Andis que tout confpire à la guerre facrée, La Pieté fincere aux * Alpes retirée Du fond de fon defert entend les triftes cris De fes Sujets cachez dans les murs de Paris. Elle quitte à l'inftant fa retraite divine. La Foy d'un pas certain devant elle chemine. L'Efperance au front gay l'appuye & la conduit, Et la bourfe à la main la Charité la fuit.
Vers Paris elle vole, & d'une audace fainte Vient aux piés de Thémis proferer cette plainte. Vierge, effroy des méchans, appui de mes autels, Qui la balance en main regles tous les Mortels, Ne viendray-je jamais en tes bras falutaires, Que pouffer des foûpirs & pleurer mes miferes? Ce n'eft donc pas affez, qu'au mépris de tes loix, L'Hypocrifie ayt pris & mon nom & ma voix, Que fous ce nom facré par tout fes mains avares Cherchent à me ravir croffes, mitres, tiares? Faudra-t-il voir encor cent Monftres furieux Ravager mes Etats ufurpez à tes yeux ? Dans les temps orageux de mon naiffant Empire Au fortir du Baptefme on couroit au martyre. Chacun plein de mon nom ne refpiroit que moy. Le Fidele attentif aux regles de fa loy,
Fuiant des vanitez la dangereufe amorce, Aux honneurs appellé n'y montoit que par force. Ces coeurs que les Boureaux ne faifoient point fremir A l'offre d'une mitre eftoient prefts à gemir; Et fans peur des travaux, fur mes traces divines, Couroient chercher le Ciel au travers des épines. Mais depuis que l'Eglife eut aux yeux des Mortels De fon fang en tous lieux cimenté fes autels, Le calme dangereux fuccedant aux orages, Une lafche tiedeur s'empara des courages:
Lagrande Chartreufe eft dans les Alpes.
De leur zele brûlant l'ardeur se ralentît: Sous le joug des pechez leur foy s'apefantît; Le Maine fecoua le cilice & la haire: Le Chanoine indolent apprit à ne rien faire : Le Prelat par la brigue aux honneurs parvenu,, Ne fceut plus qu'abufer d'un ample revenu, Et pour toutes vertus fit au dos d'un caroffe A cofté d'une mitre armorier la croffe. L'Ambition par tout chaffa l'Humilité, Dans la craffe du froê logea la Vanité. Alors de tous les cœurs l'union fut détruite. Dans mes cloiftres facrez la Difcorde introduite Y bastit de mon bien fes plus feurs arsenaux, Traifna tous mes Sujets au pié des Tribunaux : En vain à ses fureurs j'oppolay mes prieres, L'infolente à mes yeux marcha fous mes Bannieres.. Pour comble de mifere, un tas de faux Docteurs Vint flatter les pechez de discours impofteurs. Infectant les Efprits d'execrables maximes, Voulut faire à Dieu mefme approuver tous les crimes.. Une fervile Peur tint lieu de Charité.
Le besoin d'aimer Dieu passa pour nouveauté, Et chacun à mes piés, confervant fa malice, N'apporta de vertu que l'aveu de fon vice.
Pour éviter l'affront de ces noirs attentats, Je vins chercher le calme au fejour des frimats, Sur ces monts entourez d'une éternelle glace, Où jamais au Printemps les Hyvers n'ont fait place:: Mais jufques dans la nuit de mes facrez Deferts Le bruit de mes malheurs fait retentir les airs. Aujourd'hui mesme encore une voix trop fidele M'a d'un trifte defaftre apporté la nouvelle. J'apprens que dans ce Temple où le plus faint des Rois Confacra tout le fruit de fes pieux exploits, Et fignala pour moy fa pompeufe largeffe, L'implacable Difcorde & l'infame Molleffe G 6
S..Louis, Fondateur de la fainte Chapelles
Foulant aux piés les loix, l'honneur & le devoir, Ufurpent en mon nom le fouverain pouvoir. Souffriras-tu, ma Soeur, une action fi noire? Quoy? ce Temple à ta porte élevé pour ma gloire, Où jadis des Humains j'attirois tous les vœux, Sera de leurs combats le theatre honteux ?
Non, non, il faut enfin que ma vengeance éclate. Affez & trop long-temps l'impunité les flatte. Prenton glaive, & fondant fur ces Audacieux, Vien, aux yeux des Mortels juftifier les Cieux.
Ainfi parle à fa Soeur cette Vierge enflammée. La Grace eft dans fes yeux d'un feu pur allumée. Themis fans differer lui promet fon fecours, La flatte, la raffure, & lui tient ce difcours.
