mais comme cette langue est aujourd'hui affez ignorée de la plupart des Hommes, & qu'il n'est pas poffible de leur faire voir Pindare dans Pindare mefme; jay crû que je ne pouvois mieux justifier ce grand Poëte qu'en tafchant de faire une Ode en François à fa maniere, c'eft à dire, pleine de mouvemens & de transports, où l'esprit parust plûtoft entraisné du Demon de la Poëfie, que guidé par la raison: C'est le but que je me fuis propofé dans l'Ode qu'on va voir. 7'ay pris pour fujet la prife de Namur, comme la plus grande action de guerre qui fe foit faite de nos jours, & comme la matiere la plus propre à échauffer l'imagination d'un Poëte. 7'yay jette autant que j'ay pû la magnificence des mots, & à l'exemple des anciens Poëtes Dithyrambiques, j'y ay employé les figures les plus audacieuses, jufqu'a y faire un aftre de la plume blanche que le Roy porte ordinairement à fon chapeau, & qui eft en effet comme une espece de Comete fatale à nos Ennemis, qui fe jugent perdus dés qu'ils l'apperçoivent. Voila le deffein de ce petit Ouvrage. Je ne réponds pas d'y avoir reüffi, & je ne fçay fi le Public accouftumé aux fages emportemens de Malherbe, s'accommodera de ces faillies & de ces excés Pindariques. Mais, fuppofe que j'y aye échoué, je m'en confoleray du moins moins par le commencement de cette famenfe Ode Latine d'Horace, Pindarum quifquis ftudet æmulari, &c. où Horace donne affez à entendre que s'il euft voulu lui-mefme s'élever à la hauteur de Pindare, il fe feroit creû en grand hazard de tomber. ODE O DE SUR LA PRISE DE NAMU R. Uelle docte & fainte yvreffe Dans fes chanfons immorteles, Eft-ce Apollon, & Neptune De leur enceinte fameufe . La Sambre unie à la Meufe Deffend le fatal abord, Et par cent bouches horribles. Dix mille vaillans Alcides Namur, devant tes murailles N'en doute point, c'eft Lui-mesme. En |