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Goûte peu d'Helicon les douces promenades.
Horace a bû fon faoul quand il void les Ménades,
Et libre du fouci qui trouble Colletet,

N'attend pas, pour dîner, le fuccés d'un Sonnet.
Ileft vrai: mais enfin cette affreufe difgrace
Rarement parmi nous afflige le Parnasse.

Et que craindre en ce fiecle, où toûjours les beaux Arts
D'un Aftre favorable éprouvent les regards,
Où d'un Prince éclairé la fage prévoyance
Fait par tout au Merite ignorer l'indigence?
Mufes, dictez fa gloire à tous vos Nourriffons.
Son nom vaut mieux pour eux que toutes vos leçons.
Que Corneille pour lui rallumant fon audace,
Soit encor le Corneille & du Cid & d'Horace.
Que Racine enfantant des miracles nouveaux,
De fes Heros fur lui forme tous les tableaux.
Que de fon nom chanté par la bouche des Belles,
Benferade en tous lieux amufe les ruelles.

Que Segrais dans l'Eglogue en charme les forefts.
Que pour lui l'Epigramme aiguize tous les traits.
Mais quel heureux Auteur, dans une autre Eneïde,
Aux bords du Rhin tremblant conduira cet Alcide?
Quelle fçavante Lyre au bruit de fes exploits,
Fera marcher encor les rochers & les bois :
Chantera le Batave éperdu dans l'orage,
Soy-mefme fe noyant pour fortir du naufrage:
Dira les bataillons fous Maftrich enterrez,
Dans ces affreux affauts du Soleil éclairez?
Mais tandis que je parle, une gloire nouvelle
Vers ce Vainqueur rapide aux Alpes vous appelle.
Déja Dole & Salins fous le joug ont ployé.
Bezançon fume encor fur fon Roc foudroyé.
Où font ces grands Guerriers, dont les fatales ligues
Devoient à ce torrent oppofer tant de digues?
Eft-ce encore en fuyant qu'ils penfent l'arrefter,
Fiers du honteux honneur d'avoir fceu l'éviter?
Que de rempars détruits! que de villes forcées !
Que de moiffons de gloire en courant amassées !

Au

Auteurs, pour les chanter, redoublez vos transports. Le fujet ne veut pas de vulgaires efforts.

Pour moy, qui jufqu'ici nouri dans la Satire,
N'ofe encor manier la trompette & la lyre:
Vous me verrez pourtant dans ce champ glorieux,
Vous animer du moins de la voix & des yeux :
Vous offrir ces leçons que ma Mufe au Parnaffe
Rapporta jeune encor du commerce d'Horace;
Seconder voftre ardeur, échauffer vos efprits,
Et vous montrer de loin la couronne & le prix.
Mais auffi pardonnez fi, plein de ce beau zele,
De tous vos pas fameux obfervateur fidele,
Quelquefois du bon or je fepare le faux,

Et des Auteurs groffiers j'attaque les defauts:
Cenfeur un peu fâcheux, mais fouvent neceffaire,
Plus enclin à blâmer, que fçavant à bien faire.

Fin de l'Art Poëtique.

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DISCOURS

SUR L'ODE.

de

'ODE fuivante a esté composée à l'occafion de ces eftranges Dialogues qui ont paru depuis quelque temps, où tous les plus grands Ecrivains de P'Antiquité font traités d'Efprits mediocres, gens à eftre mis en paralelle avec les Chapelains avec les Cotins, & où voulant faire honneur à noftre ficcle, on l'a en quelque forte diffamé, en faifant voir qu'il s'y trouve des Hommes capables d'écrire des chofes fi peu fenfées. Pindare eft des plus maltraités. Comme les beautés de ce Poëte font extrêmement renfermées dans fa langue, PAuteur de ces Dialogues, qui vraisemblablement ne fçait point de Grec, & qui n'a leû Pindare que dans des traductions Latines affez défectueuses, pris pour galimathias tout ce que la foibleffe de fes lumieres ne lui permettoit pas de comprendre. Il a fur tout traité de ridicules ces endroits merveilleux, où le Poëte, pour marquer un esprit entierement hors de foy, rompt quelquefois de deffein formé la fuite de fon difcours, afin de mieux entrer dans la raifon; fort, s'il faut ainfi parler, de la raifon mefme: évitant avec foin cet ordre methodique & ces exactes liaisons de fens

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qui

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