Chere & divine Sœur, dont les mains fecourables Ont tant de fois feché les pleurs des Miserables, Pourquoy toy-mefme en proye à tes vives douleurs Cherches-tu fans raifon à groffir tes malheurs ? En vain de tes Sujets l'ardeur eft ralentie, Diun ciment éternel ton Eglife eft bastie, Et jamais de l'Enfer les noirs fremiffemens N'en fçauroient ébranler les fermes fondemens. Au milieu des combats, des troubles, des quereles Ton nom encor cheri vit au fein des Fideles. Croy-moy,dans ce Lieu même où l'on veut t'opprimer, Le trouble qui t'étonne eft facile à calmer Et pour y rappeller la Paix tant de firée,.
Je vais t'ouvrir, ma Sœur, une route affeurée. Prefte-moy donc l'oreille, & retien tes foûpirs. Vers ce Temple fameux fi cher à tes defirs, Ou le Ciel fut pour toy fi prodigue en miracles, Non loin de ce Palais où je rens mes oracles, Eft un vafte fejour des Mortels reveré,
Et de Clients foûmis à toute heure entouré.
Là fous le faix pompeux de ma pourpre honorable Veille au foin de ma gloire un Homme incomparable Arifte dont le Ciel & Louis ont fait choix Pour regler ma balance, & dispenser mes loix.
Par lui dans le Barreau fur mon trône affermie Je vois heurler en vain la Chicane ennemie. Par lui la Verité ne craint plus l'Impofteur, Et l'Orphelin n'eft plus devoré du Tuteur. Mais pourquoy vainement t'en retracer l'image? Tu le connois affez, Arifte eft ton ouvrage. C'eft toy qui le formas dés fes plus jeunes ans, Son merite fans tache est un de tes prefens. Tes divines leçons avec le laict fucées Allumerent l'ardeur de fes nobles pensées. Auffi fon coeur pour toy, brûlant d'un fi beau feu, N'en fit point dans le monde un lâche desaveu, Et fon zele hardi toûjours preft à paroiftre, N'alla point se cacher dans les ombres d'un Cloitre. Vale trouver, ma Soeur, à ton augufte nom Tout s'ouvrira d'abord en fa fainte Maifon, Ton vilage eft connu de fa noble famille.
Tout y garde tes loix, Enfans, Sueur, Femme, Fille Tes yeux d'un feul regard fçauront le penetrer, Et pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer. Là s'arrefte Themis. La Pieté charmée
Sent renaiftre la joie en fon ame calmée. Elle court chez Arifte, & s'offrant à fes yeux: Que me fert, lui dit-elle, Arifte, qu'en tous lieux Tu fignales pour moy ton zele & ton courage, Si la Difcorde impie à ta porte m'outrage? Deux puiffans Ennemis par elle envenimez, Dans ces murs, autrefois fi faints, firenommez, A mes facrez autels font un profane infulte,
Rempliffent tout d'effroi, de trouble & de tumulte. De leur crime à leurs yeux va-t-en peindre l'horreur,, Sauve-moy, fauve-les de leur propre fureur.
Elle fort à ces mots. Le Heros en priere Demeure tout couvert de feux & de lumiere. De la celefte Fille il reconnoift l'éclat,
Et mandeau mefme inftant le Chantre & le Prelat. Mufe, c'eft à ce coup que mon Efprit timide Dans la courfe élevée a befoin qu'on le guide,
Pour chanter par quels foins, par quels nobles travaux, Un Mortel fceût fléchir ces fuperbes Rivaux.
Mais plûtoft, Toy qui fis ce merveilleux ouvrage, Arifte, c'eft à toy d'en inftruire noftre âge. Seul tu peux reveler par quel art tout-puiffant, Tu rendis tout-à-coup le Chantre obeïffant. Tu fais par quel confeil raffemblant le Chapitre Lui-mefme, de fa main, reporta le Pupitre, Et comment le Prelat de fes refpects content, Le fit du banc fatal enlever à l'instant.
Parle donc c'est à Toy d'éclaircir ces merveilles. Il me fuffit pour moy d'avoir sceû, par mes veilles, Jufqu'au fixiéme Chant pouffer ma fiction,
Et fait d'un vain Pupitre un second Ilion. Finiffons. Auffi-bien, quelque ardeur qui m'infpire, Quand je fonge au Heros qu'il me refte à décrire, Qu'il faut parler de Toy, mon Efprit éperdu Demeure fans parole, interdit, confondu.
Arifte, c'eft ainfi qu'en ce Senat illuftre
Où Themis, par tes foins, reprend fon premier luftre, Quand la premiere fois un Athlete nouveau
Vient combattre en champ clos aux joustes du Barreau,, Souvent, fans y penfer, ton augufte prefence Troublant par trop d'éclat fa timide éloquence, Le nouveau Ciceron tremblant, décoloré, Cherche en vain fon difcours fur la langue égaré En vain, pour gagner temps, dans les tranfès affreufes, Traifne d'un dernier mot les fyllabes honteufes; Il hefite, il begaye, & le trifte Orateur Demeure enfin muet aux yeux du Spectateur,
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